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DESSINER DES DRAPEAUX

par Claire Sibille

publié dans Cette société - c'est la notre !

DESSINER DES DRAPEAUX

 

Aujourd’hui j’ai 7 ans et je dessine des drapeaux sur mon cahier d’écolière.

C’est une joie. Une liberté.

Cette diversité.

Ces couleurs qui se parlent et se marient.

Ces ailes qui flottent au vent.

 

Aujourd’hui je n’ai plus 7 ans et je dessine des drapeaux choisis.

Mais j’aimerai dessiner les 198 drapeaux, des 198 pays du monde. Et un pour la Terre aussi.

Mais je dois faire un choix.

Gaza. Car c’est trop dur d’assister à un génocide sans pouvoir rien faire. C’est trop dur de comprendre en tant que psy comment certains hommes instrumentalisent les victimes du passé - y compris le passé récent, celui du 7 octobre – pour devenir les bourreaux d’aujourd’hui.

Israël. Pour penser à toutes celles et ceux qui réclament la paix.

Ukraine. Pour ne pas oublier que laisser la guerre s’introduire par une porte dérobée, on a déjà connu.

Afghanistan. Pour ne pas oublier mes sœurs interdites de tout sauf de respirer. Pour l’instant.

Congo. Pour ne pas oublier les viols et les tortures qu’y subissent les femmes et les enfants et l’homme qui tente de les réparer, avec toute son équipe.

USA. Pour essayer de croire que le ridicule ne va pas les tuer. Pour de vrai.

France aussi. Pour la gratitude d’avoir eu la chance de naître et de vivre dans un pays où je peux partager cet écrit.

 

Aujourd’hui je préfère avoir 7 ans et je dessine des drapeaux sur mon cahier d’écolière  

C’est une joie. Une liberté.

Cette diversité.

Ces couleurs qui se parlent et se marient.

Ces ailes qui flottent au vent …

Je ne peux rien faire de plus.

 

Quelques feuilles d'automne ...

Quelques feuilles d'automne ...

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MILITER SANS S’EFFONDRER ?

par Claire Sibille

publié dans Cette société - c'est la notre ! , Ecothérapie

MILITER SANS S’EFFONDRER ?

Article écrit à l’occasion d’un interview pour le journal Fakir

(Interview disponible en fin d’article)

La pancarte qui va rester à la maison ...

La pancarte qui va rester à la maison ...

Résumé (si vous ne devez lire que ça … J ) :

 

Je milite depuis l’âge de 14 ans. Je me pense donc légitime pour parler de ce qui me permet de continuer malgré le sentiment récurrent d’impuissance, la colère et la tristesse. La révolte parfois. Mais très souvent la joie.

Ce que je veux mettre en avant dans cet article ce sont les ressources qui procurent cette joie malgré le constat sans déni de notre réalité :

  • Comprendre, sans recours à l’IA mais en lisant, écoutant, pensant, pourquoi la fin du monde paraît plus simple à envisager pour beaucoup que la fin du capitalisme. Le patriarcat, dont le capitalisme est le fer de lance, est en train de mener l’humanité à sa perte. En attendant il tue, brûle ou enferme des millions de femmes, d’enfants, d’hommes, d’animaux, de végétaux ...

Mais pour beaucoup il est impossible d’envisager un autre système, par exemple à travers la décroissance ou l’inclusivité. Pourquoi ?

  • Nourrir notre capacité d’action, de créativité, clés de notre liberté intérieure. Nourrir aussi notre capacité de lien, ça se travaille, afin de développer l’empathie.
  • Changer – avec tant d’autres - les imaginaires, à commencer par le nôtre. Car le futur prend naissance dans l’intuition et le rêve, et l’utopie, en proposant des futurs désirables, mérite autant d’attention que la dystopie.

C’est pour cela que je défends en tant qu’auteure, dans mon blog et mes livres, l’approche écoféministe comme médecine douce et efficace qui permet d’intégrer cette complexité. Et en tant que psychothérapeute l’approche complexe, bio-psycho-sociale, de la souffrance émotionnelle et mentale.

Car nous sommes les enfants symptômes d’une société malade.

L’intime est politique et le politique, le collectif, impacte et construit l’intime.

Trouver sa liberté intérieure, au moins en partie, est un vrai chemin de vie si ce n’est de croix !

