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Partage et positionnement face à la crise actuelle

par Claire Sibille

Partage et positionnement face à la crise actuelle

Lettre à mes lectrices et lecteurs

Notre vie commence à s’arrêter lorsque nous gardons le silence sur les choses graves.

Martin Luther King.

Vous vous êtes inscrit.es à mon blog car vous appréciez mon écriture, ma capacité à réfléchir sur les problèmes de manière complexe, qu’ils soient sociétaux ou intimes, et la transmission de mon expérience.

J’ai traité de nombreux sujets brûlants, sur les thèmes qui me mobilisent, en particulier la crise écologique, dramatiquement absente de la conscience et des actes des dirigeants. La situation des femmes aussi, qui stagne ou s’aggrave malgré les effets d’annonce : le 2 janvier il y avait déjà officiellement trois femmes assassinées par leur conjoint en 2022 en France.

Il serait alors surprenant, mais compréhensible vu la pression, que je me taise sur la crise sanitaire transformée, chez nous en tous cas, en crise politique, au sens premier de la vie commune dans la cité, avec ses conséquences sociales mais aussi intimes, à l’intérieur des couples et des familles. Notre gouvernement semble avoir fait le choix du clivage, j’ai déjà parlé dans un autre article de la « diabolisation » (Étymologiquement : ce qui sépare) et du phénomène du bouc émissaire. Je vois les dégâts de cette politique à l’œuvre tous les jours chez les familles et les personnes que j’accompagne, y compris les tout jeunes enfants.

Je ne suis pas la seule, de remarquables collègues ont déjà témoigné de leur expérience quotidienne et de leur effarement face aux conséquences psychosociales à moyen et long terme de la crise que nous traversons et des mesures prises pour y répondre. Je ne peux pas nourrir ces forces de division. Et je ne peux pas non plus me taire et arrêter de penser et de ressentir.

Pendant cette crise, je n’ai rien changé depuis le début à ma pratique professionnelle, je me suis juste arrêtée pendant la phase la plus rude de l’épidémie comme nombre d’autres. J’ai eu moi-même le Covid de manière assez sévère, là encore comme beaucoup. Et cela m’a handicapée pendant un temps, une sorte de Covid à rallonge, mais aussi les conséquences de tests PCR mal réalisés qui m’ont provoqué des douleurs pendant des mois (déformation de la cloison nasale). C’est sûrement pour cela que je compatis autant avec les petits enfants en pleurs, devant subir cette intrusion parfois plusieurs fois par semaine.  

J’ai toujours privilégié les démarches naturelles et là encore, d’autant plus que la médecine moderne ne proposait rien, ce sont le jeûne et les méthodes alternatives qui m’ont permis de remonter la pente et d’être aujourd’hui en pleine forme.

Pendant ce passage, j’ai fait aussi un grand travail intérieur sur l’angoisse de mort et réalisé à quel point elle était un des grands points aveugles de notre société, alors qu’elle est omniprésente. Comme si notre monde de croissance et de consommation infinies, notre monde ultra-technologique et son coût environnemental effarant, avait convaincu nombre d’entre nous que la mort n’existe plus.

Je me suis ainsi tout à fait retrouvée dans le parcours intime de Léonardo Di Caprio et Jennifer Lauwrence dans « Don’t look up », le film phare de la fin de l’année dernière. J’ai particulièrement aimé la fin de ce film (je ne spolie pas !) qui remet les choses à leur juste place. Je me suis aussi retrouvée dans le dernier roman de Richard Powers, « Sidérations » qui, dans la lignée de « L’Arbre-Monde », son dernier livre commenté dans ce blog, nous met de manière radicale face aux conséquences de nos choix.

La maladie dont il est tout le temps question a beaucoup évolué comme l’on peut s’en rendre compte en regardant les chiffres que je ne vous ferai pas l’offense de partager, ils sont disponibles partout. Certains pays, dont nos voisins les plus proches, ont décidé de politiques complétement différentes des nôtres, dans un sens ou dans l’autre, et arrivent aux mêmes résultats. Car comme l’ont développé les députés et les médecins ou chercheurs sans conflit d’intérêt ou assumant leur pensée propre, il existe mille manières non clivantes, non violentes de répondre aux besoins de sécurité des uns et des autres. Notre gouvernement a choisi selon moi à peu de chose près les pires. Ma profession de psychothérapeute se doit d’être la plus inclusive possible, et de ne pas céder à la peur ou au besoin d’obéir à l’opinion dominante, argumenté par bien des auteurs. Faire le contraire affecte selon moi profondément non seulement l’éthique de la profession, qui comme tous les soignants se réfère au serment d’Hippocrate, mais aussi la qualité du lien mis en avant dans la psychothérapie dite « relationnelle » et « intégrative ».  

