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Fagot de bois vs iPhone 11 pro … Billet de réflexion sur la valeur et le prix, en période de haute consommation !

par Marie-José Sibille

publié dans Cette société - c'est la notre ! , Le quotidien c'est pas banal

Fagot de bois vs iPhone 11 pro …

Billet de réflexion sur la valeur et le prix, en période de haute consommation !

 

Ce matin, je remplis avec jouissance mon panier d’osier avec les branches de bois sec ramassées dans la forêt dont la charge m’a été confiée. 

Elle m’appartient paraît-il, quelle drôle d’idée. 

Je me sens plutôt l’esprit d’une indienne d’Amazonie chargée de chasser les chasseurs, nourrir les oiseaux, accueillir la famille blaireau ou écureuil, hululer en réponse de bienvenue aux chouettes et guetter la phase de la lune à travers les arbres pour sentir quelle énergie animera mes rêves de la nuit et mes émotions le jour venu. 

Mais bon, en France, être en charge des arbres, cela passe par le fait d’être propriétaire ou garde-forestier. 

Cette qualité de propriétaire me permet au moins d’en interdire - difficilement et avec de nombreuses démarches - l’accès aux chasseurs. Nous vivons sous la menace permanente d’amendes délirantes - j’ai entendu 400 000 euros par quelqu’un de très sérieux - si jamais un sanglier ayant trouvé refuge chez moi fonce en sortant dans une voiture qui passe par là. Heureusement le trafic n’est pas vraiment dense … Mais la menace répétée et la confusion assumée entre tuerie et bien public, ce qu’elle était d’ailleurs il y a quelques milliers d’années, ce qu’elle est encore à quelques milliers de kilomètres, semble bien dans l’esprit de la chasse …

Je ramasse donc du petit bois, le temps est sec et beau, l’air frais, le bois blanc glané au sol casse facilement, il va nourrir de belles flambées à commencer par celle de ce soir, où tout le monde sera là, autour du feu à sentir ce qu’est la chaleur.

Peu avant j’ai été contrainte – plein d’âmes bonnes conseillères et mauvaises payeuses dit le proverbe vont me reprocher un péché d’écologie quotidienne, et je ne doute pas de ma culpabilité – alors j’assume, j’ai choisi la facilité de foncer au supermarché du coin – il y a toujours un supermarché du coin dans notre société, c’est incroyable – pour faire les dernières courses que je n’ai pas su caser avant, et certes ce mot  de « courses » n’est pas anodin. 

Comme chaque année, même si j’ai l’impression que c’est de pire en pire - comment peut-il exister autant de sortes de médaillons de foie gras et de bouchées de saumon toutes prêtes et de terrines et de feuilletés - la surabondance alimentaire fait douloureusement écho au flash de France Inter qui me parle sur la route des 9 millions de pauvres dont 170000 sans abri en France, et de celles et ceux qui ne feront pas de réveillon « gras » pris qu’ils sont dans la lutte pour  revendiquer un minimum de justice sociale dans cette guerre des indigents contre les nantis totalement perdue par les premiers pour l’instant. 

Je dois changer de téléphone et bien que sachant que j’en achèterai un d’occasion, mes yeux sont attirés par les pubs des derniers smartphones, ceux qu’il faut à tout prix avoir pour se sentir être un peu.

Est-ce de la même façon que je me suis sentie être non pas un peu mais pleinement, en fagotant dans la forêt, de la même manière que mon arrière10 grand-mère sorcière devait le faire au Moyen-âge et déjà devant sa grotte ? 

Je ne sais. Je prendrai le temps de réfléchir aux objets qui peuvent nourrir mon être ou m’aider à me définir dans une phase de ma vie où je cherche à m’alléger d’eux justement.

En attendant je dois vivre avec le compromis permanent que réclame notre époque et notre lieu de vie occidental aussi longtemps que l’on conjugue vie professionnelle, sociale, et famille nombreuse pas encore autonome avec engagement écologique et social. 

Les questions se posent sans arrêt. Cet achat-là, oui :  je n’ai pas pu ou su anticiper suffisamment la commande de la volaille de Noël, je la prends dans les rayons « locaux » du supermarché en pensant à noter sur mon agenda 2020 que Noël en famille ça s’anticipe encore plus … Cet achat-là non : les brosses à dents en plastique et les dentifrices toxiques ne passeront plus par mon corps et mon porte-monnaie.

Ici j’ai le temps de passer trois heures à faire les courses dans une épicerie bio en vrac, là je dois faire face en urgence à une bande d’ados affamée à coups de pizzas (bios et locales !) surgelées …

Dix fois par jour en tant que mère, professionnelle, femme, je suis confrontée à ces choix.

Dix fois par jour j’y réponds au mieux de ce que je peux. 

Mais je suis sûre que si on me donne à choisir, là, entre l’IPhone 11 pro et la possibilité tant que je le peux de cueillir un fagot de bois dans « ma » forêt, je n’hésite pas une seconde.

C’est une question d’espérance de vie, au double sens de cette expression, qu’elle nous parle d’années en plus ou de sentiment intérieur, d’avoir ou d’être. 

