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Je suis Smartphonophobique !

par Claire Sibille

publié dans Cette société - c'est la notre ! , Le quotidien c'est pas banal !

Je suis Smartphonophobique !

Résumé : Les phobies sont des troubles anxieux fréquents, sans âge, dont les psys pensent qu’elles sont souvent le paravent d’un trouble plus profond, un traumatisme par exemple. Mais dans cet article, je voudrais aussi témoigner que la phobie peut être un réflexe de survie face à l’excès, en particulier consumériste, qui, tel un ogre avide et insatiable, dévore notre planète et notre humanité.

La phobie, du grec phobos (effroi), est une peur soudaine pouvant devenir panique et conduire à la fuite. Les phobies sont des troubles anxieux qui se manifestent par une crainte intense, persistante, et gênante, focalisée sur un objet précis ou sur un type de situation bien défini. L’angoisse ressentie est le plus souvent incontrôlable et toujours excessive par rapport au danger réel.

Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette dernière affirmation. C’est vrai pour les araignées et les souris. Mais peut-être que l’objet de la phobie représente un danger socialement sous-estimé, ou encore que le danger réel se planque derrière la phobie, qui devient donc un signal d’alerte qu’il convient au moins d’écouter. C’est par exemple évident pour les personnes désignées comme écoanxieuses car elles ne sont pas dans le déni de l’effondrement écologique. La conscience du réel devient une maladie ...

Un exemple ? J’ai été, oui, moi, écolo viscérale, phobique pendant des années des tipules ou cousins, ces gros insectes inoffensifs qui s’envolaient dans tous les sens dans les prairies avec les graines de pissenlit. Je parle au passé car ils ont presque disparu, rien à voir avec les centaines qui jaillissaient du sol quand j’étais plus jeune. Ma phobie a été vaincue avant leur disparition. Mais de quoi cette phobie était-elle le signal ? J’ai retrouvé deux scènes. L’une, toute petite, où je dégringole d’une colline en dérangeant ces bestioles qui s’envolent de tous côtés. Cheville foulée et traumatisme de chute. L’autre, beaucoup plus grave, le viol de mon adolescence (dont j’ai parlé dans d’autres articles), dans un champ où les tipules fourmillaient.

Ah, la vie à la campagne !

Ces pauvres insectes n’étaient évidemment pour rien dans ces deux situations. Mais leur maladresse envahissante, leurs longues pattes et leur vol erratique, et leur si grande vulnérabilité - les prendre en main pour les sortir d’une pièce suffit à les tuer - représentaient bien l’émotion que je ressentais dans ces deux situations.

La phobie sert donc en priorité à désigner un bouc émissaire qui recouvrira le traumatisme d’un voile pudique.

Et c’est pour cela que ma nouvelle phobie, celle des smartphones, et plus légèrement mais de manière notable des réseaux sociaux, m’a interrogée, cette fois-ci sur un registre plus politique et sociétal.

La situation où ma phobie est devenue criante : je suis dans une salle d’attente bondée, où les personnes sont serrées comme des sardines. Tout le monde est sur son portable. Les deux seules exceptions : moi, je lis un livre, et une dame ayant récupéré le seul magasine présent sur la table, un « Elle » datant de 2019 (j’ai vérifié). Un peu vieux mais survivant, il n’y a plus de magasines dans les salles d’attente soi-disant pour des raisons d’hygiène.

Je tiens à préciser qu’à ma connaissance je ne suis pas électro-sensible, en tous cas pas plus que la moyenne. Je me suis sentie envahie par tous ces portables comme si de gros tipules technologiques s’envolaient tout autour de moi en faisant des BUZZ d’enfer … J'étais effrayée aussi, je ne sais pas si le terme est adapté, par le regard et les gestes captifs des personnes autour de moi, comme dans le film d’animation Wall-E, dont j’ai déjà plusieurs fois parlé tant il me semble visionnaire. Paru en 2009, c’est l’histoire d’un petit robot, seul humain survivant parmi des êtres collés sur leur écran au point de ne plus pouvoir marcher… les hommes et les femmes.

Bon, cette salle d’attente est devenue celle de l’enfer. Insupportable. Je me suis penchée dans tous les sens et tenté de me protéger avec mon livre mais il n'était pas assez épais. J’ai fini par sortir dans le couloir quand une personne s’est mise à hurler au téléphone avec une interlocutrice qui semblait être sa fille, d’après le haut-parleur allumé … À part quelques sourcils froncés et moi qui suis partie, rien ne s’est passé.

