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Dépression, troubles anxieux, psychotraumatismes, pathologies mentales : les effets du jeûne

par Claire Sibille

publié dans Je suis psy mais je me soigne ! , Jeûne et Detox

Le jeûne soigne-t-il aussi les troubles et les maladies psychiques ?

Dépression, troubles anxieux, psychotraumatismes, pathologies mentales : les effets du jeûne

Psychothérapeute alternative, praticienne EMDR et écothérapeute, cela fait longtemps que je cherche les voies les plus naturelles possibles pour grandir et guérir, pour prendre soin de moi et des personnes que j’accompagne.

J’ai commencé à accompagner les états émotionnels des jeûneurs car cette pratique m’a profondément transformée et aidée.

En effet, Jeûner m’a permis de tourner la page du corps malmené ou oublié suite aux blessures de la vie. Pour cela, et paradoxalement pour beaucoup, je l’ai privé de ce qui paraît essentiel et qui est si souvent superflu, addictif ou en excès : la nourriture.

 

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La crise du Covid19 a remis en évidence une réalité qui lui est bien antérieure et dont il n’a été qu’un déclencheur, un accélérateur, un amplificateur : les français, et encore plus les françaises, souffrent émotionnellement. Épuisement dû à la charge mentale en tant que mère ou en tant que soignante, car beaucoup de soignants sont des femmes, en particulier les moins qualifiées et rémunérées, dépression, troubles du comportement alimentaire, symptômes post-traumatiques non soignés et souvent non identifiés, attaques de paniques, angoisse chronique et insomnie, solastalgie et plus simplement ecoanxiété, consommation massive de médicaments psychotropes, violences, la liste était déjà longue, elle n’a fait que s’aggraver.

Le jeûne peut-il avoir un effet positif sur ces troubles ?

 

Le jeûne n’est pas la première thérapie à laquelle pensent les très nombreuses personnes qui souffrent de troubles émotionnels avérés, comme la dépression ou les troubles anxieux. Quand elles passent le seuil d’une maladie invalidante, il est d'usage de parler de maladie mentale et non plus simplement émotionnelle. La schizophrénie, les troubles psychotiques ou les états limites nous font pénétrer un autre monde, un monde très marqué par l’enfermement et le médicament.

    Pourtant notre alimentation a une influence directe sur notre état émotionnel et mental. Il est donc naturel et indispensable d’étudier et d’accompagner l’effet du jeûne sur ces aspects de notre vie.

Le microbiote intestinal et son lien avec les émotions, l’alimentation et le stress est de plus en plus reconnu et validé. Nous savons maintenant que nous avons un « deuxième cerveau » dans le ventre, je préfère l’appeler le premier cerveau car il est antérieur. Si l’on prend l’exemple du neurotransmetteur cérébral bien connu par son impact sur la joie de vivre qu’est la sérotonine, il est beaucoup moins connu que plus de 90 % de cette hormone est fabriquée dans le tube digestif et qu’en conséquence notre alimentation joue un rôle essentiel dans sa production comme dans sa régulation.

De la même façon que pour une maladie physique, un trouble ou une maladie émotionnelle ou mentale est due à un ensemble de facteurs complexes.

La maladie est un phénomène complexe avec des dimensions biologiques, psycho-émotionnelles et sociales. Elle est en particulier un phénomène épigénétique, c'est-à-dire qu'elle relier l'inné, le "terrain", à l'acquis, c'est-à-dire à l'environnement et l'histoire de l'individu, qui feront que certains gênes pathogènes ou au contraire protecteurs s'exprimeront ou non, que le système immunitaire de la personne sera plus ou moins apte à réagir aux agressions, aux stress et aux traumatismes.

Les émotions malades sont omniprésentes dans notre société, ce sont les troubles d’une société de l’excès : la dépression comme pathologie de la tristesse, les troubles anxieux ou les phobies pour la peur, la violence pour la colère, les troubles du comportement alimentaire et les addictions au lieu du plaisir consenti et de la joie partagée. Il est tellement convenu de prendre de médicaments pour les calmer que certains ne se posent même pas la question d’autres approches. Et ces émotions bafouées ressortent un jour ou l’autre. Burn-out, fatigue extrême, fibromyalgie, dépression, suicide incompréhensible, maladie dégénérative, cancer inexplicable, le corps prend le relais pour exprimer les émotions interdites.

Le jeûne peut devenir une des approches permettant de soigner ses émotions, en complément d’une psychothérapie et d’un éventuel traitement médical pour les cas les plus complexes. Il a des effets impressionnants sur ces troubles si fréquents jusqu’aux troubles de la communication, ceux qui affectent notre vie sociale en provoquant chez nous la peur de l’autre et le retrait.