L’espérance de vie de la forêt où j’habite est nettement plus longue que celle du smartphone le plus onéreux à l’obsolescence programmée malgré son prix indécent. 

La forêt quant à elle n’a aucune fin programmée. Je pense même qu’elle va survivre à la version la plus agressive, cruelle, avide de l’homme, celle que nous voyons s’épanouir partout aujourd’hui. Elle résistera à la forme prédatrice de l’humanité. J’ai du mal à appliquer ce terme de prédateur à l’homme par respect pour les prédateurs naturels, les tigres et les alligators, les lions et les aigles, auxquels nos prédateurs humains sont loin de ressembler. Ils n’en ont ni la beauté, ni l’utilité. Ils n’en ont gardé que la violence et la cruauté. 

Je fais donc le pari qu’ils auront disparu avant certains des arbres de la forêt qui nourrissent mon fagot. 

Contrairement aux dinosaures, je crois qu’ils n’auront pas besoin d’un météorite pour arriver à se détruire, ils y arriveront bien tous seuls, avec un certain nombre de dommages collatéraux. 

Pourtant aujourd’hui en voyant l’humanité ravager la biodiversité, on pourrait croire que Dieu a décidé de lâcher un troupeau de 100 lions mâles dans un parc de 10 gazelles. 

Mais ce n’est qu’une apparence me dit le fagot de bois, tranquille, utile, renouvelable à l’infini sans aucun dommage collatéral, en craquant gentiment sous mes doigts.

Fagot de bois vs iPhone 11 pro … Billet de réflexion sur la valeur et le prix, en période de haute consommation !

N'ayant pas écrit de nouvel article sur Noël cette année, voici le lien vers l'un d'eux pour les nouveaux adhérents à mon blog, celles et ceux de 2019, que j'en profite pour remercier ainsi que tou.te.s les autres de leur fidélité !

 

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Good "Empty Friday" !

par Marie-José Sibille

Aujourd'hui, c'est le Black Friday, qui se transforme petit en petit en "Week du black friday" pour conquérir les autres jours de la semaine. Et je vous parie mon chapeau que l'an prochain certains n'hésiterons pas à faire le "Month du black friday" pour conquérir tout le mois de novembre. Après c'est décembre et les fêtes, pas besoin de s'en faire ...

C'est la grande apologie de la surconsommation qui non seulement détruit la planète, mais s'attaque aussi au psychisme, c'est-à-dire à l'intimité et à la vie intérieure des plus fragiles et de beaucoup de jeunes, car l'addiction à la "pulsion d'achat" est rendue encore plus facile avec Internet. 

La planète, les personnes fragiles et les jeunes, des sujets où je me sens très concernée.

Il y a beaucoup d'insupportables en cette période : une enseigne - parmi d'autres - de produits surgelés qui affiche depuis début novembre : "Ici c'est Noël avant Noël", ou encore "un avant-goût des fêtes" pour nous goinfrer de fois gras, de saumon fumé et de centaines de sortes de bouchées de mauvais gras histoire que l'on soit bien malades avant même le premier dimanche de l'Avent. Pire, un journal de Psychologie très connu fait une offre spéciale pour son abonnement pour le Black Friday, un quotidien publie sur la même page un article sur les ravages de la surconsommation avec une pub qui fait référence au Black Friday ! La dissonance cognitive fait rage. 

Pour lutter contre cette destructrice débauche de consommation certains proposent le "Green friday", le vendredi vert, le "Fair friday", le vendredi solidaire, ou encore le "Local friday". Super. 
Moi je vous propose le "Empty friday", le vendredi vide. Comment c'est d'essayer de se confronter au vide quand le seul vide que vise notre société aujourd'hui est celui de notre porte-monnaie ? 

 

Aujourd'hui, comment allez-vous réagir face à ce trop plein, cette orgie qui nous oblige comme les romains à "vomir" entre deux repas, "jeter et casser" entre deux achats ?

Sachant que sans transition, nous allons subir les assauts pour "les fêtes", dès la fin de la semaine.
Peut-être l'an prochain en m'y prenant bien plus en avance je lancerai le "Fasting friday", le vendredi du jeûne, à la même date ! Car le jeûne est un remarquable contre-poison à ce trop-plein. 

Mais là déjà, se passer d'un repas, renoncer à un achat, vider un trop plein d'habits en les donnant à une association, ne rien faire pendant une heure, ne regarder qu'un épisode de sa série préférée ...
Bref, c'est comment pour vous le VIDE ?

Good Empty Friday !


 

Je précise que je ne milite pour aucun parti politique, que je n'appartiens à aucun, et que je lis les bons articles où qu'ils se trouvent. Il se trouve que certains journaux en publient ... très rarement ! Et d'autres très souvent, c'est le cas de Fakir, que je viens de découvrir.

Je crois aussi à la presse écrite, qui je pense va évoluer vers une presse "de niche", d'engagement, car elle demande un effort supplémentaire pour être lue, et donc nous pousse à réfléchir plus. 

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