 

 

*****

 

 

Mon premier souvenir de militance indépendante se situe au collège. Avec une amie nous avions installé un panneau contre la vivisection et j’avais adhéré, j’ai encore la carte J, à la Ligue contre la Vivisection. J’avais aussi refusé de participer à la torture d’une grenouille. Malgré la loi qui change souvent il paraît que ça se fait encore. Je me revois debout, regarder par la fenêtre, avec un profond sentiment de solitude face au regard réprobateur de mon prof de SVT et aux dos penchés sur les scalpels de mes camarades. Avant, j’avais déjà participé à la réintroduction du vautour fauve dans les Pyrénées et autres actions écolos, mais c’était en suivant mes parents, il n’y avait pas encore d’initiative personnelle.

Je me sens donc légitime, au bout de quelques décennies de militance, pour parler de ce sujet : Comment militer sans s’effondrer ? Et, au-delà, pourquoi le bénévolat est en danger alors qu’il est vital de le soutenir.

Il faut sauver le bénévolat.

Mes engagements ont été parfois errants, parfois sans issue, ils m’ont parfois conduite dans des impasses. J’ai vécu une militance continue avec les essais et erreurs vécu.es par tou.te.s les militant.es un peu aguerri.es.

Aujourd’hui, et depuis maintenant plusieurs décennies, je peux dire que j’ai trouvé ma voie, celle de l’écoféminisme, qui relie de nombreux combats autour de la protection du Vivant sous toutes ses formes et dans toute sa diversité. Elle inclut d’office la lutte sociale car le capitalisme et l’ultra-libéralisme sont des systèmes masculinistes et patriarcaux violents qui laminent notre planète et nombre de ses habitants qui n’ont pas les moyens de lutter face à ce rouleau compresseur.

C’est d’ailleurs à cause des décisions de ce système sur le pouvoir d’achat des plus pauvres et le recul de l’âge de la retraite que le bénévolat est aujourd’hui fragilisé. Car si les gens sont occupés à survivre, et s’ils doivent travailler jusqu’à des âges trop avancés, il n’y a plus grand monde pour s’occuper des associations.

En disant cela je ne renie pas la militance des jeunes, je l’ai vécue, mais il n’est que de voir l’âge des personnes qui assurent la majorité de la gestion des associations pour comprendre.

Mes voies d’action sont d’abord un soutien régulier et inconditionnel aux associations et aux médias indépendants qui portent ces combats. Ensuite l’écriture. Enfin la participation aux actions collectives, à commencer par les manifestations, mais aussi locales, à travers une association qui, dans mon village, se rapproche de cette pensée.

Je parle de combat, de militance. Je parle donc de guerre. Car je rappelle, celleux qui me lisent savent que c’est un de mes hobbies, que le mot militant vient de « être soldat, faire son service militaire ». Et oui. Ce n’est qu’à la Révolution Française que le sens s’est élargi à toute forme de combat pour une conviction. Mais je considère l’état de guerre comme une attitude intérieure de mobilisation, avec paradoxalement comme mot d’ordre, cette devise de ma profession de soignante : PRIMUM NON NOCERE.

 

*****

Au sujet de l’interview avec Fakir

 

Le journal Fakir qui m’a interviewée fait partie de cette presse alternative et indépendante que je soutiens, comme Reporterre ou Vert le Média. Vous trouverez ci-dessous, en plus du lien vers l’article original, accessible aux abonné.es du journal, l’interview que j’ai complété, approfondi ou précisé. J’ai en particulier amendé certains points très importants, comme par exemple ma compréhension des témoignages cités par Maëlle Beaucourt, que je n’avais pas lus au moment de l’interview. Ou encore des définitions qui n’étaient pas suffisamment compréhensibles. Il n'y a bien entendu aucune modification des questions et remarques de la journaliste, ainsi que et du sens de mes réponses.

Et si vous voulez soutenir une presse indépendante, n’hésitez pas non plus à soutenir mon blog J en likant, commentant, y compris directement sur les réseaux du journal, partageant et autres procédés actuels ! En ce qui me concerne, ce n’est que du bénévolat, et ça ne vous coûtera rien, car ça ne me rapporte rien. J’ai ce luxe de pouvoir écrire ce que je veux, quand je veux, et au rythme très aléatoire que je choisis !

 

MILITER SANS S’EFFONDRER ?

Interview de Claire Sibille par Maëlle Beaucourt.