Il est difficile dans cette situation de tenter de garder une pensée complexe et de l’empathie pour tout le monde, dans le respect de ses convictions personnelles. C’est ce que j’essaierai malgré tout de faire, en transmettant également les réflexions qui me semblent pertinentes d’auteurs et chercheurs reconnus qui continuent de penser le monde.

Comme il m’est impossible de créer un autre blog, j’ai décidé de mettre en rouge les titres des articles citant ou commentant « la politique sanitaire ». Pourquoi un tel procédé ? Pour préserver la sensibilité du plus grand nombre en utilisant une méthode qui a fait ses preuves dans les familles et les cercles d’amis. Comme me l’ont dit certaines personnes que j’accompagne avec beaucoup d’humour : « Ça c’est très bien passé à Noël, chacun a fait l’effort de ne parler de rien ! ».

Il est pourtant tellement rare et ressourçant de pouvoir parler en profondeur, de s’accueillir dans le conflit et la différence ! Mais c’est un autre débat.

Ces articles seront toujours aussi l’occasion de réfléchir à un aspect de la psychologie intime ou sociale.

Ainsi pour le prochain je m’appuie sur la lecture passionnante du livre de Sébastien Bohler, rédacteur en chef de du magazine Cerveau et Psycho et lui-même docteur en neurosciences, « Le Bug Humain » que je vous recommande vivement. Beaucoup y est dit et étayé. Dans le suivant je vous parlerai de la « fenêtre d’Overton » et dans ce qui sera je l’espère le dernier de ce qui concerne la « Doxa », que je traduirai rapidement par l’opinion dominante, et de tous ses effets sur la capacité ou non de garder sa liberté de penser.

J’espère qu’avec ces trois articles j’aurai suffisamment fait le tour de la question pour me permettre de passer à autre chose, ce ne sont pas les projets d’écriture qui me manquent pour cette année où je vais avoir la grande joie en février d’accueillir mon premier roman, édité par une « vraie » maison d’édition.

J’espère que ces écrits contribueront, dans le respect absolu des expériences et convictions de chacun, à augmenter notre capacité de penser mais aussi voire surtout d’empathie, c’est-à-dire la capacité de sortir de la pensée toute faite, la fameuse « pensée paresseuse », en s’ouvrant à l’existence de l’autre.

Je vous laisse, en vous remerciant de m’avoir lue jusqu’au bout, avec une deuxième citation, regroupant et adaptant quelques phrases de « Sidérations ».

A bientôt !

Sidérations, Richard Powers, Actes Sud 2021 :

« Tout le monde devrait apprendre ce que ça fait d’être une autre créature. Pense à tous les problèmes que cela réglerait ! N’importe quelle créature (végétale, animale, humaine, extra-terrestre…) qui nous fasse ressentir comment c’est de ne pas être nous. (…) Nous affirmions que (cette) découverte augmenterait la sagesse collective des hommes et sa capacité d’empathie. Les hommes du président rétorquaient que sagesse et empathie étaient des complots collectivistes pour détruire notre niveau de vie. »

Le nouveau chef d'oeuvre de Richard Powers, à commander chez votre libraire préféré.

Le nouveau chef d'oeuvre de Richard Powers, à commander chez votre libraire préféré.

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L’étymologie, un petit bonheur du quotidien

par Claire Sibille

publié dans Cette société - c'est la notre ! , Le quotidien c'est pas banal !

L’étymologie, un petit bonheur du quotidien

Vœux pour 2022

 

Scène prise sur le vif. Dans la voiture. Ma fille conduit. Je lui fais part de ma joie.

  • C’est super on va pendre la crémaillère dans ton nouvel appart à Bordeaux.
  • Oui, on a fait une crémaillère chez une amie la semaine dernière, c’était chouette. Mais pourquoi tu dis pendre la crémaillère ?
  • C’est la bonne expression. Tu sais ce que c’est une crémaillère ?
  • Non.