Il agit aussi sur les évènements douloureux, les deuils plus ou moins complexes et traumatiques, les séparations et les chagrins d’amour. Le stress post-traumatique s'amélirorera beaucoup également grâce au processus psycho-corporel en jeu dans le jeûne.

 

Les maladies mentales ou psychoses

   Ce sont les troubles psychiques les plus invalidants. Les résultats cités dans le livre de Thierry de Lestrade, « Le jeûne, une nouvelle thérapie ? » sur les études du psychiatre russe Nikolaïev avec 7 000 patients sont impressionnants. Pour la dysmorphophobie (peur d’être difforme) qui touche 13% des patients psychiatriques environ, il observe 90% de rémission si la maladie s’est déclarée dans les 12 derniers mois. Pour les psychoses et les délires de persécution, 60% ont vu leur état s’améliorer si la pathologie avait moins de 2 ans, 40% si elle avait plus de 5 ans. C’est plus que n’importe quel médicament. Il note aussi que pour calmer la douleur émotionnelle de certains malades qui peut être extrêmement dure à supporter, le jeûne, un jeûne suffisamment long, a les mêmes effets qu’un médicament psychotrope. Dans la première semaine de jeûne, on observe un effet stimulant et un effet antidépresseur. À partir de la deuxième semaine, le jeûne a un effet calmant et sédatif efficace sur les psychoses hallucinatoires. À la rupture du jeûne et pendant la reprise alimentaire on retrouve des effets stimulants et antidépresseurs, c’est pour cela qu’elle doit être particulièrement bien suivie.

La dépression

 

   Ce trouble très répandu, la dépression, va de l’état dépressif à la dépression profonde avec effondrement de la personnalité ou le suicide. On peut également mentionner la fibromyalgie, cette dépression inscrite dans le corps. Les causes peuvent être multiples, depuis une perte tragique engendrant un deuil complexe, facilement identifiable en tant que cause, jusqu’à l’accumulation épuisante au fil des années de tâches jugées absurdes et de relations sans vrai épanouissement qui finissent par effondrer la personne sous le poids du non-sens. Par exemple, combien de mères épuisées par leur charge mentale et quotidienne sont considérées voire diagnostiquées comme dépressives et invitées à prendre des antidépresseurs pour compenser le fait que leur compagnon ne participe pas aux tâches ménagères et éducatives !

   L’amélioration s’observe entre le septième et le dixième jour de jeûne, mais elle peut être de courte durée. Dans les dépressions profondes comme celles qu’accompagne Nikolaev, la guérison n’intervient qu’entre vingt et vingt-cinq jours de jeûne. Et l’amélioration ne se fait souvent sentir qu’au moment de la réalimentation.

   Mais j’ai pu constater l’effet positif du jeûne, un jeûne hydrique ou sec d’au moins cinq jours, sur les états dépressifs et les trouble de l’humeur. Le jeûne reprend les étapes du « SAFE », une méthode alternative visant à guérir la dépression avec des compléments alimentaires, à savoir : stimulant, apaisant, fortifiant, euphorisant. Mais sans compléments alimentaires !

 

   Les mémoires traumatiques et le stress post-traumatique

 

Les blessures du passé sont-elles réveillées par le jeûne ? Que puis-je attendre du jeûne pour les traumatismes que j’ai subi ?

Le corps est le réceptacle de toutes nos mémoires, de toute notre histoire.

Le corps n’oublie rien. Et nos deux cerveaux ont même tendance à privilégier la mémorisation des évènements douloureux ou des contextes difficiles car cela se révèle plus important pour la survie.

Le jeûne va réveiller toutes ces mémoires comme il le fait pour les blessures et maladies physiques et la personne va faire face petit à petit, sûrement en plusieurs jeûnes, à ses traumatismes les plus profonds. Mais le jeûne va aussi, comme pour le corps, proposer des outils de réparation et de résilience en rapport, des voies de transformation et de guérison.

L’activité des rêves en particulier est notable et a besoin d’être entendue. Les rêves parfois très violents et « cauchemardesques », très intenses émotionnellement, les attaques de panique et les crises d’angoisse, les crises de sanglots sont des symptômes de ces « crises curatives » émotionnelles.

Le lien entre le microbiote intestinal et les émotions, l’alimentation et le stress est de plus en plus reconnu et validé. Les blessures émotionnelles, les troubles émotionnels et le psycho-traumatisme se traduisent aussi souvent à travers des troubles du comportement alimentaire et le jeûne permet sa réorganisation totale.

