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Accompagner les familles adoptantes : dix erreurs à éviter. Erreur numéro deux: Confondre famille adoptante et famille d'accueil.

par Marie-José Sibille

publié dans La psychothérapie - de quoi ça parle

Accompagner les familles adoptantes : dix erreurs à éviter.

Erreur numéro deux: Confondre famille adoptante et famille d'accueil.

 

 

Accompagner les familles adoptantes : dix erreurs à éviter.

Erreur numéro deux : Confondre famille adoptante et famille d'accueil. Professionnaliser les parents adoptants.

 

Les titres de certains livres, les remarques entendues en formation ou en supervision, les articles parlant de « parents professionnels », font parfois de manière explicite l'amalgame entre les familles adoptantes en souffrance, celles qui sont connues des thérapeutes, et les lieux-ressources de l'enfance en danger que sont les familles d'accueil. En disant cela, je ne minimise pas l'implication relationnelle de beaucoup de parents d'accueil envers l'enfant qu'ils reçoivent. D'ailleurs certains d'entre eux font des procédures d'adoption de l'enfant accueilli qui devient alors leur enfant, et les faits divers nous rappellent régulièrement les enjeux affectifs de ce type de profession.

Mais.

Pour la plupart de familles d'accueil, la différence entre leurs enfants et les enfants qu'ils reçoivent est claire et sans ambiguïté. Comme est claire, ou devrait être claire, la posture du thérapeute qui reçoit des familles en difficulté. L'argent fait limite, de même que dans le cas des familles d’accueil font limite l'implication de l'institution et celle de la justice. C'est pour cela d'ailleurs que dans certaines situations, situations où le parent d'accueil sent bien qu'il se passe "autre chose" avec l'enfant accueilli, il démarre une procédure d'adoption, souvent à l'occasion d'une séparation annoncée, avec tous les drames qui en découlent parfois.

Les parents qui adoptent ne sont pas des professionnels.

Ce sont des parents.

Et ils ont parfois plus que d'autres des difficultés à se sentir légitimes, surtout la mère "qui a pris la place de l'autre", ou encore les couples en situation de stérilité par ailleurs. Une des tâches essentielles des professionnels qui accueillent les familles en souffrance ou en difficulté est de renforcer la légitimité parentale, de valider non seulement leurs compétences mais d’abord et surtout leur place, garante de leur autorité et de leur pouvoir éducatif.

Je comprends le problème.

Même en tant que mère adoptante j'ai pu parfois ressentir la tentation, dans ma place de thérapeute, de "professionnaliser" les parents adoptants, et ce dans deux situations totalement opposées.

La première situation est celle de certains parents que je ressentais, ponctuellement et depuis ma sensibilité subjective, comme trop distanciés de la souffrance de leur enfant. Ressentir cela dans d’autres formes familiales, familles recomposées souvent, mais aussi tout bêtement familles «biologiques», m’a permis d’interrompre ce processus de pensée et ses conséquences dans la relation thérapeutique. Face à la souffrance de leur enfant, certains parents, adoptants ou non, mettent de la distance. Ils développent par impuissance une forme d’attachement adaptatif que l’on nomme « évitant », destiné à se protéger de leurs propres émotions difficiles. Et aussi dans certains cas, destiné à protéger leur enfant de leurs propres émotions. Comme un pare-feu. L’attitude complémentaire, celle de la collusion émotionnelle avec la douleur de l’enfant, que l’on pourrait alors comparer à un incendie qui s’étend de l’arbre à la forêt, cette attitude n’est pas plus aidante.

Ou les deux postures peuvent être suffisamment sécurisantes pour l’enfant à des moments différents, si elles peuvent être proposées en alternance, ou incarnées de manière plus banale par chacun des parents, l’évitement étant plus fréquent chez le père et la collusion chez la mère, les rôles et les apprentissages parentaux étant encore très liés au genre.

Même les parents bienveillants et « positifs » ne sont pas obligés d’être des parents parfaits.

Dans une autre situation, à l’opposé, certains parents adoptants d’enfants souffrant de stress post-traumatique s’impliquent fortement dans la résolution de ses problèmes sans qu’il y ait pour autant collusion. On les ressent présents, concernés, et … efficaces. La tentation devient grande alors de les « professionnaliser » ! Or ce n’est pas leur place. Les rendre partenaires de la résilience de leur enfant, y compris en leur donnant toutes les pistes de réflexion, ainsi que des outils de résilience et de développement de l’intelligence affective, qu’ils ont d’ailleurs souvent déjà trouvé eux-mêmes dans les livres et autres médias, ou dans des formations à la parentalité, les considérer comme des pairs en ne se vivant pas en « position haute », toutes ces attitudes relationnelles positives de la part du thérapeute ne signifient en aucun cas professionnaliser les parents.

Les situations où les parents adoptants sont eux-mêmes thérapeutes est encore un autre sujet …

Dans une journée sur la parentalité où j’intervenais l’année dernière[i], il a été conclus que l'usage des qualités de la parentalité positive, ces qualités que les anglosaxons ont popularisé sous le terme de « care » ou de « caregiving », sont les mêmes que celles utilisées dans les nombreux métiers de la relation d’aide et d’accompagnement de la personne et des familles. Il est donc naturel que notre cerveau connecte les mêmes neurones face à des comportements perçus comme similaires.

Alors, professionnels comme parents accueillis, soyons vigilants.

Car la légitimité de la filiation, légitimité qui implique bien plus d’aspects que la légalité de l’adoption plénière qui n’en est qu’une partie indispensable, est le plus beau cadeau que peuvent se faire mutuellement les enfants et les parents qui s’adoptent.