Alors je lui explique. La crémaillère, c’est la chaîne que la maîtresse de maison pendait au-dessus du foyer pour pouvoir y accrocher les chaudrons et autres ustensiles de cuisine. Et elle la pendait pour la première fois dans une nouvelle maison, une fois que le maître de maison avait allumé le premier feu dans l’âtre, en invitant voisins et amis pour signifier que maintenant, elle pouvait accueillir et faire à manger chez elle. Je vois le visage de ma fille s’illuminer. La jouissance de comprendre un mot qu’elle employait jusque-là sans se poser de question.

  • Ah bon ! C’est ça que ça veut dire ? C’est cool.

J’ai vécu des centaines de fois cette expérience, dans les dialogues en famille ou dans mes articles. Mon père m’a transmis toute jeune le virus des dictionnaires et de l’étymologie, et j’y trouve chaque fois un petit bonheur, de ceux qui rendent la vie plus lumineuse. D’ailleurs, le terme lumière a d’abord fait référence aux étoiles qui nous guident dans le ciel !

Récemment une connaissance me disait que face à la politique actuelle, il essayait en toutes choses de rester modéré. Ce mot m’a heurtée, car je ressens viscéralement qu’aujourd’hui, face aux défis de notre temps, on peut être tout sauf modéré. Ou plus exactement, que la modération est une des attitudes qui a ses propres conséquences, loin d'être anodines. Mais je n’avais pas d’argument immédiat à lui opposer, juste une opinion divergente, ce qui ne peut que fragiliser le dialogue.

De retour chez moi je me précipite donc sur une de mes bibles, le dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey. Et j’y trouve que modérer signifie : diminuer l’intensité. Pour une hypersensible comme moi, diminuer l’intensité voudrait dire éviter de se confronter aux extrêmes. Et donc, telle une jument de labour, avancer avec des œillères. Alors non, aucune modération possible pour moi aujourd’hui, où le monde regorge d’extrêmes. Le mot extrême signifie au départ : le plus en dehors, étranger. Quant à étranger, il fait référence à étrange : qui n’est pas de ma famille, du même Pays que moi. N’est-il pas particulièrement adapté à une époque de lutte de tous contre tous, et contre la Nature ? Une époque étrange, où le risque voire déjà la réalité, est que nous devenions tous des étrangers les uns pour les autres. Y compris, et c’est peut-être une des pires conséquences de la situation actuelle, à l’intérieur des familles et des cercles d’amis.

Les injures, à commencer par celles des gens qui nous dirigent, pleuvent jour après jour d’un bord à l’autre de la société. Et il est bon de rappeler qu’injure a la même racine qu’injustice : violation du droit, tort, dommage. Ce mot n’a acquis que plus récemment le sens de parole blessante. Ils sont nombreux ceux qui assument d’être devenus étranges par rapport aux injonctions et aux insultes (étymologiquement : sauter sur !) quotidiennes.

Comment faire alors ?

Il y a toujours eu deux manières de réagir face à une société très perturbée, quand on ne se reconnaît pas dans le discours non pas dominant, mais des dominants, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

La première est de s’éloigner du monde et de créer des oasis où construire un univers qui nous correspond plus. Pour cela il est recommandé, et souvent fait par les personnes qui font ce choix, de se couper au maximum de toutes les informations, médias et autres injonctions gouvernementales qui pourraient faire exploser cette bulle par leur violence. L’autre choix est au contraire de plonger tout entier dans le dysfonctionnement sociétal, de mettre les mains dans la mauvaise pâte. D’un côté les ermites et les reclus, de l’autre L’Abbé Pierre et Mère Térésa. D’un côté la méditation et le jardinage, de l’autre l’engagement militant. Aucun choix n’est meilleur qu’un autre, et certains peuvent passer de l’un à l’autre en fonction des étapes de leur vie et de leur ressenti. Je crois même qu’ils sont possibles à vivre en même temps, même si souvent opposés dans les discours.

L’étymologie est un des antidotes à la perte de sens et à l’accélération frénétique de l’absurdité de notre société. Cette absurdité est remarquablement dénoncée dans le film « Don’t look up » (Ne regarde pas vers le haut, vers le ciel) qui fait un tabac sur Netflix en ce moment.

Alors au contraire, il est temps de regarder à nouveau vers le ciel, non pas pour fuir la réalité terrestre ou pour guetter une comète assassine, mais pour y trouver une étoile, une lumière, qui pourrait à nouveau nous rassembler. C’est un vœu naïf pour l’année à venir.

Et vous savez quoi ? Naïf signifie : reçu en naissant, naturel.

Je ne peux qu’assumer alors la naïveté de mon vœu !

A voir absolument !

A voir absolument !

L’étymologie, un petit bonheur du quotidien

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