Au final, le jeûne va aider à développer les émotions unifiantes de joie et de confiance ainsi que les capacités d’empathie.

Par ailleurs, l’accent mis par certains thérapeutes sur le traumatisme vécu plutôt que sur la personne facilite beaucoup la déculpabilisation, la prise de distance face au diagnostic et donc la guérison des blessures.

On n’est pas une maladie, on a vécu un événement traumatisant, c’est tout à fait différent.

C’est le cas par exemple des troubles bipolaires, considérés comme un «état-limite», c’est-à-dire entre névrose et psychose, et traités par des médicaments, alors que l’on sait maintenant qu’ils sont majoritairement dus à un syndrome de stress post- traumatique, suite en particulier à des agressions sexuelles dans l’enfance ou l’adolescence. Les caractéristiques de cet état peuvent de plus « choquer » moralement et provoquer le jugement ou le rejet, car la personne présentant cette symptomatologie va développer des comportements d’addiction, de mise en danger ou de sexualité débridée.  Ce jugement social, voire familial et amical, enferme ainsi la personne dans la honte et le silence, et renforce le problème à chaque acte « limite ». Ce phénomène est très bien montré par exemple dans le film "Les Chatouilles". Il sera donc indispensable, en plus d’un jeûne, de retrouver ce traumatisme initial parfois de longue durée comme dans l’inceste et d’en prendre soin avec une thérapie adaptée dans un lien sécure.

On me demande souvent si le jeûne peut remplacer  une psychothérapie. Je pense que non. Il donne à la personne blessée plus de ressources dans l’ici et maintenant. Mais l’accompagnement dans une psychothérapie adaptée, en particulier intégrant le corps, les émotions et les psychotraumatismes permet de sortir d’années, de dizaines d’années de non affirmation, d'effacement du désir et de la personnalité, enracinées dans une enfance blessée ou maltraitée. Mais le jeûne donnera l'énergie, la vitalité physique et émotionnelle, ainsi que les ressources nécessaires pour accompagner ce processus.

   Ainsi par le jeûne accompagné éventuellement d'une psychothérapie intégrative, vous remplacerez une médecine de la peur, de la menace, « si vous ne prenez pas ce médicament, si vous ne vous faites pas opérer, vous allez ... » par une approche holistique, globale, où l’être humain dans son ensemble est aussi considéré comme acteur de sa guérison.

   En créant un contexte favorable à la guérison, à la transformation, à la libération intérieure sur tous les plans, physique, émotionnel et mental, le jeûne permet à la personne de devenir son propre médicament.

 

CLAIRE SIBILLE

Psychothérapeute

Auteure du livre : Le Jeûne : une thérapie des émotions ?

https://exuvie.fr/livre/le-jeune-une-therapie-des-emotions/

Juin 2020, Éditions Exuvie

Le blog : Une Psy … Cause !

www.clairesibille.fr

Une première version de cet article a été publiée en 2020 dans le blog « Jeûner à la maison » en tant qu’invitée.

 

La lumière au bout de la nuit, Lasseube, janvier 2021.

La lumière au bout de la nuit, Lasseube, janvier 2021.

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Petites chroniques littéraires au coin du feu…

par Claire Sibille

publié dans Des livres profonds ... comme une psychothérapie !

Je n’emploierai pas le mot « critique », dont l’étymologie « qui décide du sort de quelqu’un ou de quelque chose après un jugement » ne me plaît pas du tout !

La chronique rappelle le temps qui passe et qui peut changer le cours des choses et des sentiments, un mot subjectif qui me va mieux… sauf dans la maladie !

 

Cinq parmi les romans lus les derniers mois. Une déception, quatre coups de cœur. Quatre écrivaines, un écrivain. Deux chroniques et trois livres à lire.

