Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

alteregales

L’AVORTEMENT, PARLONS-EN !

par Claire Sibille

publié dans Alterégales

L’AVORTEMENT, PARLONS-EN ...

AVANT QUE L'ON N'EN PARLE MOINS !

 

C’était beau la cérémonie du scellement de l’IVG dans la constitution (malgré une partie des acteurs, dont les principaux …).

Je suis du style à avoir la larme à l’œil dans ces moments-là, j’ai même aimé le discours du président, c’est tout dire !

Mais surtout, soulagement, mes filles ne courent plus aucun risque de vivre ce qu’ont vécu mes grand-mères et ma mère.

Par contre je ne suis pas sûre qu’elles soient à l’abri de ce que j’ai vécu moi.

Qu’ai-je envie de partager à ce sujet, en tant que femme, en tant que psy ?

En tant que très jeune femme, deux avortements, je ne savais pas qu’atteinte d’endométriose j’aurais de toutes façons fait une fausse couche, je l’ai su bien après. Dommage.

Dans les deux cas, compagnon (différent) présent, rien à dire de ce côté-là. Ou plutôt plein de choses sur leur vécu, mais ce n’est pas le sujet.

Acte banal ? Non. Intense réflexion et choix conscient dans les deux cas.

Par contre la deuxième fois je suis tombée sur une gynécologue « pro-vie » qui m’a fait comprendre ma douleur. Curetage sans anesthésie, certaines qui me lisent compatiront, et leçon de morale pendant toute l’intervention, du genre, « comme ça au moins vous ferez plus attention la prochaine fois, c’est vraiment pas sérieux, un deuxième en plus … » (SIC). Certes. Dans ces folles années de jeunesse ne faisais-je donc pas attention ? La pilule faisait partie de ma vie depuis l’adolescence pour cause de douleurs insupportables, dont j’ai appris bien plus tard (après 40 ans ! après X fausses couches !) qu’elles étaient dues à l’endométriose. Je ne savais pas que cette maladie existait, personne ne m’avait diagnostiquée, pas faute d’avoir vu des gynécos. Bizarre, maintenant je m’en passe …

Donc un problème de pilule, ça arrive, et la culpabilisation n’a pas marché. Je ne me suis pas sentie coupable, je savais trop bien qu’il n’y avait pas d’alternative satisfaisante. Ensuite l’endométriose m’a lavée de tout regret inutile, elle a eu au moins ça de bon.

En tant que psy, j’ai accompagné des femmes qui portaient comme une blessure un avortement non choisi, imposé par les conséquences, non accompagné, que ce soit par le porteur du spermatozoïde mais aussi, trop souvent, par la famille. Sentiments d’abandon, de solitude, de culpabilité, tristesse, colère, honte …

Celles qui ne m’en parlent pas c’est, dans le meilleur des cas que je leur souhaite, que ce n’est pas un sujet.

J’ai appris à accompagner ces jeunes filles et ces femmes, dans un vrai processus de deuil à retardement, un peu le même que pour une fausse couche, avec plus de culpabilité. J’ai évité de leur dire « ce n’est rien, juste un œuf », comme j’ai pu me l’entendre dire lors d’une fausse couche par une autre gynécologue tout aussi inspirée que les précédentes, et en tous cas mal à l’aise avec les émotions.

J’ai compris que même si cette liberté fondamentale se devrait de n’être jamais remise en question ni même discutée, elle n’empêche pas les émotions, l’histoire particulière et le contexte relationnel de chacune.

L’avortement est lui aussi un fait bio-psycho-social, qui s’inscrit dans un corps, dans une personne, avec ses émotions et son histoire, et dans une culture plus ou moins patriarcale (jamais pas du tout).

Un élément de réflexion incontournable, c’est que l’avortement ramène la jeune fille ou la femme à une relation, au minimum sexuelle, parfois plus. Et cette relation s’est inscrite dans sa chair. Impossible de faire l’impasse là-dessus sous peine d’être dans le déni et le clivage par rapport au corps.

Ensuite, soit je n’en entends pas parler en séance, parce que ce n’est pas un sujet ou au contraire, parce qu’il il y a encore un clivage, soit il y a ce processus de deuil à faire, et c’est tout à fait entendable malgré mon militantisme affiché.

Accomplir ce processus de deuil, parfois très rapide, une ou deux séances, libère de l’espace pour un futur, avec ou sans enfants, peu importe, mais un futur choisi.

Parfois des personnes pleines de bonne volonté voudraient nier, banaliser, oublier cette étape, qui encore une fois n’est pas obligatoire, pour certaines, l’avortement reste un acte médical « banal ».

