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Pas pleurer ... Charlotte ... Surtout pas

par Marie-José Sibille

publié dans Cette société - c'est la notre !

Je termine - en pleurant - le livre "Pas pleurer" de Lydia Salvayre. Une évocation très intime de la guerre d'Espagne. Le deuil d'un idéal, d'un bref amour solaire aussi forts que la perte d'un très proche. Le temps d'un été plus long que le temps d'une vie. Le temps d'un hiver plus dur que le temps de la mort.

Les gens disent, c'était la guerre d'Espagne, ou quelle époque, ou dans ces pays là c'est comme ça que ça se passe. Ils disent, heureusement que ce n'est pas pareil chez nous, aujourd'hui on vit bien à l'abri, notre démocratie durera toujours.

Ils disent pour les plus lucides, en regardant pousser leur rosier, ou leur enfant, quel privilégié je suis.

J'enchaîne avec "Charlotte", regard sur la vie d'une autre, artiste et morte jeune, assassinée par les nazis. Un livre que je ressens au début plus à distance. Comme une ballade dans les lieux habités par des ancêtres très aimés pour tenter de sentir leur force de vie, et leur souffrance. Comme un regard sur un album photos retrouvé au grenier. Comme un essai de se protéger aussi. Je peux garder cette distance jusqu'à la plongée dans l'art, qui fait trop résonance, jusqu'à la plongée dans l'absurde de sa fin, qui fait trop douleur.
Encore un temps compressé, le temps de la vie de Charlotte.

À l'autre bout, des vies s'étirent comme si elles ne voulaient jamais finir.
Je pense aux mouroirs, tant de vieux n'arrivent pas à s'en évader, je pense au débat sur l'euthanasie, je pense au couple qui se suicide ensemble parce que personne ne veut les aider à finir en entier, voire juste les laisser finir, je pense au film "Amour" d'Haneke.

De retour vers Charlotte, je constate sans grande surprise que l'évocation du délire nazi, et encore plus peut-être celle de la lâcheté veule ou terrifiée de trop de mes compatriotes européens d'alors, me fait autant de mal que quand je l'ai découverte pendant mon adolescence, en regardant "Holocauste" ou en lisant le "Journal d'Anne Frank".

La guerre d'Espagne est finie. Hitler est mort depuis longtemps.
Tout au plus puis-je me demander, comme je l'ai souvent fait pour les autres guerres, comment ma famille a-t-elle réagi à tout cela. Est- ce que je dois avoir honte ou être fière. Et j'ai des envies d'enquête qui me prennent, me rassurer, comment est-ce que j'aurais réagi moi? Peut-être mes ancêtres possèdent-ils un élément de réponse. Mais c'est surtout mon présent qui répond.

La guerre d'Espagne est finie. Auschwitz est devenu un musée.
L'impuissance, l'indifférence, l'allégeance ou au contraire la résistance devant la haine en action, c'est aujourd'hui que ça se passe.

Nourrie de ces deux livres, je pense: rien n'est digéré de l'histoire du 20ème siècle, il y a encore tant à dire, à éprouver, à ressentir.

Et pourtant déjà les cadavres du 21ème siècle s'entassent en d'innombrables murs.

Charlotte, auto-portrait. Voir lien ci-dessous.

Charlotte, auto-portrait. Voir lien ci-dessous.

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Je me souhaite une très bonne année 2015

par Marie-José Sibille

publié dans Le quotidien - c'est pas banal ...

Avez-vous remarqué que les vœux que l'on souhaite aux autres s'adressent d'abord à nous?

L'un qui a été malade ou a vu des proches souffrir vous souhaitera d'abord la santé, l'autre qui a eu du mal à joindre les deux bouts l'argent, l'autre heureux en couple ou au contraire solitaire, l'amour.

J'assume donc, et je m'envoie les meilleurs vœux possibles, en souhaitant que par contagion psychique nous donnions ainsi tous de la vitalité à nos esperances.

Ainsi je me souhaite une année de calme et d'ennui. Une année à zéro événement majeur. Une année ou la pire nouvelle aux infos serait l'échec de la guerre du voisin contre les courtilières dans son carré de salades, ou l'invasion massive de loirs dans le grenier de la voisine.

Mais quelle horreur dirons certains, peut-être les plus jeunes - ou pas. Je rêve de tsunamis émotionnels, de volcans organiques, d'ouragans mentaux, je rêve de fureur et de guerre, de grands voyages et de passions sauvages ...
Et bien plus moi.

Dieu s'essaya sûrement à faire le monde un jour ou il s'ennuyait particulièrement. Je l'envie.

J'aspire à l'ennui comme à une retraite dans le désert.

Un ennui propice à la création d'un univers.

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