 

Le Pays des Autres de Leila Slimani (mars 2020)

 

Je me faisais une joie de lire ce roman à la fois parce que j’ai aimé Chanson Douce, mais aussi car l’histoire du Maroc dans les années 40/50 concerne la moitié maternelle de ma famille. J’en ai pourtant vite abandonné la lecture car même littérairement irréprochables, j’en ai eu vite marre de ces bêtes harcelées, maltraitées, de ces femmes soumises et perdues dans leurs voiles, de ces enfants maigres qui reçoivent une baffe pour un oui pour un non, de ces hommes qui se vengent sur les enfants, les femmes et les bêtes du travail abrutissant, du repos inaccessible et de leurs propres erreurs de jugement. Il faudrait s’attacher pourtant à ces hommes comme s’ils étaient sympathiques, ce que leurs coups et leur violence empêchent. Et même si j’ai ressenti une forme d’empathie pour leur histoire, cela n’a pas suffi. Même le principal personnage féminin, même la petite fille ne m’ont pas accrochées. Trop victimes peut-être, trop décrites, sans désir intérieur bien identifié, sans même trop d’instinct de survie. Alors j’ai laissé tomber, juste feuilleté la fin pour voir si une lueur d’espoir autre que les arbres fruitiers pouvaient venir alléger la charge, mais je n’ai rien trouvé. Alors je suis allée m’acheter un kilo d’oranges en pensant que le soleil avait peut-être une peu trop "tapé sur la tête" de l'auteure, comme ils disent là-bas…

 

Les Impatientes de Djaïli Amadou Amal (Septembre 2020)

 

Paradoxalement ce roman très dur sur la condition féminine au Sahel m’a enthousiasmée. Le souffle épique d’un Laurent Goudé se marie à la puissance émotionnelle d’une écrivaine très en lien avec la profondeur de l’intime, en particulier féminine. Comment chacune des trois héroïnes du livre va-t-elle trouver la porte de sortie de ce patriarcat étouffant, ce patriarcat qui appuie sur la culture et la religion un simple désir de domination absolue, je vous le laisse découvrir car ce serait trop méchant de vous spoiler la fin de chaque histoire. Mais si vous arrivez à dépasser la violence insupportable, et le talent de « griotte », de conteuse, de l’auteure vous donne tous les moyens de le faire, vous ne serez pas déçu.es. Juste parfois quelques mots incongrus dans ce contexte, comme le terme « macho » a heurté une lecture par ailleurs impossible à lâcher. Indispensable à lire pour les hommes et les femmes qui veulent comprendre de l’intérieur les systèmes de domination mis en place par tous ces hommes qui ont peur des femmes ou qui les ignorent. Mais un des atouts maîtres du livre est de décrire comment la plupart des femmes elles-mêmes entretiennent, valident et soutiennent ce système et y entraînent leurs filles, avec soumission, résignation, rage impuissante mais trop souvent avec une conviction enracinée dans l’instinct de survie, un peu comme certains prisonniers, certains esclaves, deviennent des « kapos » au service du chef pour essayer de sauver leur peau dans un monde totalement et profondément injuste. Tous les personnages féminins sont attachants, même les pires, c’est un exploit. Mais la subtilité de l’auteure lui permet de mettre en scène quelques hommes arrivant à tourner le dos à cette oppression qu’ils subissent aussi tant qu’ils restent « les fils de ». Car l’aliénation patriarcale ne maltraite pas que les femmes. Il est essentiel de le rappeler.

 

Enfin, plus brièvement :

  • Un incontournable premier roman, « Ce qu’il faut de nuit » de Laurent Petitmangin (Août 2020) sur les difficultés de la relation entre un père et ses fils quand la mère n’est plus là pour colmater les brèches. Un beau roman noir et social, émouvant et réaliste qui arrive à transcender un réel pas facile par la puissance et la douceur des émotions partagées, un beau livre sur la naissance et le développement de l’empathie.
  • Un incontournable féministe, au sens le plus basique de la survie des femmes dans un monde de brutes, en particulier sexuelles : « Le consentement » de Vanessa Springora (janvier 2020), qui a aussi le mérite de faire descendre de son piédestal auto-construit le très petit milieu intellectuel parisien et ses icônes de plastique.
  • Un incontournable humaniste, « Une farouche liberté » de Gisèle Halimi (août 2020) dans lequel le combat féministe de cette personnalité hors-normes s’inscrit dans une soif de justice universelle qui nous fait croire en un monde meilleur, et surtout en la force et l’efficacité de l’activisme intelligent. Ne jamais baisser les bras, s’agripper au combat comme un chien à son os et il en naîtra quelque chose de mieux, un beau témoignage d’espérance, universel et atemporel.

 

Bonne lecture, qu’elles vous encouragent à écrire vous aussi. Tiens, puisque je n’ai pas écrit de nouvel article pour les vœux annuels, ceux des années précédentes étant toujours résolument d’actualité, ce serait ce que je vous souhaite pour l’année à venir, tellement l’écriture est source de résilience et même de guérison des blessures individuelles

Un (tout) petit rayon de ma bibliothèque.

Un (tout) petit rayon de ma bibliothèque.

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