Mais ce que j’ai pu constater ces derniers temps c’est que certaines jeunes filles commencent à avoir honte de leurs émotions, c’est un comble ! Elles culpabilisent, non pas de l’avortement, mais de ressentir des émotions alors que c’est une liberté si durement conquise par des générations de femmes, et une impossibilité dans tant de pays au monde. Elles se doivent d’être reconnaissantes et c’est tout !

Alors, est-ce possible de penser et de vivre ce phénomène dans la complexité ? De soutenir l’absolue liberté tout en accueillant les émotions légitimes ? J’ai bien dit en accueillant, pas en dictant.

Ce serait bien de ne pas emprisonner les émotions sous prétexte de liberté … Ça me fait un peu penser à la liberté sexuelle des années 70/80 ce que je dis, là. J’en ai parlé ailleurs, il y a déjà longtemps. Il y avait par exemple cette impossibilité à nommer un viol ou une emprise, sous prétexte de « liberté » durement acquise … Heureuse de voir que le débat s’affiche aujourd’hui.

 

Alors faisons attention de ne pas ouvrir de nouvelles prisons au nom d’une plus grande liberté. C’est un malheureux classique de l’histoire. Je vous laisse avec cette réflexion philosophique …

Le sceau de la constitution, merci Marianne !

Le sceau de la constitution, merci Marianne !

Voir les commentaires

LIRE ET DIRE LE DESIR #WHENIWAS15

par Claire Sibille

publié dans Cette société - c'est la notre ! , Des livres profonds ... comme une psychothérapie ! , Alterégales

"La lecture m’a offert son refuge et soignée dans un lieu protégé, voilé, non partagé, réservé à la plus stricte intimité, inaccessible à l’autre. Donnant les mots. Ouvrant d’autres avenirs possibles dans la brutalité du réel".

Extrait de mon témoignage

Au bord de l’abîme, parler d’amour et de désir ?
Annoncer ses fiançailles lors d’un enterrement, cela ne se fait pas.
Et pourtant, malgré l'état du monde sur lequel je m'exprime aussi, j’ai la joie de vous annoncer la sortie du livre « Lire et dire le désir » initié par Nicolas Mathieu, au bénéfice du planning familial, suite à la censure par Gérard Darmanin du livre « Bien trop petit » de Manu Causse, un livre tendre, plein d’humour, explicite sans vulgarité, destiné à aider les ados dans ce moment difficile où le désir se déchaîne.
L’actualité devenant chaque jour ce qu’elle devient, et les enterrements se multipliant, il n’y aura peut-être jamais de « bon jour » pour rappeler avec d’autres, petites bougies dans les ténèbres, qu’il existe d’autres manières d’être au monde que la violence. Les livres ne protègent pas des bombes, ni des écocides perpétrés par des hommes toujours plus avides, mais ils aident à penser un monde différent. Et ils sont des refuges, aussi, quand le bruit du monde devient fracas.
Et après tout, c’est mon job, en tant que psy et en tant qu’écrivaine, de chercher – et trouver - la lumière du chaos. C’est pour cela que je me suis vouée à l’écriture, dans des essais, des nouvelles, des romans, mais aussi dans des ateliers d’écriture, jusqu’à ce que les mots soient entendus, partagés, validés.
Jusqu’à ce que leur pouvoir transformateur se déploie dans le corps.

JE VOUS RETROUVE POUR EN PARLER LE VENDREDI 17 NOVEMBRE À 18H À LA LIBRAIRIE L'ESCAPADE À OLORON SAINTE MARIE.

Ce beau livre, vendu 10 euros au profit du Planning Familial, sera disponible, ainsi que mon roman et mon recueil de nouvelles.

En fin d'article, après les photos, je vous partage le pourquoi et le comment de ce combat pour la liberté par l'écriture, à travers un résumé des textes partagés au fur et à mesure sur les réseaux, ainsi qu'une note de lecture importante. J'y parle aussi du fonctionnement du traumatisme, et de résilience.

Faites défiler : Toute l'histoire et les acteurs.
Faites défiler : Toute l'histoire et les acteurs.
Faites défiler : Toute l'histoire et les acteurs.
Faites défiler : Toute l'histoire et les acteurs.
Faites défiler : Toute l'histoire et les acteurs.
Faites défiler : Toute l'histoire et les acteurs.

Faites défiler : Toute l'histoire et les acteurs.

C'est pas mal aussi !

C'est pas mal aussi !

LIRE ET DIRE LE DESIR #WHENIWAS15

TÉMOIGNAGE ET RÉFLEXION :

PARTICIPATION AU PROJET "WHENIWAS15" DE NICOLAS MATHIEU

Été 2023 : G. Darmanin censure un livre pour ados, Bien Trop Petit, tendre et plein d’humour, alors que « Captive » une dark romance où les femmes sont humiliées et violées dès la première page, vous pouvez vérifier sans l’acheter, se vend à des millions d’exemplaires à des gamines avec à peine un avertissement et que les enfants ont accès sans réserve à toutes les ressources pornographiques d’Internet. Alors je participe à l’action de Nicolas Mathieu et j'ai aimé lire cet été les témoignages touchants, faisant souvent la part belle à l’importance de la littérature dans « l’éducation sexuelle ». Je reçois suffisamment d’ados en thérapie pour voir l’importance de cette période si difficile à vivre, aujourd’hui comme hier.

