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fiction

UN JOUR SANS ELLE

par Claire Sibille

publié dans Fiction

UN JOUR SANS ELLE

Version 2024

Une petite histoire pour redonner espoir à celles et ceux qui détestent la Saint Valentin

Toute ressemblance avec qui que ce soit est totalement assumée, comme d'habitude.

 

1

 

Il n’y a pas pire sourd que celui qui se met le doigt dans l’oreille, c’est ce que je me dis une fois de plus en lisant le post-it sur le frigo, juste au réveil, onze heures du mat’.

J’ai rien vu venir.

Cécile m’a quitté.

Je suis un artiste. Pas un grand artiste, mais je gratouille plutôt bien ma guitare et j’arrive à pondre une chanson correcte par semaine, surtout par beau temps. J’hiberne de la Toussaint à Pâques. Comme les poules quand on leur fout la paix, je dis à ma femme qui continue pendant ce temps à aller pointer au Super U quatre jours et demi sur sept, 46 semaines par an moins les jours fériés et quelques RTT en aumône. Je passe régulièrement dans les bars du coin, j’ai enregistré un CD dont les copains font la promo, j’ai déjà deux clips sur ma chaîne You Tube.

Ceci dit le décalage entre ma vie minable et ma vie rêvée ramène le gouffre de la Sécu à la dimension d’une mare à canard.

Et voilà, c’est le dernier grand plongeon, elle s’en va.

Il suffit que je me regarde quelques instants dans le miroir pour la comprendre. Je vois la tête d’un vieil ado de trente-cinq balais ridicule, les piercings discrets, le cheveu gras mais pas trop, l’œil glauque des abus en tous genres. J’avais décidé il y a longtemps de pas faire comme Papa, que j’aime bien, mais qui s’est emmerdé toute sa vie à écouter avec une feinte dévotion les ordres de son chef sur ses objectifs de vente. Ça vous dit pas de payer un voyage à votre femme, lui glissait-il entre deux portes après le briefing matinal, nous on revient juste des Baléares. Allez mon vieux, prouvez-nous ce que vous savez faire. Et mon père a passé sa vie à prouver. A soixante-cinq ans il en paraît dix de plus, les repas clientèle lui ont fait le ventre arrogant et mou et les artères bouchées. Triple pontage il y a deux ans. Il aura de la chance s’il passe l’hiver.  

Je fais donc partie de ceux qui résistent avec mes petits moyens au saccage de l’imaginaire par la société de consommation … Tout de suite, ma gueule dans la glace me paraît plus sympa.

Pourquoi elle est partie, ma femme ?

Je prononce ces mots, ma femme, tout près du miroir de la salle de bains, encore humide de sa dernière douche. Je pleure ou c’est la buée ? Elle a réussi à me mettre le grappin dessus, devant le maire et le curé, des types que j'aurais jamais croisés sinon. C’était il y a cinq ans et on vivait ensemble depuis déjà autant. Elle, c’était plutôt le style romantique, mariage en blanc et demoiselles d’honneur, rien à voir avec la sécurité matérielle, avec un mec comme moi elle aurait été mal barrée. Le mariage c’est trop marrant, pourquoi s’en priver ? On pourra toujours divorcer si besoin, me disait-elle en riant.  

Elle est comme ça, ma femme.

Du coup j’ai fait un effort. Le mariage a été une réussite. Les copains s’étaient mis en costard et mon beau-père ne faisait pas trop la gueule en amenant ma promise au pied de l’autel. Je la regardais sans trop y croire en me demandant quel bon dieu m’avait mis une telle nana dans les bras. Parce que vous vous en doutez elle était belle comme une andouille de princesse à la Disney.

Bon me voilà vraiment parti à chialer, je ferais mieux d’aller écrire une chanson. Un bon café noir et la première cigarette de la journée, ça entretient ma voix rauque et sensuelle, il y a encore un public pour ça. 

 

2

 

Treize heures. 

Elle m’a quitté.

Je l’ai vue hier soir, mais je ressens déjà le vide.