 

[i] Journée organisée par Espace Thérapies Systèmes, centre de formation et de thérapie familiale dont vous trouverez les coordonnées ci-dessous. Conclusion de la journée par Olivier Trioullier.

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Accompagner les familles adoptantes : dix erreurs à éviter. Erreur numéro un : la famille adoptante, une "second-hand family"?

par Marie-José Sibille

publié dans La psychothérapie - de quoi ça parle

Accompagner les familles adoptantes : dix erreurs à éviter

ERREUR NUMERO 1

Considérer la parentalité adoptive comme une sous-parentalité,

une " second-hand family ". 

Dévaloriser les parents d'adoption par rapport aux "vrais parents".

 

Entendu par des parents adoptants, quelques extraits de témoignages :

"Mais vous n'êtes pas sa vraie mère, sa mère c'est celle qui l'a mise au monde et qui l'aime", de la part d'un pédopsychiatre, devant l'enfant de cinq ans.

"C'est bien de pouvoir adopter quand on ne peut pas avoir de vrais enfants", de la part d'une assistante sociale, avant l'adoption.

"De toute façons l'adoption c'est toujours des problèmes parce que vous n'êtes pas les vrais parents", de la part d'un psychothérapeute, juste aux parents ... 

Je pense que vous avez compris l'idée.

Adopter c'est sortir du réel, du "vrai", pour entrer dans le monde du "faux", faux parents d'un enfant qui devient faux alors ? 

Ou " vrai enfant " qui, comme dans le dessin animé "Coraline", vit dans une " fausse famille " très généreuse qui, contrairement à la situation de l'adoption internationale, ressemble beaucoup à sa famille d'origine. Un film que je ne recommande pas aux familles adoptantes avec de jeunes enfants ! Voici l'histoire : "Coraline Jones est une fillette douée d'une curiosité sans limites ... Ouvrant une porte condamnée, elle pénètre dans un appartement identique au sien... mais où tout est différent ... Coraline est bien tentée d'élire domicile dans ce Monde merveilleux, qui répond à toutes ses attentes. Mais le rêve va très vite tourner au cauchemar. Prisonnière de l'Autre Mère, Coraline va devoir déployer des trésors de bravoure, d'imagination et de ténacité pour rentrer chez elle et sauver sa Vraie famille ...".

Les thérapeutes, les psys, les soignants, les accompagnateurs des familles qui adoptent, ont à faire un effort particulier d'empathie s'ils n'ont pas réfléchi à la question. Car dans une parentalité parfois complexe et toujours originale, le risque d'accentuer la souffrance ou de blesser l'estime de soi des parents, voire des enfants, est grand. Dans ce cas, il est tout à fait possible de dire non au fait de recevoir un patient ou une personne, ou de s'excuser si on a commis un impair.  Ce sont des démarches difficiles pour nombre de professionnels, comme pour nombre de parents ... Et nous avons aujourd'hui, ensemble, à effectuer une vraie révolution des pratiques, tant thérapeutiques qu'éducatives. Ces jugements de valeur vont parfois de pair avec des opinions : - "l'adoption c'est toujours des problèmes": non, l'adoption c'est beaucoup de bonheur, comme dans toutes les familles désirées, et parfois des problématiques à résoudre, plus rarement des grandes souffrances à traverser, pour lesquelles il existe des soutiens si ce n'est des solutions. - "C'est à cause de la pauvreté de ces pays que l'adoption existe": non, pas seulement, et pas toujours. Il existe de nombreuses raisons qui poussent une famille ou une mère à l'abandon, la pauvreté n'est qu'un de ces facteurs. 

Cela explique que les familles adoptantes finissent par faire confiance à des réseaux en cas de difficultés, difficultés que l'on trouve souvent à l'identique dans les familles les plus "banales" qui soient. Réseaux de familles adoptantes et associations intégrant les dynamiques d'attachement, ces organismes proposent des groupes de parole et des formations à la parentalité, ou encore des coordonnées de psys et thérapeutes ayant été "vérifiés et validés" comme ne portant pas de JUGEMENT particulier sur la parentalité adoptive, jugement parfois aggravé quand il s'agit d'une mère célibataire ou d'un couple homosexuel, les préjugés et les a-priori s'empilant alors les uns sur les autres ...

Mon but n'est pas de "tirer sur l'ambulance" mais plutôt de dire que parfois l'ambulance fait du stock-car ... , et de donner quelques critères aux familles pour se protéger dans ce cas, dans notre pays qui accorde beaucoup de pouvoir à l'expert, et à la personne "supposée savoir".

Malgré leur violence potentielle dans le lien thérapeutique, l'intérêt de ces remarques est d'attirer notre attention et de nous permettre d'interroger de nombreux thèmes. Par exemple : Qu'est-ce qu'un "vrai" parent ? Quelle est la part de la grossesse, de l'attachement, de l'éducation dans la parentalité ? La parentalité n'est-elle que biologique ? L'amour est-il soluble dans le sang ? Le "vrai" entraîne obligatoire l'idée du "faux" par le phénomène cognitif de la pensée comparative. Qu'est-ce qu'un "faux", et à quoi cela renvoie-t-il pour le parent qui adopte ? Est-ce qu'un faux parent crée un faux enfant, et donc une fausse personne ? Cela nous amène naturellement à la notion de légitimité, que je développerai dans l'article de demain.

A demain donc pour la deuxième erreur à éviter, très fréquente, y compris dans les livres "d'experts": Confondre ou mélanger les familles adoptantes et les familles d'accueil.

 

 

 

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