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PAS DE FUMÉE SANS ... FOI ?

par Claire Sibille

publié dans Cette société - c'est la notre !

Pas de fumée sans … foi ?

Billet d’humeur autour de la mort de François, le pape.

Résumé : La mort du pape, comme celle de certaines personnes devenues des symboles de leur vivant, peut interroger les valeurs, le parcours de vie, et, pour nous qui sommes que nous le voulions ou non imbibés de millénaires de christianisme, notre rapport à cette culture, je dis culture, j’analyserai d’autres mots dans le cours de l’article. En effet, à l’heure où des hommes s’autorisent à faire disparaître des mots et des livres dans un pays supposé démocratique et libre comme les États-Unis, comprendre l’histoire et le sens des mots devient vital. Car quelque chose qui n’est plus nommé disparaît de la conscience collective. Mais pas du réel.

Le pape est mort. Comme pour les JO 2024, une grande vague émotionnelle à laquelle je suis toujours sensible, c’est pour ça que j’aime les manifs et les concerts, a balayé la planète. Ou plutôt la partie de la planète sensible à ces moments d’appartenance collective, quelles que soient leur origine. Mais surtout disponibles pour les vivre, car ne devant pas protéger leurs enfants d’une bombe tombant sur leur maison ou d’un feu de forêt. Il est néanmoins notable que les catholiques sont loin d’être les seuls concernés.  

Je n’ai aucune tristesse pour François. Je l’imagine accueilli par une ribambelle d’anges. Beaucoup, handicapés, n’ont qu’une aile. D’autres, SDF, n’arrivent pas à trouver un nuage pour se poser. Homosexuels ? Trans ? Inutile. Les anges n’ont pas de sexe, c’est bien connu et donc le genre ne les intéresse pas, les veinards.

Je vois plutôt sa mort comme celle d’un grand arbre, qui, en s’effondrant, donne vie à des myriades de petites et moins petites bêtes. Je rêve d’une humanité qui, quand elle meurt, nourrit un tas de compost et de terreau plutôt qu’une décharge publique à ciel ouvert …

Pas de tristesse donc, mais de la tendresse pour ce pape qui a su affirmer des valeurs, mais surtout montrer une empathie, une tolérance et une humilité, qui manquent cruellement non seulement dans l’Église catholique mais dans le monde. Cette réflexion est d’autant plus importante dans le contexte du dévoilement, encore, des abjections pédocriminelles de beaucoup de tenants de l’institution catholique. Elle est loin d’être la seule et l’impact de cette violence, patriarcale et pathologique, appliquée aux enfants dès le plus jeune âge, construit une partie trop grande de notre société.

Car si la résolution de traumatismes précoces, grâce à l’investissement de la personne dans de coûteux chemins thérapeutiques et résilients, renforce notre humanité et la grandit, la répétition de traumatismes non résolus accélère sa destruction[1]. C’est ce que nous voyons tant au niveau individuel à travers les VSS, que collectif, comme, parmi de nombreux exemples, ce qui est en train de se passer entre le gouvernement israélien et le peuple de Gaza.

Les critiques sur ce pape ont été assez limitées, même du côté des deux extrêmes de notre grille politique, les plus virulents, les plus rapides à désigner l’autre comme ennemi ou coupable. Mais le problème n’est pas là.

Le problème c’est ce qu’un philosophe et sociologue, Gérard Rabinovitch, a nommé la « Société somnambule ». Le somnambule croit être éveillé mais il dort. L’addiction aux écrans, l’avidité insatiable des puissants, la tyrannie économique et patriarcale, la menace des guerres et les conséquences déjà si désastreuses de la catastrophe climatique nous rendent somnambules, car la réalité est bien trop inquiétante pour pouvoir lui faire face. Alors tel un enfant qui ne veut pas voir l’ogre, nous mettons nos mains devant nos yeux en espérant qu’il va ainsi disparaître.

Dans le meilleur des cas nous construisons avec d’autres une niche écologique où nous sentir utiles et créateurs le temps de notre vie, et nous sortons de l’impuissance. Dans la plupart de cas, nous nous tournons vers nos besoins et désirs en tentant de survivre au mieux. Dans le pire des cas, nous désignons un bouc émissaire comme cause de tous nos désagréments. Liste non exhaustive et cumulable en fonction des moments…

J’ai traversé plus jeune pas mal de périodes mystiques (myste : celui qui a le doigt sur la bouche, qui ne peut partager son expérience intérieure). La religion chrétienne, entre autres, a pu faire sens, surtout à travers certains de ses saint.e.s, comme François d’Assise ou Thérèse d’Avila. J’ai eu des parents œcuménistes, alors Bouddha, Mahomet et tous les maîtres zen et chamans du monde étaient également bienvenus à la table. Mon premier écrit publié, j’avais 7 ans, est d’ailleurs un poème pour mon parrain, prêtre à Bidache, qui était tombé malade. Il a figuré dans le journal paroissial …