Tentation de sieste histoire de recharger les batteries à plat, à cette heure-là j’ai souvent travaillé déjà deux heures. Je vérifie pour la centième fois l’écran de mon smartphone, aucun texto, aucun message, rien, nada, je suis en train de faire le plus grand bide de ma carrière. Tentation d’appel aux parents histoire de recharger les batteries, normalement je ne les appelle que le dimanche, ils vont tout de suite comprendre.

Essayons la pensée positive.

Une rupture sentimentale c’est bon pour la création ça mon gars …

Oui mais sans elle t’es qu’un bon à rien. C’est comme si j’avais été sans ta mère, t’imagines même pas, dit papa dans mon oreille droite.

Une de perdue dix de retrouvées mon vieux …

Là on fait pas plus ringard et en plus …

Oui mais lesquelles, on sait ce qu’on perd et pas ce qu’on va trouver, dit maman dans mon oreille gauche.

Je suis rétif à toute forme de pensée positive. Moi c’est plutôt dix ans sur le divan à triturer mon Œdipe dans tous les sens pour lui faire cracher le morceau : qu’est-ce que je fous sur terre ? Réponds-moi. SANS ELLE. En plus.

SANS ELLE ça pourrait faire une bonne chanson si elle n’avait pas déjà été écrite mille fois depuis Tino Rossi.

Tentation de coup de fil à Thomas histoire de prendre rendez-vous pour ce soir. Pour faire soft on pourra commencer par les sushis de la place Esquirol.

Mais attention elle n’est plus là pour assurer les fins de mois et si tu pouvais assurer les sorties avec Thomas c’est parce qu’elle payait le loyer, me dit beau-papa à l’oreille droite.

Quatorze heures. L’heure glauque par excellence, surtout un 14 février - tiens c’est vrai c’est la Saint Valentin - quand on se demande comment on va survivre jusqu’au soir tellement le temps est gris, les heures longues et insipides, l’ennui gluant.

Ben c’est sûr que si t’avais un boulot qui se tient, tu les trouverais pas longues les heures, hurle belle-maman à mon oreille gauche. Belle-Maman est complètement insensible aux problèmes des intermittents. Elle ne sait pas ce que c’est que de courir le cachet en étant réduit à faire le tour des restos et des marchés l’été pour combler les trous et augmenter le temps de travail pour pouvoir pointer au chômage. Ces derniers temps j’ai réveillé ma conscience de classe. Avec tous ces politiques repus et fachos qui veulent nous rayer de la carte, j’ai senti que j’avais trouvé ma tribu. Les inters mi-temps. Super formule. Aucune place dans la vie. Tout moi. Tout d’un coup je me suis senti mobilisé. J’ai fait toutes les manifs, c’était juste quelques mois avant Charlie, l’Etat d’urgence et tout le Bataclan, on pouvait encore s’exprimer. C’était Viva la Révoluçion et les intermittents du spectacle. Elle était pourtant cool ma nana pour m’encourager. Va à ta manif, elle me disait, t’en fais pas pour le ménage, je m’en occupe. Je m’en suis jamais fait pour le ménage, qui peut donc bien s’en faire pour le ménage ? Mais c’était manière de parler. Finalement peut-être qu’elle, elle s’en faisait pour le ménage, je ne me suis jamais vraiment posé la question. Ni celle des papiers à remplir, c’est maman qui faisait tout ça à la maison. Je lui téléphonerai bien à Maman mais je ne l’appelle que le dimanche elle va vraiment s’inquiéter, mais bon. Entre les manifs des intermittents et les virées avec Thomas qu’as-tu fait de ta vie, crétin. Mon chéri. Même pas capable de retenir ta femme. Une qui t’aime, qui est cool et pas râleuse pour un sou, une qui croit en toi. T’as vraiment dû en faire un max pour qu’elle décide de se barrer. Mon chéri. Je ne suis pas tendre avec moi, accordez-moi ça quand même, même si j’utilise la voix de maman pour m’enfoncer.

 

3

 

Quinze heures. Ça y est je chiale à nouveau. Mais c’est vrai qu’elle aurait pu prévenir au moins. Et en plus le jour de la Saint Valentin. « Au revoir, mon amour ». Même pas une lettre, un post-it sur le frigo. On méritait pas mieux tout de même ? Dix ans de vie commune et elle me plaque comme ça ! Va te faire voir, va te faire foutre, je te hais, fous le camp !!! 