(Lire les précisions ci-dessus sur la mise à jour - Lien vers l'interview initial en fin d'article après les photos)

12 août 2025

 

 

 « On vit dans un système qui se fout de vous et moi comme de sa première couche-culotte ! ». Claire Sibille tente de nous rassurer par le rire. C’est vrai que ces derniers temps à Fakir, les témoignages déprimants affluent et ça pèse sur notre moral. La montée de l’extrême droite, le dérèglement climatique, les tensions mondiales, le génocide à Gaza, l’impression que la gauche s’essouffle. Comment tenir individuellement et collectivement ? Pour mieux comprendre ce brouillard psychique, on a interrogé Claire Sibille, psychothérapeute et auteure écoféministe. Parce que le politique et l’intime vont de pair.

 

Ces derniers temps, on a reçu pas mal de témoignages touchants comme celui de Sandrine ou de Manaïs, qui partagent un point commun : les militants sont à bout. Pourtant, avec notre avant-dernier numéro Comment la gauche va gagner, on espérait redonner un peu de chaleur, d’espérance et de combativité. Mais face à l’actualité, à la montée du RN, aux discours de Retailleau, difficile de rester indemne…

Alors, à la Fakirie, on a essayé de comprendre comment tenir le choc, avec Claire Sibille, abonnée de longue date. Du coup, on a pris contact avec elle.

 

Fakir (Maëlle) : À la rédaction et dans nos échanges avec Manaïs, Sandrine et d’autres copains, on a constaté que le moral des troupes n’était pas au plus haut. Et surtout, la politique influe beaucoup sur notre santé mentale. Alors on a essayé de les motiver, Manaïs, Sandrine et les autres, on s’est même retrouvés à Pantin fin avril pour expliquer comment la gauche va gagner. Mais on se disait que l’avis d’une psychothérapeute était le bienvenu, aussi. Comment, quand tout semble aller au plus mal, faire du bien à sa santé mentale ?

 

Claire Sibille : Je crois d’abord que c’est très important de définir ce qu’est la santé mentale. Notre santé dite « mentale » est liée au réseau de liens affectifs, sociaux, naturels aussi, dans lequel nous existons depuis la naissance et même avant, et dans lesquels nous interagissons. On peut donc plus justement l’appeler santé psycho-émotionnelle ou psychosociale.

Aujourd’hui on considère souvent que l’individu est malade parce qu’il n’est pas adapté à la société. Si tu ne vas pas bien c’est qu’il y a quelque chose qui dysfonctionne en toi. C’est la clé de la réussite phénoménale du développement personnel et du coaching. Mais cela peut malheureusement être aussi celui de certaines psychothérapies ou psychanalyses. On retrouve le poids judéo-chrétien de la faute, et c’est toi qui dois tout faire, acheter telle ou telle pilule ou aller voir telle ou telle personne. On va te reformater pour que tu t’adaptes au système, c’est une approche qui est extrêmement répandue.

Mais il y a une alternative, c’est une approche biopsychosociale ou complexe, c’est-à-dire qui considère qu’on est en permanence en lien avec le système et que ce système a une pathologie, c’est ce que développe Sébastien Bohler, docteur en neurosciences. Ou encore la journaliste et essayiste Monat Cholet.

Et donc si je vais mal, si je fais un burnout ou une dépression, c’est d’abord l’effet d’une agression avérée d’un système social, politique, familial, relationnel toxique et exploiteur. Ou de l’abus de pouvoir physique, économique ou politique. C’est le cas par exemple des femmes et des enfants victimes de violences sexistes et sexuelles, ou encore des ouvriers victimes des multinationales. Cela peut être aussi la conséquence d’une dissonance entre ce que me demande le système et mes valeurs. Difficile de concilier bosser chez Total et conscience écologique. Et cela conduit fatalement à un mal-être. Il y a aussi la contagion émotionnelle, ce qu’on appelle le traumatisme par empathie ou vicariant, très fréquent par exemple chez les soignants, les humanitaires confronté.es à des situations insoutenables. Mais cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas s’en sortir.

 

Le stress pré-traumatique, ou anxiété anticipatoire.

 

Fakir : Comment explique-t-on l’angoisse de Manaïs ou celle de Sandrine ?

 

Claire Sibille : Je ne les ai pas entendues mais de ce que j’ai lu dans Fakir, il s’agit clairement d’un « burn-out », que j’ai du mal à nommer militant, car il n’est pas dû aux causes qu’elles défendent, mais, encore une fois, à la perception anxiogène de l’état du monde et à l’absence de ressources mises en place, par excès d’empathie. Oui, c’est possible ! C’est exactement ce que je décris plus haut chez les soignants, le traumatisme vicariant ou par empathie. Le fait de tout donner en oubliant de se réserver des lieux de ressourcement. Ce qu’elles montrent avoir compris à la fin de leur témoignage.

