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Et bien OUI, je dis NON ! Réflexions sur le Consentement.  8 mars, journée dite « de la femme »

par Marie-José Sibille

publié dans Cette société - c'est la notre ! , Alterégales

Et bien OUI, je dis NON !

Réflexions sur le Consentement 

 8 mars, journée dite « de la femme »

 

 

Consentement, mot de l’année 2020 ?

Pour mémoire les deux dernières années ont vu les mots toxique, féminicide et urgence climatique arriver au Panthéon des mots envahissant l’espace public. 

Le seul mot à connotation positive a été bienveillance. La bienveillance n’envahit pas vraiment les réseaux sociaux, ni les relations professionnelles ou familiales hors quelques niches ou réserves écologiques privilégiées. 

Pas très encourageant pour le consentement.

Le mot consentement, nous dit Alain Rey dans le dictionnaire historique de la langue française, signifie que l’on donne son accord parce que l’on est dans « le même sentiment » que la personne qui nous fait une demande.  C’est précis, et beaucoup plus profond et intime qu’un simple accord commercial par exemple.

Le consentement est un mot-clé pour les femmes depuis longtemps. 

Il est rare par exemple que l’on parle du mariage forcé d’un homme, le oui de l’homme à un mariage est un oui de plus faible contrainte que celui de la femme. 

Trop souvent encore elle est obligée de le prononcer à son corps et son cœur défendant, jusqu’à devoir épouser son violeur ou un vieillard à 12 ou 13 ans si ce n’est moins dans trop de pays. Amnesty International rapporte le témoignage d’une jeune mineure au Soudan du Sud, mariée de force après avoir été vendue aux enchères sur Facebook.

Par ailleurs, même dans les pays de démocratie relative, la pression socio-culturelle au sujet du mariage est encore beaucoup plus forte pour la femme que pour l’homme. La femme « sans », sans mari, sans enfants, sans homme dans sa vie doit en répondre régulièrement, et l’image de la vieille fille est encore prégnante et beaucoup plus invalidante que l’équivalent masculin. 

Si des hommes se sentent parfois contraints de dire oui au mariage pour des raisons familiales ou sociétales leur infidélité à ce oui est toujours mieux admise dans une grande partie de la population. Cette liberté plus grande à l’intérieur même des liens du mariage fait que c’est souvent la femme qui demande le divorce. Car ce genre d’homme ne voit pas trop l’intérêt de renoncer au confort d’une épouse femme de ménage, cuisinière et éleveuse d’enfants alors qu’elle est tout à fait conciliable avec leur liberté professionnelle et sexuelle. Dans les pays non démocratiques le divorce est réservé aux hommes, ou leur est facilité.  Dans beaucoup d’endroits ils ont une option encore plus simple : la répudiation.  Il leur suffit de ne plus vouloir de leur femme parfois pour des raisons objectives même si tout à fait critiquables comme la stérilité, parfois parce qu’ils n’en veulent plus tout simplement ou qui veulent l’échanger contre une plus jeune comme pour une voiture en leasing. 

Savez-vous d’ailleurs que le mot répudier signifie « repousser du pied quelque chose dont on a honte » ! Et que dans les relations humaines ce mot est exclusivement réservé aux hommes qui rejettent leur femme ! Inventons un mot mesdames qui marquerait l’inverse. Ou plutôt essayons de changer les choses pour que ce genre de mot disparaisse du dictionnaire.

 

La notion de consentement sous-entend la réponse à une question qui a été posée, de manière explicite ou implicite. Dans le cadre précis qui nous occupe ici, celui des relations homme-femme, il est souvent considéré comme évident que l’homme pose la question et que la femme y répond. Il y a peu de films romantiques où l’on voit la femme se précipiter avec une bague aux genoux de l’homme de sa vie pour le demander en mariage, mais là au moins la question est explicite. Dans les relations sexuelles elle est très souvent implicite. La femme concernée n’a pas toujours la possibilité  de prendre le recul nécessaire pour formuler le non, voire même pour se poser la question. 

Et ce pour au moins quatre raisons : 