Pourquoi je parle de phobie ? À cause du sentiment physiologique de dégoût et du rejet extrême que j’ai ressenti. Mon corps ne pouvait plus digérer les stimuli reçus. D’ailleurs le lendemain, je me suis rendue compte que j’avais oublié mon portable à la maison alors que j’en avais besoin. Ou que je pensais en avoir besoin. Spoiler : j’ai survécu sans toute la journée.

Ma phobie du portable est le signe que je suis en rejet de plus en plus évident d’une obésité consumériste et soi-disant informationnelle (les réseaux). Il est temps de jeûner ! Ou du moins de passer à un régime plus équilibré. Et j’ai programmé dans la foulée des semaines dans l’année hors réseaux et téléphone plutôt que de chercher à vaincre ma phobie.

Là où je me suis amusée c’est quand j’ai cherché cette phobie… sur Internet. Introuvable. Sauf un « smartphonophobe » dans un article du Monde Diplomatique datant déjà de quelques années …

Par contre existent :

  • Téléphonophobe, ce que je ne suis pas, car il s’agit d’une phobie de la communication liée à la timidité et à la peur de parler, peut-être à un inconnu ?
  • Clicophobe : amusante, cette peur de cliquer sur un lien qui entraînerait des résultats désastreux. Mais je rejoins le début de cet article : est-ce vraiment une phobie dans le monde où nous vivons ? Ou un simple réflexe de protection bien utile …

Il y a bien la technophobie, mais elle concerne aussi les centrales nucléaires et les machines à laver…

Le seul mot que j’ai trouvé parle du phénomène inverse, la peur panique d’être séparé de son portable ou coupé des réseaux sociaux. C’est la nomophobie (contraction de no mobile phone). Je connaissais déjà ce phénomène pour l’avoir travaillé avec des personnes plus ou moins jeunes que j’accompagne. Cela peut aller jusqu’au déclenchement d’une crise d’angoisse en voyant son portable déchargé. Il s’agit d’une forme particulière de dépendance affective où le portable remplace maman, le doudou, le compagnon ou la compagne. Dans le même style il y a le FOMO : acronyme de « Fear of missing out », le mot traduit l'anxiété qui pousse de nombreuses personnes à rester connectées en permanence pour ne pas risquer de manquer un événement.

Bon, ça ou la cocaïne après tout …

 

 

 

Tipule (ou cousin) naturel - Tipule (ou doudou) technologique Tipule (ou cousin) naturel - Tipule (ou doudou) technologique

Tipule (ou cousin) naturel - Tipule (ou doudou) technologique

Désolée, sûrement une réaction d'Internet à l'annonce de ma phobie, il y a eu un bug dans l'envoi de l'article ... 🤣🤣🤣

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Je suis Smartphonophobique !

par Claire Sibille

publié dans Cette société - c'est la notre ! , Le quotidien c'est pas banal !

Je suis Smartphonophobique !

 

Résumé : Les phobies sont des troubles anxieux fréquents, sans âge, dont les psys pensent qu’elles sont souvent le paravent d’un trouble plus profond, un traumatisme par exemple. Mais dans cet article, je voudrais aussi témoigner que la phobie peut être un réflexe de survie face à l’excès, en particulier consumériste, qui, tel un ogre avide et insatiable, dévore notre planète et notre humanité.

La phobie, du grec phobos (effroi), est une peur soudaine pouvant devenir panique et conduire à la fuite. Les phobies sont des troubles anxieux qui se manifestent par une crainte intense, persistante, et gênante, focalisée sur un objet précis ou sur un type de situation bien défini. L’angoisse ressentie est le plus souvent incontrôlable et toujours excessive par rapport au danger réel.

Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette dernière affirmation. C’est vrai pour les araignées et les souris. Mais peut-être que l’objet de la phobie représente un danger socialement sous-estimé, ou encore que le danger réel se planque derrière la phobie, qui devient donc un signal d’alerte qu’il convient au moins d’écouter. C’est par exemple évident pour les personnes désignées comme écoanxieuses car elles ne sont pas dans le déni de l’effondrement écologique. La conscience du réel devient une maladie ...

Un exemple ? J’ai été, oui, moi, écolo viscérale, phobique pendant des années des tipules ou cousins, ces gros insectes inoffensifs qui s’envolaient dans tous les sens dans les prairies avec les graines de pissenlit. Je parle au passé car ils ont presque disparu, rien à voir avec les centaines qui jaillissaient du sol quand j’étais plus jeune. Ma phobie a été vaincue avant leur disparition. Mais de quoi cette phobie était-elle le signal ? J’ai retrouvé deux scènes. L’une, toute petite, où je dégringole d’une colline en dérangeant ces bestioles qui s’envolent de tous côtés. Cheville foulée et traumatisme de chute. L’autre, beaucoup plus grave, le viol de mon adolescence (dont j’ai parlé dans d’autres articles), dans un champ où les tipules fourmillaient.