Je peux rajouter quelque chose que je rencontre de plus en plus souvent, c’est ce qu’on appelle un syndrome de stress pré-traumatique, aussi appelé anxiété anticipatoire. Quand l’humain se sent dépassé, c’est d’ailleurs aussi valable pour les animaux, par exemple en captivité, confronté à un danger pour lequel il n’a pas de réponse, il va se replier sur lui-même pour échapper à ses émotions.

La chute actuelle de la natalité est un bon exemple de l’anxiété anticipatoire et de ses effets. Quand on écoute les témoignages des couples, ils parlent de l’insécurité, du changement climatique, etc. Ils se demandent légitimement s’ils doivent vraiment faire des enfants dans un monde aussi compliqué. 

 

Fakir : Mais quand tout va mal, quand on se sent dépassé par l’actualité, comment gérer nos émotions ? Est-ce qu’il faut s’indigner constamment ? Fuir la réalité ?

 

Claire Sibille : Les deux. C’est absolument essentiel d’avoir votre safe place, c’est-à-dire un lieu sûr où vous allez vraiment pouvoir vous régénérer et vous ressourcer. Mais en même temps, l’état d’indignation est essentiel. À l’origine, la colère sert à poser des limites. Beaucoup, en particulier les femmes et les personnes opprimées, ont appris à ne pas l’exprimer mais c’est quelque chose d’essentiel : à quoi je dis non ? Et quelles limites je pose ? Il faut comprendre qu’on est avant tout dans un système où c’est en mettant tous ensemble notre force qu’on aura le plus d’efficacité dans le changement. Par exemple, si on arrive à convaincre Macron d’empêcher le chalutage en eaux profondes, on aura beaucoup plus de poids que si on arrête individuellement de manger du thon Petit Navire (même si c’est bien aussi J).

 

« Il faut proposer de nouveaux imaginaires »

 

Fakir : D’accord, mais au niveau politique, si on se sent impuissant, par exemple, si on va en manif mais que rien ne bouge, si on tente de stopper la montée de l’extrême droite mais que la côte de popularité de Bruno Retailleau ou Jordan Bardella ne cesse de s’accroître, c’est épuisant, on a l’impression que rien ne change… Concrètement, comment ne pas prendre à cœur ces bouleversements politiques ?

 

Claire Sibille : Il y a un truc qui est primordial, c’est de se nourrir de ce qu’apporte le sentiment de participer à une vague collective. C’est très nourrissant et ça nourrit beaucoup le sentiment d’appartenance, et donc la sécurité intérieure. Se dire qu’on n’est pas tout seul à ne pas vouloir de Bardella comme prochain président de la République, ça fait du bien. L’attachement à un groupe et une famille émotionnelle est très important pour le moral. L’environnement proche doit être suffisamment sain, que ce soit en couple ou en communauté, dans les associations, les amitiés. Car il est notable que l’on retrouve parfois les mécanismes relationnels toxiques que l’on combat à l’intérieur même des associations militantes.

Si on n’a pas cette sécurité intérieure, le reste ne sera pas efficace. Et puis, après, développer sa créativité personnelle, se faire plaisir, restent des ressources essentielles. Moi, c’est l’écriture, le dessin, la nature, ça peut être ce que vous voulez.

Et proposer de nouveaux imaginaires est essentiel. C’est par exemple ce que fait Cyril Dion, militant écologiste. Ces auteur.es proposent de nouvelles visions du monde, basées sur la décroissance, plus de sobriété, avec d’autres objectifs que l’accumulation d’objets, d’argent et de followers. Actuellement, on tourne avec le capitalisme, la croissance et le fric. On veut nous faire croire que tout est une question d’argent. Mais en fait, c’est plus une question d’avidité : on vit dans une société qu’on ne peut pas satisfaire, et nous-mêmes, on peut finir par en vouloir toujours plus. On pourrait très bien vivre avec peu, moins de vêtements, se déplacer en vélo, revenir à l’essentiel. Mais cela exige une riche vie intérieure …

 

Fakir : En psychologie, on parle aussi de résilience. Mais que signifie être résilient ? Ça veut dire qu’il faut accepter la fatalité ?