Comme dans d’autres domaines de mon existence, y compris la psychothérapie, l’institution et ses dérives m’a séparée de toute velléité d’appartenance à un quelconque mouvement, après bien des essais-erreurs. Intolérance ? Peut-être. Mais je n’ai qu’une vie, et je préfère contempler « Dieu » (étymologiquement, la lumière du jour) dans les merveilles de la nature, de l’art ou de certaines relations humaines, plutôt que subir le dogmatisme patriarcal et les abus de pouvoir. J’en suis plutôt heureuse et sans regret … J’ai rencontré des personnes merveilleuses dans certaines retraites, je pense par exemple à des sœurs dominicaines en Alsace, à un moment pénible de ma vie, dont l’ouverture d’esprit et l’empathie étaient réelles et palpables. Mais tant d’autres expériences opposées !

Alors dans ce contexte, les personnes qui essaient de relier plutôt que de séparer, comme l’a été le pape, y compris dans son dialogue avec d’autres religions, sont plutôt des bénédictions (étymologiquement : bonnes paroles).

Un peu d’étymologie encore.

- Religion vient de : religare, ce qui relie.

- Diable vient de : ce qui désunit, sépare, qui inspire la haine ou l’envie.

- Spirituel renvoie à ce qui est immatériel, opposé au corps.

D’où mon agacement face à ce terme séparatiste.

- Sacré va dans le même sens. Il désigne ce qui est séparé de la vie quotidienne des hommes représenté par un espace clos, le temple. Il s’oppose au profane, ce qui est devant le temple, c’est-à-dire la plus grande partie de nos vies. Or nombre de traditions et de pratiques montrent que l’essentiel est dans l’intention et le lien, dans le présent du Vivant. « Va laver ton bol » disent certains maîtres aux disciples obsédés par l’éveil.

Il y a des gens qui relient, et d’autres qui séparent. Des mots aussi. Et les termes qui séparent sont nombreux dès qu’il s’agit de foi. Faisons attention aux mots que nous employons, ils désignent notre réalité. Je vote donc pour une religion profane et intégrative, incluant le corps, la vie quotidienne, et l’ensemble des vivants !

Et j’espère que, sur les ailes de la fumée blanche, nous parviendra un tisserand ...


[1] C’est ce que j’ai développé dans ma nouvelle, Demain les mouches, genèse d’un psychopathe, publiée dans le recueil « Écrire contre la haine » au profit de la LICRA, si vous voulez faire une BA tout en lisant des nouvelles remarquables.

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Je suis Smartphonophobique !

par Claire Sibille

publié dans Cette société - c'est la notre ! , Le quotidien c'est pas banal !

Je suis Smartphonophobique !

Résumé : Les phobies sont des troubles anxieux fréquents, sans âge, dont les psys pensent qu’elles sont souvent le paravent d’un trouble plus profond, un traumatisme par exemple. Mais dans cet article, je voudrais aussi témoigner que la phobie peut être un réflexe de survie face à l’excès, en particulier consumériste, qui, tel un ogre avide et insatiable, dévore notre planète et notre humanité.

La phobie, du grec phobos (effroi), est une peur soudaine pouvant devenir panique et conduire à la fuite. Les phobies sont des troubles anxieux qui se manifestent par une crainte intense, persistante, et gênante, focalisée sur un objet précis ou sur un type de situation bien défini. L’angoisse ressentie est le plus souvent incontrôlable et toujours excessive par rapport au danger réel.

Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette dernière affirmation. C’est vrai pour les araignées et les souris. Mais peut-être que l’objet de la phobie représente un danger socialement sous-estimé, ou encore que le danger réel se planque derrière la phobie, qui devient donc un signal d’alerte qu’il convient au moins d’écouter. C’est par exemple évident pour les personnes désignées comme écoanxieuses car elles ne sont pas dans le déni de l’effondrement écologique. La conscience du réel devient une maladie ...

Un exemple ? J’ai été, oui, moi, écolo viscérale, phobique pendant des années des tipules ou cousins, ces gros insectes inoffensifs qui s’envolaient dans tous les sens dans les prairies avec les graines de pissenlit. Je parle au passé car ils ont presque disparu, rien à voir avec les centaines qui jaillissaient du sol quand j’étais plus jeune. Ma phobie a été vaincue avant leur disparition. Mais de quoi cette phobie était-elle le signal ? J’ai retrouvé deux scènes. L’une, toute petite, où je dégringole d’une colline en dérangeant ces bestioles qui s’envolent de tous côtés. Cheville foulée et traumatisme de chute. L’autre, beaucoup plus grave, le viol de mon adolescence (dont j’ai parlé dans d’autres articles), dans un champ où les tipules fourmillaient.

Ah, la vie à la campagne !