Pour aller plus loin  :

La censure de « Bien trop petit » fait écho d’autres censures, aux accents plus graves, de ceux des chants qui entourent les livres que l’on brûle, de ceux qui éveillent une mémoire collective que l’on tente d’oublier. Rien de tel ici, juste l’accès d’humeur d’un ministre qui semble ne supporter que sa propre liberté d’expression. Mais difficile de passer à côté des fantômes qui hantent notre inconscient collectif depuis que le livre existe.

La censure interdit une parole, en cela elle se rapproche des non-dits qui circulent à bas bruit dans les familles. Dans mon témoignage j’ai écrit : il n’y avait pas de mot pour le dire. C’est essentiel. Quand un mot est posé sur un traumatisme, il est une porte ouverte à une validation, à une guérison possible. Quand des mots sont posés sur les embrasements du corps, ils permettent le déploiement du désir, dans l’amour peut-être, mais déjà dans l’accomplissement d’une jouissance qui ne se sent pas interdite.

Amélie Nothomb, qui semble avoir vécu une histoire semblable à celle que je raconte, disait dans un interview sur son dernier livre que la parole de sa mère suite à son viol, ma pauvre petite, lui avait permis d’accepter la réalité de ce qu’elle avait vécu. Sans les mots de sa mère, elle ne se serait pas crue elle-même. Je n’ai pas eu ces mots, car il n’y avait ni témoin, ni personne qui est arrivé « juste après ».

Et les adultes ont la fâcheuse manie, pour beaucoup, d’oublier l’intensité des émotions adolescentes, celles qui peuvent même conduire au suicide. Ils sont capables, ces adolescents, de taire et de masquer, de rire au lieu de pleurer, de faire la fête en excès, jusqu'à se jeter de la fenêtre du sixième étage. Ce sont des Arlequins, cherchant comment apprivoiser les mille couleurs de leurs émotions.

Un ami m'a envoyé une photo de mes 15 ans, une photo de classe. On dirait un fantôme, m'a dit mon compagnon. Il a raison. À part que je ne faisais pas semblant, une partie de moi était un fantôme, la partie agressée, violée, blessée. J’ai mis des années à me croire. Pourtant je le savais. Mais je ne le croyais pas. La dissociation post-traumatique m’empêchait, pour me protéger, d’éprouver ce que ma tête savait.

C’est pour cela que la croyance est aussi importante que le savoir.

Et l’écriture aussi salvatrice que la lecture.

« Bien Trop Petit » se lit comme le journal intime du narrateur. Combien de ces journaux intimes ont permis l’accès à une compréhension de ce qu’il se passe socialement ? L’intime est politique. Le Journal d’Anne Frank n’en est qu’un des nombreux exemples.

Écrire un journal intime m’a permis de traverser l’adolescence. Je n’ai jamais été suicidaire, j’ai toujours trop aimé la vie pour cela et les ressources de l’Enfance ne m’auraient pas permise d’en arriver là. Mais quand même. L’écriture a été un des supports de résilience qui m’ont permis la guérison. Puisque personne ne mettait de mots, je les mettais. Les mots sont tenaces, ils restent jusqu’à ce qu’on les entende. Ils restent jusque dans la voix des fantômes. Alors j’ai dû les réécrire autrement, et les dire aussi, les partager jusqu’à ce qu’ils soient entendus et validés.

Aujourd'hui c'est très loin, c'est comme l'histoire de quelqu'un d'autre, quelqu'un pour qui j'ai beaucoup d'empathie, mais plus aucune souffrance personnelle. C'est pour cela que je me permets de témoigner, depuis plusieurs années, car c'est essentiel, dans tous les combats contre les violences faites aux femmes et aux enfants.

 

Note de l’auteure :

Cet été, j’ai relu Emmanuelle. À 13 ans, je m’étais arrêtée au début du monologue ennuyeux et auto-complaisant de Mario, l’initiateur. Je n’avais pas lu la deuxième partie, dont le côté tourisme sexuel colonial et pédophile est écœurant, bien que largement en-dessous de ce qu’il se passe aujourd’hui. Je ne garderai donc de ce livre que l’accès au désir et au plaisir féminin, avec ou sans les hommes, qui a été un vrai tournant culturel toujours d’actualité, et je jette le reste sans aucune réserve…

 

*************

 

Voir les commentaires

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 > >>