  • Parce qu'elles sont dans une relation d’emprise avec un homme plus âgé, hiérarchiquement supérieur ou encore dont elles dépendent financièrement pour survivre. L’emprise première étant l’impact du corps physique de l’homme et de sa force.
  • Parce qu'elles sont en état de sidération et de mutisme, conséquences de traumatismes précédents. Qui ne dit mot consent, un des pires proverbes qui soit. La sidération, dont l’origine signifie que l’on est victime de l’action funeste des astres, est très difficile à expliquer aux personnes qui ne l’ont pas vécue, et leurs réactions entraînent des traumatisations secondaires, de la culpabilité et de la honte : mais pourquoi n’as-tu pas dit non, pourquoi ne t’es-tu pas débattue, pourquoi ne l’as-tu pas quitté plus tôt, pourquoi n’as-tu pas réclamé une augmentation, démissionné …  La réponse est simple mais difficile à entendre : parce qu’il m’était physiquement, émotionnellement, mentalement impossible de le faire. J’étais comme une proie paralysée sous la griffe de son prédateur, comme un enfant rendu muet par un parent violent, la force du traumatisme précédent revenant comme une massue pour m’assommer et me rendre incapable de réagir.
  • L’habitude de dire oui : les filles sont encore trop souvent éduquées à être gentilles, à réfréner leur colère, à aider maman dans les corvées ménagères pendant que le fils met les pieds sous la table, à ne pas demander, à être autonomes … 
  • Elles sont aussi culturellement soumises dans l’éducation nationale, encore aujourd’hui, à une absence d’exemples féminins dans l’histoire, les sciences, les arts … Savez-vous que dans les sujets du bac français de cette année 2020, nous avons juste deux auteures féminines sur douze écrivains proposés ! Et en plus, quel que soit l’immense talent des deux écrivaines, ces livres parlent tous les deux de femmes entièrement soumises au désir et au pouvoir de l’homme ! Il faut le faire quand même. Marguerite Yourcenar et son amant pédophile décrit l’initiation sexuelle d’une gamine de 15 ans par un homme de 40 ans, sujet très tendance. Quant à la Princesse de Clèves, il faut d'abord remarquer que Madame de La Fayette l’a publié anonymement pour qu’il ne soit pas rejeté, même si l’auteure a inspiré Balzac et fait naître le roman psy. L’histoire ? Mademoiselle de Chartres est une jeune fille de 15 ans, il faut croire que les jeunes filles de 15 ans ont la côte auprès des programmateurs du BAC français. Elle arrive à la cour du roi Henri II où le prince de Clèves tombe amoureux d'elle, mais ce sentiment n'est pas partagé. Rappelez-vous ici l’origine du mot consentement. Ils se marient quand même. Elle tombe amoureuse du duc de Nemours, mais leur amour serait illégitime, puisqu'elle est mariée. Afin d'éviter de le revoir elle se retire de la cour, et avoue sa passion à son mari. Celui-ci meurt de chagrin. Elle décide alors de se retirer dans un couvent. Génial non en ce qui concerne le consentement ?

Si la femme n’est concernée par aucune de ces quatre situations et arrive à dire non sans problème, encore faut-il que ce non soit respecté, mais là nous rentrons clairement dans le cadre du crime.

 

Il n’y a pas que dans le domaine sexuel que le oui et le non sont des problèmes. Combien de femmes acceptent la double journée sans rien exiger de leur compagnon.

La notion de « travail non rémunéré » est très intéressante à étudier à cause de ses innombrables conséquences sur la vie des femmes, que cette situation soit voulue ou juste subie. Le travail non rémunéré nous dit Wikigender, constitue la part de travail domestique qui augmente indirectement les revenus du foyer, sans que les personnes qui l’effectuent ne bénéficient de rémunération. La différence entre travail domestique non rémunéré et loisir est définie en fonction du critère du « tiers ». Si un tiers peut être rémunéré pour réaliser l’activité concernée, on considère alors qu’il s’agit d’un travail. La cuisine, le ménage, la garde des enfants, la lessive et le jardinage sont des exemples de travail non-rémunéré. 

S’y rajoute la prise en charge des personnes handicapées, malades ou très âgées dans les familles, pas toujours compensée, ou très mal, par le statut d’aidant familial et ceci juste dans les pays démocratiques européens.

Quel que soit le pays, continue l’incontournable plateforme Wikigender, les femmes consacrent davantage de temps que les hommes au travail non rémunéré avec un écart de 2.5 heures en moyenne par jour. En 2015, en Norvège, les hommes consacrent 180 minutes par jour au travail domestique et les femmes 210 minutes, tandis qu’en Corée la part de travail domestique des hommes est estimée à 45 minutes par jour, alors que les femmes y consacrent 227 minutes. L’écart est encore plus significatif en Inde où les femmes passent 352 minutes à effectuer des travaux non rémunérés tandis que les hommes 52 minutes.

En ne pouvant pas dire non à ce travail non rémunéré pour de multiples raisons, les femmes se fragilisent et sont fragilisées, sont plus susceptibles de devenir pauvres surtout si elles sont répudiées, et sont maintenues dans une situation de dépendance envers l’homme et/ou la famille. Elles sont aussi souvent dans l’impossibilité de s’épanouir d’une manière ou d’une autre le temps de loisir étant pris par les corvées ménagères, regardez par exemple l’usage que font la plupart des femmes mères de famille de leurs RTT. Là encore le consentement est essentiel, car il est tout à fait acceptable que certaines femmes s’épanouissent dans ce style de vie. Encore faut-il qu’elles aient la possibilité de se poser la question et d’y répondre par la négative.

Sur le plan professionnel nous retrouvons trop souvent le même phénomène : combien de femmes cumulent les heures sups non rémunérées dans l’éducation, la santé, tous les métiers du soin et de l’accompagnement psychosocial ? Ou dans les entreprises ? 