Claire Sibille : Il y a deux types de résilience : la bonne et la mauvaise. La mauvaise résilience, c’est celle qui consiste à vous adapter au système. Même si ce système se fout de vous et de moi comme de sa première couche-culotte !

 Par exemple, vous faites un burnout dans une entreprise, vous allez voir un coach qui va vous expliquer que c’est parce que mentalement vous êtes complètement à côté de la plaque. Il va vous formater comme un coureur cycliste ou un footballeur, pour que vous puissiez revenir au bout de quelques mois dans le même système qui n’aura pas bougé d’un poil, mais vous vous serez bien blindé.

Et la bonne résilience, c’est le cas où vous faites un burnout dans la même entreprise mais vous allez vous dire : soit « je quitte tout et je plante mon potager », soit « je me syndique et je renverse la table ». En fait, la bonne résilience, c’est quand on constate la difficulté d’une situation, sa complexité, que l’on ne se réfugie pas dans le déni au risque d’y laisser sa peau, et qu’on la transforme en quelque chose qui nous fait du bien et qui va nous permettre de grandir et de passer une étape.

 

« C’est par la joie, le plaisir et le lien qu’on va y arriver. »

 

Fakir : C’était le cas des Gilets jaunes : ils ne se sentaient pas bien dans un système politique qui les dépassait, du coup ils ont manifesté…

 

Claire Sibille : Oui, quand ça ne va pas, il faut savoir rebondir. Les Gilets Jaunes sont un bon exemple de réaction collective à un profond sentiment d’injustice. Notre histoire collective est émaillée de ces révoltes face à l’opulence indifférente des nantis.

À titre personnel, ça m’est arrivé plein de fois dans ma vie de quitter des groupes, en particulier des associations, où je ne me retrouvais plus du tout, où j’essayais de dialoguer et rien ne changeait. Tant pis, je vais voir ailleurs. C’est essentiel de reconnaître qu’on a atteint ses limites. Sauf qu’on soulève un autre problème : la loyauté. C’est très dur de lâcher prise parce qu’il y a la culpabilité liée à cette loyauté. C’est très fréquent chez les militants. On a peur d’être perçu comme un lâche, on se dit qu’on laisse nos camarades qui, eux sont en train de se battre. Mais il faut savoir partir. Le monde est grand, et heureusement !

 

Fakir : On en fait quoi de cette culpabilité, alors ?

 

Claire Sibille : Déjà, on essaie de ne pas l’avoir. C’est normal de prendre du recul ou de partir, on a atteint nos limites, on ne peut pas aller plus loin. Ou encore on est plus en accord avec les valeurs du groupe, on n’est pas entendu.e. L’idéal alors est de pouvoir se recentrer, avoir un lieu dans lequel on peut se retrouver et prendre soin de soi. Comme une retraite. Ou une bonne thérapie. Cela permet de voir où on en est, dans quoi on est en train de se fourrer et de savoir si on ne va pas trop loin dans telle relation, dans tel engagement. Se recentrer permet de mieux rebondir par la suite ! Face à l’impuissance instrumentalisée par nombre de plitiques (« on n’a pas le choix », il est fondamental de trouver son propre pouvoir, là où l’on sera le plus soi-même, le plus efficace.


Fakir : En résumé, même si on se sent dépassé, impuissant, l’impression que tout s’effondre et que nos luttes n’aboutissent pas… il reste quand même de l’espoir ?

 

Claire Sibille : Absolument ! Une fois par mois, je me fais une grosse journée de crise, d’écoanxiété, de dépression politique et autre. Pas difficile, il suffit d’ouvrir la radio. En général, je commence par pleurer un bon coup, c’est essentiel pour évacuer le cortisol, l’hormone du stress, puis j’écris ou je vais me balader dans la forêt, ou je pars en manif, et ça va mieux. Sinon, je passe mes journées à rigoler tout en continuant d’agir. C’est par la joie, le plaisir et le lien qu’on va y arriver !

 

En ce moment, Claire écrit sur l'épuisement militant et le traumatisme par empathie et va publier le 3 octobre un roman policier et social aux éditions d’Avallon.

En attendant, vous pouvez lire son blog : Psy de campagne ! www.clairesibille.fr , ou un de ses derniers ouvrages :

  • Inventaires, roman, éditions Novice.
  • Juste un très mauvais moment à passer (BOD), recueil de nouvelles et ressources sur les traumatismes de l’enfance.

 

 

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