Tiens à trépigner comme ça j’ai arrêté de pleurer. Ça va mieux.

C’était sûrement elle qui m’empêchait de donner mon maximum. Parce que qu’on le veuille ou non un artiste ça a des besoins particuliers. La création c’est une ascèse. C’est exigeant. Il faut pouvoir s’isoler vingt heures d’affilée, sans manger boire téléphoner pisser baiser, bref se concentrer entièrement sur l’œuvre. C’est de l’alchimie. C’est l’expérience ultime. L’orgasme définitif qui enterre tous les autres.

Et elle !

Tiens mon cœur, c’est Thomas au téléphone, il voudrait savoir ce que tu fais ce soir, je lui ai dit que je ne savais pas. 

Ludo, le repas est prêt, tu veux bien venir manger pendant que c’est chaud ? 

Qu’est-ce que tu penses de ma nouvelle robe mon amour ? Tu me plais, j’ai envie de toi là tout de suite. 

Tu sais ça fait trois mois qu’on n’a pas été chez mes parents, t’as prévu quoi ce week-end ?

Dis, je ne voudrais pas passer pour une emmerdeuse mais j’ai du mal à finir le mois on bouffera des pâtes ou alors faut que tu diminues les virées avec Thomas. 

Dis, tu voudrais pas ouvrir de temps en temps les fenêtres, ça pue le tabac froid c’est infernal en rentrant du boulot, heureusement qu’on n’a pas d’enfants.  

Vous voyez le genre. Comment voulez-vous que j’y arrive dans ces conditions.

 

4

 

Seize heures. Cette foutue journée n’en finit pas.

Les gamins, ça c’était un sujet quasi tabou. Faut dire que les femmes elles sont pas gâtées avec l’horloge biologique. Elles ont même pas le temps de réaliser qu’elles sont nées qu’elles sont déjà ménopausées. Moi j’ai du temps. Déjà je suis fils, c’est beaucoup. J’essaie d’être un compagnon potable, là c’est carrément énorme. D’ailleurs j’ai foiré. Être père moi ? Pourquoi pas Président de la République tant qu’on y est. J’suis pas fait pour ça. Qu’est-ce que je ferai d’un gosse braillant jour et nuit. Et puis pas possible de le lâcher toute la journée comme le chat.

Déjà le chat …

Bon, faut lui reconnaître qu’elle me prend pas trop la tête avec ça. De temps en temps, le samedi soir en hiver, elle arrive à le caser.

Tu sais Ludo il faudrait peut-être se décider j’ai trente-six ans, c’est plus dur à mon âge pour avoir des bébés, la fécondité chute de 50%, et puis j’aimerais bien en adopter aussi, et tu sais à quel point c’est long regarde Fred et Audrey ça fait cinq ans qu’ils rament.

Mais moi je n’ai que trente-cinq ans bon Dieu. Voilà ce que c’est d’être avec une vieille.

Tu me vois - là je parle à Thomas qui rigole - tu me vois avec un môme, voire plusieurs ? Les changer, les nourrir, puis les emmener à l’école ? Pourquoi pas aller à la pêche avec mon fils et construire une maison de poupées pour ma fille, ou le contraire, non mais elle est pas bien Cécile ! Et pourquoi pas un chien tant qu’on n’y est, non mais elle est pas bien !

Thomas à ce stade il est plié de rire, il en crache son demi. Ça c’est sûr que je t’y vois autant que je m’y vois qu’il me sort. Thomas est gay mais contre l’adoption par les couples homos, trop compliqué socialement, il me dit. Moi je pense juste qu’il a la trouille, mais après tout c’est sa vie. Je le verrais bien avec un kid maintenant qu’il est casé avec Stéphane, ça a mis le temps, mais là c’est du sérieux.

Et puis, pourquoi y m’y voit pas Thomas avec un gamin ?

 

5

 

Dix-sept heures. Jamais d’alcool ni d’herbe avant dix-huit heures telle est la discipline que je m’impose. Comment tenir alors ?