Par exemple une femme travaillant dans une entreprise de formation me racontait récemment comment elle travaillait dix heures par jour en faisant les programmes, trouvant les clients pendant que son chef se contentait de signer les contrats et d’empocher les bénéfices, qui plus est en s’étant approprié son travail comme étant le sien. Les exemples sont légion.

Combien de ces femmes attendent que leur corps dise non à leur place en tombant malades ? Souvent gravement, car elles ne sont pas du genre à prendre un congé pour un rhume.

 

Toutes les femmes doivent pouvoir faire entendre et respecter leur non, toutes les personnes opprimées aussi, ainsi que les personnes fragiles comme les enfants ou les personnes âgées.

 

Alors OUI, le consentement doit être le premier mot de l’année 2020.

 

Marche contre les violences faites aux femmes novembre 2019, c'était chouette !

Marche contre les violences faites aux femmes novembre 2019, c'était chouette !

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LA PANNE

par Marie-José Sibille

publié dans Le quotidien c'est pas banal ! , On peut choisir sa famille

LA PANNE

 

Coupure d’électricité à Lasseube, Pyrénées Atlantiques,

panne due à Myriam la tempête du 2 mars 2020 

 

Vous êtes en bout de ligne nous ont toujours dit les professionnels de l’électricité.

Être en bout de ligne, ça me plaît. J’imagine tout de suite la Patagonie, le bout du bout des terres habitées, je me vois aussi gardienne de phare faisant signe aux bateaux égarés dans une île battue par les flots. J’accepte le prix à payer pour cela, faire toujours partie des derniers à être à nouveau éclairés en cas de tempête, tempêtes dont la fréquence s’accélère, vous l’aurez remarqué. 

A 6h du matin le 2 mars, tout le monde ou presque est debout, le vent souffle vraiment très fort, la chatte tourne en miaulant le poil dressé au milieu du salon, si les animaux sont inquiets, je m’autorise à l’être. La tempête a même réussi à sortir une de mes filles ado de son lit à cette heure inimaginable en temps normal, la plus grande est absente. Seul le fils reste endormi, faut quand même pas exagérer. Il faudrait un cyclone, on n’en est pas là. Myriam battra quand même de nombreux records de vent : 127 km/h à Pau, donc sûrement un peu plus dans mon coin de nature.

La conséquence immédiate c’est qu’il n’y a plus d’électricité. Les bougies et les lampes torches sont prêtes, les poêles sont fournis en bois, nous pouvons tenir, avoir chaud, cuisiner, lire … mais pas recharger smartphones et ordinateurs, pas aller sur Internet. Cela a duré deux jours. Autant dire rien du tout. Difficile pour les ados et post-ados présents qui ont l’impression d’être coupés du monde et sont peu sensibles au romantisme des dîners aux chandelles dans ce contexte. Ils réagissent plus ou moins bien, finissent par s’accommoder, mon fils ouvre même un livre. Ils réfléchissent à des plans de rechange pour aller se rebrancher quelque part.

Mais moi je suis comblée. 

La coupure d’électricité est une pause obligée, une panne sur le bord de l’autoroute de la vie actuelle. Je ne peux pas répondre aux obligations administratives et professionnelles toutes plus urgentes les unes que les autres. Je pourrais bien sûr prendre la voiture et m’installer dans un café ou même à la mairie du village. Mais je profite de l’occasion. 

Tout le monde comprendra. 

Et puis le vent continue de souffler, les ardoises et les parasols tombent, les poules s’ébouriffent et la chatte se hérisse, les moutons courent dans tous les sens et les ânes m’appellent, je suis obligée de rester sur place pour veiller au grain. 

On ne sait jamais.

Je me sens à l’intérieur de la panne comme assise dans l’œil du cyclone, la tempête fait rage mais moi, près du feu, protégée d’elle mais surtout du bruit du monde, je lis et j’écris et je savoure. Entre deux bouquins, j’en lirai quatre en deux jours, je fais chauffer de l’eau dans une théière en fonte sur la cuisinière à bois, je cuis quelques surgelés à utiliser d’urgence, je jouis de chaque bûche de bois sec plongée dans le feu. Parfois quelques craintes, un arbre va peut-être tomber sur la maison ou le chemin, mais cela passe vite.

Lovée près du poêle avec un bouquin exceptionnel, L’enfant et l’oiseau de Durian Sukegawa, je me souviens de ces jours d’enfance où, malade, je restais dans mon lit avec une pile de livres et de bandes dessinées, leur odeur de papier neuf me revient sur demande. 

Le monde réel disparaissait dans un bruit de fond de plus en plus assourdi, lointain, pour laisser la place aux mondes imaginaires où j’entrais corps et âme, en oubliant sans peine qu’un jour il me faudrait revenir du bout de la ligne.  

 

Une de nos poules dans la tempête !Une de nos poules dans la tempête !

Une de nos poules dans la tempête !

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