Ah, la vie à la campagne !

Ces pauvres insectes n’étaient évidemment pour rien dans ces deux situations. Mais leur maladresse envahissante, leurs longues pattes et leur vol erratique, et leur si grande vulnérabilité - les prendre en main pour les sortir d’une pièce suffit à les tuer - représentaient bien l’émotion que je ressentais dans ces deux situations.

La phobie sert donc en priorité à désigner un bouc émissaire qui recouvrira le traumatisme d’un voile pudique.

Et c’est pour cela que ma nouvelle phobie, celle des smartphones, et plus légèrement mais de manière notable des réseaux sociaux, m’a interrogée, cette fois-ci sur un registre plus politique et sociétal.

La situation où ma phobie est devenue criante : je suis dans une salle d’attente bondée, où les personnes sont serrées comme des sardines. Tout le monde est sur son portable. Les deux seules exceptions : moi, je lis un livre, et une dame ayant récupéré le seul magasine présent sur la table, un « Elle » datant de 2019 (j’ai vérifié). Un peu vieux mais survivant, il n’y a plus de magasines dans les salles d’attente soi-disant pour des raisons d’hygiène.

Je tiens à préciser qu’à ma connaissance je ne suis pas électro-sensible, en tous cas pas plus que la moyenne. Je me suis sentie envahie par tous ces portables comme si de gros tipules technologiques s’envolaient tout autour de moi en faisant des BUZZ d’enfer … J'étais effrayée aussi, je ne sais pas si le terme est adapté, par le regard et les gestes captifs des personnes autour de moi, comme dans le film d’animation Wall-E, dont j’ai déjà plusieurs fois parlé tant il me semble visionnaire. Paru en 2009, c’est l’histoire d’un petit robot, seul humain survivant parmi des êtres collés sur leur écran au point de ne plus pouvoir marcher… les hommes et les femmes.

Bon, cette salle d’attente est devenue celle de l’enfer. Insupportable. Je me suis penchée dans tous les sens et tenté de me protéger avec mon livre mais il n'était pas assez épais. J’ai fini par sortir dans le couloir quand une personne s’est mise à hurler au téléphone avec une interlocutrice qui semblait être sa fille, d’après le haut-parleur allumé … À part quelques sourcils froncés et moi qui suis partie, rien ne s’est passé.

Pourquoi je parle de phobie ? À cause du sentiment physiologique de dégoût et du rejet extrême que j’ai ressenti. Mon corps ne pouvait plus digérer les stimuli reçus. D’ailleurs le lendemain, je me suis rendue compte que j’avais oublié mon portable à la maison alors que j’en avais besoin. Ou que je pensais en avoir besoin. Spoiler : j’ai survécu sans toute la journée.

Ma phobie du portable est le signe que je suis en rejet de plus en plus évident d’une obésité consumériste et soi-disant informationnelle (les réseaux). Il est temps de jeûner ! Ou du moins de passer à un régime plus équilibré. Et j’ai programmé dans la foulée des semaines dans l’année hors réseaux et téléphone plutôt que de chercher à vaincre ma phobie.

Là où je me suis amusée c’est quand j’ai cherché cette phobie… sur Internet. Introuvable. Sauf un « smartphonophobe » dans un article du Monde Diplomatique datant déjà de quelques années …

Par contre existent :

  • Téléphonophobe, ce que je ne suis pas, car il s’agit d’une phobie de la communication liée à la timidité et à la peur de parler, peut-être à un inconnu ?
  • Clicophobe : amusante, cette peur de cliquer sur un lien qui entraînerait des résultats désastreux. Mais je rejoins le début de cet article : est-ce vraiment une phobie dans le monde où nous vivons ? Ou un simple réflexe de protection bien utile …

Il y a bien la technophobie, mais elle concerne aussi les centrales nucléaires et les machines à laver…

Le seul mot que j’ai trouvé parle du phénomène inverse, la peur panique d’être séparé de son portable ou coupé des réseaux sociaux. C’est la nomophobie (contraction de no mobile phone). Je connaissais déjà ce phénomène pour l’avoir travaillé avec des personnes plus ou moins jeunes que j’accompagne. Cela peut aller jusqu’au déclenchement d’une crise d’angoisse en voyant son portable déchargé. Il s’agit d’une forme particulière de dépendance affective où le portable remplace maman, le doudou, le compagnon ou la compagne. Dans le même style il y a le FOMO : acronyme de « Fear of missing out », le mot traduit l'anxiété qui pousse de nombreuses personnes à rester connectées en permanence pour ne pas risquer de manquer un événement.

Bon, ça ou la cocaïne après tout …

 

 

 

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