Je pourrais passer un coup de fil à mon psy, il m’a dit que je pouvais l’appeler en cas d’urgence. J’ose pas trop, mais j’ai rendez-vous que lundi prochain. Mais bon, s’il peut pas répondre il ferme son portable et j’aurais son répondeur. Et puis c’est une sacrée urgence la femme de ma vie qui se barre. Mon psy ça aussi c’est quelque chose. Elle commençait un peu à en avoir par-dessus la tête, je le sentais bien. Faut dire que c’est un budget et c’est vrai qu’avec ce que je lui ai déjà filé on aurait pu avoir trois mouflets ou faire construire la maison de ses rêves. T’es sûr que tu peux pas t’en passer maintenant, qu’elle me dit, en général le samedi soir. C’est pas que j’ai quelque chose contre ton psy, qu’elle rajoute quand elle voit que je commence à tirer la gueule, mais bon ça fait quinze ans que tu le vois, c’est plus que moi, c’est une sacrée histoire d’amour ! Après tout t’es un grand garçon maintenant, qu’elle me dit en rigolant. Peut-être qu’elle n’a pas tout à fait tort après tout. Mais c’est vrai que j’ose pas trop arrêter.

C’est un psy de la vieille école, un lacanien qui me fout la trouille.

J’ai l’impression que, si je le quitte, il sera pas content.

Comme ma mère, quand je suis parti à Rouen à dix-huit ans, sous prétexte de faire des études. Rouen c’est loin de Toulouse, qu’elle me disait, tu vas pas me quitter quand même et puis comment tu vas faire pour t’en sortir tout seul. Rien que ta lessive, tiens. En fait Rouen c’est parce que j’avais rencontré une meuf sur la plage et qu’elle était de Rouen. C’est toujours les filles qui m’ont fait bouger dans la vie. J’étais dans ma période exploration des corps féminins alors j’ai beaucoup bougé. Il faut la santé, je l’avais, c’est pas comme maintenant.

Ça va être dur d’ailleurs d’en trouver une autre, surtout une comme ma femme.

Tout ça pour dire que pour quitter mon psy, il va me falloir du courage. J’ai peur qu’il me sorte des trucs sur moi, des trucs pas sympas bien sûr, parce que si je le quitte il voudra se venger. Comme ma mère quand je suis parti à Rouen. C’était glacial au téléphone. Mon père prenait l’appareil et me disait : ça va fiston ? quand c’est que tu rentres ? Tu sais que ta mère se languit. OK, j’suis fils unique, faut que j’assure. Je suis rentré à la fin de l’année de fac. Faut dire aussi que côté climat Rouen c’est pas Toulouse, et puis ma meuf de l'époque m’avait largué et les lavomatics c’est glauque et triste, c’est pas mon truc.

 

6

 

Dix-huit heures. C’est l’heure où elle sort du boulot.

Normalement elle fait les courses et elle est là pour dix-neuf heures tapantes que je puisse aller continuer l’apéro chez Thomas quand il est dispo, de moins en moins depuis Stéphane, ou partir courir le cachet dans les restos toulousains.

Dix-huit heures et pas de message sur ce foutu portable.

Dix-huit heures et toutes les bonnes raisons pour aller prendre une bière dans le frigo. Il doit même me rester un peu d’herbe quelque part. J’ai essayé d’en faire pousser dans un coin du balcon mais ça elle est vraiment contre. Elle attend même pas le samedi soir pour m’en parler, c’est dire. Tu te rends compte je peux même pas amener une collègue à la maison ! Déjà c’est pas facile avec le bazar que tu mets. C’est vrai, mais surtout dans ma pièce à moi, mon atelier comme je l’appelle. Mais si en plus tu te mets à faire pousser de l’herbe sur le balcon, alors là j’assume plus. 

Je dois reconnaître qu’elle a raison. Aller en tôle avec les inters OK, mais pour un pied de cannabis sur le balcon, ça tient pas la route.