Ces pauvres insectes n’étaient évidemment pour rien dans ces deux situations. Mais leur maladresse envahissante, leurs longues pattes et leur vol erratique, et leur si grande vulnérabilité - les prendre en main pour les sortir d’une pièce suffit à les tuer - représentaient bien l’émotion que je ressentais dans ces deux situations.

La phobie sert donc en priorité à désigner un bouc émissaire qui recouvrira le traumatisme d’un voile pudique.

Et c’est pour cela que ma nouvelle phobie, celle des smartphones, et plus légèrement mais de manière notable des réseaux sociaux, m’a interrogée, cette fois-ci sur un registre plus politique et sociétal.

La situation où ma phobie est devenue criante : je suis dans une salle d’attente bondée, où les personnes sont serrées comme des sardines. Tout le monde est sur son portable. Les deux seules exceptions : moi, je lis un livre, et une dame ayant récupéré le seul magasine présent sur la table, un « Elle » datant de 2019 (j’ai vérifié). Un peu vieux mais survivant, il n’y a plus de magasines dans les salles d’attente soi-disant pour des raisons d’hygiène.

Je tiens à préciser qu’à ma connaissance je ne suis pas électro-sensible, en tous cas pas plus que la moyenne. Je me suis sentie envahie par tous ces portables comme si de gros tipules technologiques s’envolaient tout autour de moi en faisant des BUZZ d’enfer … J'étais effrayée aussi, je ne sais pas si le terme est adapté, par le regard et les gestes captifs des personnes autour de moi, comme dans le film d’animation Wall-E, dont j’ai déjà plusieurs fois parlé tant il me semble visionnaire. Paru en 2009, c’est l’histoire d’un petit robot, seul humain survivant parmi des êtres collés sur leur écran au point de ne plus pouvoir marcher… les hommes et les femmes.

Bon, cette salle d’attente est devenue celle de l’enfer. Insupportable. Je me suis penchée dans tous les sens et tenté de me protéger avec mon livre mais il n'était pas assez épais. J’ai fini par sortir dans le couloir quand une personne s’est mise à hurler au téléphone avec une interlocutrice qui semblait être sa fille, d’après le haut-parleur allumé … À part quelques sourcils froncés et moi qui suis partie, rien ne s’est passé.

Pourquoi je parle de phobie ? À cause du sentiment physiologique de dégoût et du rejet extrême que j’ai ressenti. Mon corps ne pouvait plus digérer les stimuli reçus. D’ailleurs le lendemain, je me suis rendue compte que j’avais oublié mon portable à la maison alors que j’en avais besoin. Ou que je pensais en avoir besoin. Spoiler : j’ai survécu sans toute la journée.

Ma phobie du portable est le signe que je suis en rejet de plus en plus évident d’une obésité consumériste et soi-disant informationnelle (les réseaux). Il est temps de jeûner ! Ou du moins de passer à un régime plus équilibré. Et j’ai programmé dans la foulée des semaines dans l’année hors réseaux et téléphone plutôt que de chercher à vaincre ma phobie.

Là où je me suis amusée c’est quand j’ai cherché cette phobie… sur Internet. Introuvable. Sauf un « smartphonophobe » dans un article du Monde Diplomatique datant déjà de quelques années …

Par contre existent :

  • Téléphonophobe, ce que je ne suis pas, car il s’agit d’une phobie de la communication liée à la timidité et à la peur de parler, peut-être à un inconnu ?
  • Clicophobe : amusante, cette peur de cliquer sur un lien qui entraînerait des résultats désastreux. Mais je rejoins le début de cet article : est-ce vraiment une phobie dans le monde où nous vivons ? Ou un simple réflexe de protection bien utile …

Il y a bien la technophobie, mais elle concerne aussi les centrales nucléaires et les machines à laver…

Le seul mot que j’ai trouvé parle du phénomène inverse, la peur panique d’être séparé de son portable ou coupé des réseaux sociaux. C’est la nomophobie (contraction de no mobile phone). Je connaissais déjà ce phénomène pour l’avoir travaillé avec des personnes plus ou moins jeunes que j’accompagne. Cela peut aller jusqu’au déclenchement d’une crise d’angoisse en voyant son portable déchargé. Il s’agit d’une forme particulière de dépendance affective où le portable remplace maman, le doudou, le compagnon ou la compagne. Dans le même style il y a le FOMO : acronyme de « Fear of missing out », le mot traduit l'anxiété qui pousse de nombreuses personnes à rester connectées en permanence pour ne pas risquer de manquer un événement.

Bon, ça ou la cocaïne après tout …

 

 

 

Tipule (ou cousin) naturel - Tipule (ou doudou) technologique Tipule (ou cousin) naturel - Tipule (ou doudou) technologique

Tipule (ou cousin) naturel - Tipule (ou doudou) technologique

Désolée, sûrement une réaction d'Internet à l'annonce de ma phobie, il y a eu un bug dans l'envoi de l'article ... 🤣🤣🤣

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