Elle me manque tellement, j’hallucine. J’ai même pas envie de boire une bière. Tiens je pourrais faire un peu de ménage. Après tout pourquoi pas ? C’est la Saint Valentin, comme ça j’aurais l’impression que je fais quelque chose pour elle. C’est marrant de faire le ménage, c’est pas si mal finalement, faudra que je l’recase dans une chanson. Je passe l’aspirateur et toutes les vieilles poussières disparaissent de ma vue, et tiens, une araignée ! Ça fait vraiment longtemps que je l’ai pas passé dans l’atelier. Je vais faire la chambre tant que j’y suis. Ça y est je recommence à chialer, c’est pas possible d’être aussi nase. C’est qu’un lit mon vieux, même si on l’a choisi ensemble. Et puis le lit conjugal t’as toujours trouvé ça ringard. Un tue-l’amour tu lui disais en allant roupiller sur le canapé dans l’atelier. C’est chaud, c’est fusionnel comme une bulle, c’est dur d’en sortir mais côté sexe, c’est pas le pied. Mais bon. Là, devant la couette néo japonaise, il y a son paquet de kleenex à côté de la lampe de chevet, et son bouquin aussi. Pas pleurer ça s’appelle. Un dernier message ? L’écrivaine, c’est Lydia Salvayre. Elle tient beaucoup à féminiser les professions. L’écrivaine, la présidente, la professeure. Et pas seulement la femme de ménage et l’infirmière. C’est bizarre qu’elle l’ait pas pris. Pour la sortir d’un bouquin qui l’accroche c’est la croix et la bannière, et hier soir elle l’avait pas fini. Elle s’est endormie dessus.

Allez, tant que j’y suis un coup dans le salon, c’est là qu’elle a installé son coin bureau vu qu’on a que trois pièces. Toutes ses affaires sont là. Peut-être qu’elle compte revenir plus tard pour les chercher ? Ces feuilles là, sur son bureau, c’est la dernière nouvelle qu’elle a écrite. Un jour sans lui, ça s’appelle. Une que j’ai pas encore lue. C’est vrai qu’elle écrit elle aussi. Bon c’est pas une artiste, elle. Elle fait ça en plus. Mais quand même. C’est très bon tiens, faudra que je lui dise à l’occasion. La chute est vraiment bien.

Ça parle d’une fille qui profite d’une journée où elle croit que son mec l’a quittée pour faire le point sur son couple et sa vie.

C’est vraiment bien écrit il faudra que je lui dise à l’occasion.

Et puisque j’y suis, un petit coup d’aspi dans la salle de bains, la cuisine, ça peut pas faire de mal. Tiens, il y aussi toutes ses affaires de toilette, c’est bizarre qu’elle n’ait même pas pris sa trousse.

Voyons un peu ce qu’il y a dans le frigo au cas où. J’ai rien bouffé de la journée et c’est vrai que le café-cigarettes, c’est pas mal non plus pour le triple pontage sans passer par la case objectifs de vente. Saumon fumé, blinis, petit chablis, elle avait prévu la Saint-Valentin ou quoi ? C’est bizarre tout de même d’acheter du saumon fumé la veille du jour où on veut quitter son mec. Le saumon fumé et le Petit Chablis tout seul, c’est pas vraiment ça. Je pourrais peut-être passer un coup de fil à Thomas ? Mais bon là, ça me branche pas trop. Et puis il doit fêter ça avec Steph, normal, même s’ils trouvent ça ringard et commercial y s’font avoir chaque année au dernier moment.

Peut-être que ce soir je pourrais ranger l’atelier et passer quelques coups de fil chez ses copines on ne sait jamais.

Ses copines, ses amies plutôt, c’est toute une histoire. Elle en a pas beaucoup mais alors c’est à la vie à la mort. Je croyais avant que l’amitié c’était un truc d’hommes, encore une ânerie où elle m’a fait réviser ma copie.

 

7

 

Bientôt dix-neuf heures, ça passe vite le temps quand on fait le ménage. J’ai presque envie d’aller bosser tiens, même si on est en plein mois de février. J’ai comme une chanson qui me trotte dans la tête et ça s’appellerait, tiens, ça s’appellerait « Un jour sans elle », ça sonne bien. Allez, je m’y mets.

C’est une sacrée journée mine de rien, j’aimerais bien lui raconter tout ce que j’ai fait, elle n’en reviendrait pas. Je lui dirais, tiens, pourquoi pas un gamin finalement, et mon psy, je crois que je vais lui dire que j’en ai ma claque, et ma mère j’ai pas besoin de l’appeler tous les dimanches, et Thomas il se passe très bien de moi au moins 6 jours sur 7. Et pourquoi pas une maison en bois, et reprendre contact avec ce producteur qui avait flashé sur ma vidéo ?

Dix-neuf heures.

Je rêve ou c’est la porte qui s’ouvre ?

Cécile ?

 

Première version écrite en 2001 ! Réactualisée bien sûr !

Et vivent les intermittents, les (suffisamment bons) psys, les ados qui ont du mal à grandir ...

... et la patience de certaines femmes !

 

Claire Sibille

Écrivaine

Psychothérapeute

 

 

 

L'éternel ado atteint du complexe de Peter Pan, par Liane Langenbach, site ci-dessous

L'éternel ado atteint du complexe de Peter Pan, par Liane Langenbach, site ci-dessous

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Envie de vivre ! ?

par Claire Sibille

publié dans La psychothérapie - de quoi ça parle , Cette société - c'est la notre ! , Des livres profonds ... comme une psychothérapie ! , Ecothérapie , Fiction

Envie de vivre ! ?

(Lire la présentation du salon par le responsable et mes commentaires après la photo)

L’envie de vivre, c’est le sujet du Salon du Livre de Pau, Les idées mènent le monde, où je serai présente pour la première fois avec mes trois livres édités, le samedi 19 novembre de 14h à 19h sur le stand de la librairie L’Escampette, au Palais Beaumont, salle Henri Faisans.

Pour la psychothérapeute et écrivaine éco-féministe que je suis c’est un thème parfait, mais qui demande des précisions.

En effet, je pense que la première fonction du thérapeute est de soutenir le vivant. Mais le terme « Envie de vivre » contient une ambiguïté certaine pas toujours compatible avec cette idée de soutenir la vie dans son ensemble. Car aucun doute que les prédateurs, les dictateurs, les sociopathes et les multinationales ont une sacrée « Envie de vivre ! ».

Nous allons donc prendre l’option d’une envie de vivre qui inclut l’existence de l’autre différent comme un élément fondamental de cette vie, que cet autre soit animal humain ou non humain, végétal ou minéral. C’est en tous cas ce que je vous propose dans une interprétation complexe de la théorie de l’Attachement, théorie dont Boris Cyrulnik a fait la base de sa notion de résilience, cette capacité à reprendre un développement vital après un traumatisme.

Pour le résumer en quelques mots, l’Attachement nous parle de ces liens, premiers mais pas que, ces liens intimes et engagés qui créent, quand ils sont adaptés, une suffisante sécurité intérieure pour pouvoir grandir puis mûrir avec les autres. Car l’Attachement nous dit que l’individu n’existe pas sans les autres, et je rajouterai le tout autre, la nature, le vivant. Nous ne sommes pas seuls et notre existence même est la preuve quotidienne de cette intelligence de l’univers.

Mais souvent les traumatismes, les ruptures relationnelles, les deuils, mais aussi, et de plus en plus la situation de crise majeure, et vitale, que traverse l’humanité atteint profondément cette conscience empathique de l’autre et le désir de vivre ensemble, voir tout simplement l’instinct de survie. Chez chacun de nous, mais déjà chez les enfants et les adolescents, ce qui est une des tragédies de notre société.  Suicide immédiat ou différé grâce aux addictions et à la malbouffe, repli identitaire, survie à n’importe quel prix, négation de l’autre et du commun, les troubles de notre société sont sans fin qui nous amènent vers le « suicide collectif » dont parle Antonio Guttérès, le secrétaire général de l’ONU quand même, à l’ouverture de la COP 27. Comme le dit un des intervenants du salon, Olivier Bessy, dans une belle formule : La vie se transforme en maladie identitaire chronique. L’Eldorado des psys ! mais bien plus encore des marchands de rêves, en particulier numériques, car ils permettent d’éviter le contact avec le réel.

Une des réactions compréhensibles est de s’identifier aux monstres, de s’en nourrir. Les tueurs en série et les zombies font fureur sur nos chaînes de streaming. Malheureusement ils envahissent aussi les actualités, au propre comme au figuré. Une autre, à l’opposé, consiste à fuir dans des paradis artificiels, que ce soit des romances à l’eau de rose et des frénésies consuméristes, ou des substances tout aussi addictives mais encore plus toxiques. Ces deux faces d’une même réalité, celle du déni, font obstacle aux changements nécessaires. Comme dans le superbe dessin animé Wall-E, sorti en 2008, qui n’a non seulement pas pris une ride mais devient de plus en plus proche de notre réalité, beaucoup d’entre nous sont figés devant leur écran nourris à la malbouffe, pendant que d’autres survivent sur les déchets des premiers.

Le film se termine bien, et donne de nombreuses clés pour retrouver l’envie de vivre… avec les autres, tous les autres.

Claire Sibille

Psychothérapeute et écrivaine

18/11/22

 

***********

 

Voici la présentation du commissaire général du salon. Je ne suis pas d’accord avec tout, en particulier sur sa perception de la natalité et le jugement qu'il émet sur les couples qui font un autre choix ! Il y a de multiples façons d’être parent et suffisamment d’enfants qui ont besoin d’une famille, mais il y a aussi de multiples façons de participer au monde, pour ne pas avoir d'enfant biologique si on n’en ressent pas l’envie…

Mais bon, ça vous met dans le contexte, et pour le reste, je vous donne RV samedi 19 novembre de 14h à 19h sur le stand de la librairie L’Escampette, au Palais Beaumont, salle Henri Faisans, au salon du livre.

 

La guerre fait rage en Ukraine. Une pandémie vient de paralyser la planète et n’est pas totalement contrôlée. La menace d’une catastrophe climatique rôde. L’inflation galopante et les risques de récession inquiètent. Pour couronner le tout, les citoyens s’éloignent chaque jour un peu plus de la politique et font de moins en moins confiance aux élus pour régler les problèmes. À l’écoute des bruits du monde, l’espérance d’un avenir meilleur pourrait sembler déraisonnable. Au point qu’apparait un symptôme encore inédit en France, y compris lors des périodes les plus sombres : une étude récente montre qu’un tiers des femmes françaises en âge de procréer déclare ne pas avoir l’intention de donner la vie. Faut-il alors craindre que la confiance en la vie, le désir même de vivre en soient affaiblis ? Si dans son histoire, l’humanité est responsable et coupable de nombreux malheurs, la même humanité a, au cours des siècles, conçu, imaginé, dessiné, bâti et réalisé les merveilles dans tous les domaines qui nous permettent de vivre aujourd’hui.
Qui peut espérer, imaginer que le monde puisse retrouver un meilleur futur si manquent les femmes et les hommes pour l’imaginer et le mettre en place ?
Le désir de vivre est la condition absolue, la seule chance pour qu’un jour, le monde aille mieux qu’aujourd’hui. Chaque naissance, chaque nouvel enfant est une promesse dont le monde ne peut se priver. Et la trahison de l’espérance est un crime contre l’humanité́.
De tout cela, il sera question à Pau les vendredi, samedi et dimanche 18,19 et 20 novembre prochains. Soyons au rendez-vous.

Philippe Lapousterle Commissaire général

 

RV samedi 19 novembre de 14h à 19h sur le stand de la librairie L’Escampette, au Palais Beaumont, salle Henri Faisans.RV samedi 19 novembre de 14h à 19h sur le stand de la librairie L’Escampette, au Palais Beaumont, salle Henri Faisans.RV samedi 19 novembre de 14h à 19h sur le stand de la librairie L’Escampette, au Palais Beaumont, salle Henri Faisans.

RV samedi 19 novembre de 14h à 19h sur le stand de la librairie L’Escampette, au Palais Beaumont, salle Henri Faisans.

Mes trois livres présents, qui tous traite de l'envie de vivre avec les autres, en commençant par prendre soin de soi et de ses émotions (Le Jeûne, une thérapie des émotions ?), de nos enfants et adolescents en souffrance (Juste un (très) mauvais moment à passer), de nos liens familiaux et de la planète (Inventaires).

 

"Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres". Antonio Gramsci (1891-1937, philosophe politique). Photo prise à Lasseube, devant chez moi. Merci. La gratitude donne envie de vivre.

"Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres". Antonio Gramsci (1891-1937, philosophe politique). Photo prise à Lasseube, devant chez moi. Merci. La gratitude donne envie de vivre.

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