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Comment parler d'amour aux enfants ...

par Marie-José Sibille

publié dans On peut choisir sa famille

Comment parler d'amour aux enfants grâce à "La famille Bélier" ...

Et de sexualité grâce à "50 nuances de grey"!

Sortie en famille pendant les vacances de Noël (quelques jours avant C., NDLR).
Objectif : aller voir la famille Bélier et se faire un petit chinois après, le genre de sortie dont vous n'attendez que du bon, de l'affect positif et des émotions nourrissantes (voir même trop grasses, trop sucrées, trop salées).
Sauf que.
La société de consommation n'a pas prévu ça pour nous. Prêts à partir dans un nouvel et sympathique univers familial, nous voyons surgir un couple à l'écran, pas le temps de planquer les enfants sous les sièges, ils sont déjà en train de s'embrasser fougueusement dans un ascenseur.
(Aparté: je n'ai jamais compris le potentiel érotique de l'ascenseur, mais c'est parce que je suis une campagnarde dont la libido suit le rythme de celle des vaches dans le pré d'en face, beaucoup plus horizontal. Et maintenant que j'y pense beaucoup plus proche de la famille Bélier.)
Jusque-là tout va bien, mais je connais la suite et me recroqueville sur mon siège.
Et oui, voilà la jolie fille attachée avec des menottes sur le lit, avec très peu de chances que ce soit parce qu'un gentil policier l'a surprise en train de faire une grosse bêtise (comme rentrer avec une kalachnikov dans la rédaction d'un journal satirique).
Certes mes enfants n'en sont plus, nous sommes passés au stade ados débutants.
Mais quand même.
Le contrôle parental sévissant dans notre famille leur a pour l'instant permis d'éviter les films pornographiques et l'initiation précoce au sado-masochisme.
Que puis-je dire alors?
"Avec tous les traumatismes qu'ils ont vécu dans leur enfance, ils font des choses bizarres", ou encore, "ils ont du mal à ressentir alors ils exagèrent les stimulis nécessaires à leur plein épanouissement sexuel". Là, ils sont en train de roupiller ou de plonger dans leur tablette en se disant "encore maman et son discours psy". Autant leur sortir la phrase culte de la pédagogie à l'ancienne: "vous comprendrez quand vous serez plus grand", dont c'est la variante alambiquée.
Je peux dire aussi, version anxiété maternelle, "elle croit qu'elle doit dire oui à tout ce que lui propose son petit copain malade, j'espère que tu ne feras pas ça ma chérie, mais t'as bien le temps d'y penser". L'idéal pour qu'elle y pense dès maintenant justement.
On peut aussi faire comme si il ne s'était rien passé ... dans un silence obèse.
Jusqu'à ce que le lendemain, une fois l'émotion de "La famille Bélier" un peu digérée : "c'est trop bien, hein, maman, 50 nuances de grey !". C'est votre fils qui en a parlé au collège avec des copains, et il pense être tendance en disant ça.
Les années collège, ou le tombeau de la singularité.
"C'est pas grave ils en verront d'autres", me diront certains d'entre vous. Sauf que les films c'est grave, ça s'imprime, et le sexe trop cru, c'est le tombeau de l'imaginaire érotique.
Mais ce film et sa publicité se veulent soft. Ce qui peut être aussi pervers. Sans provoquer la sidération de la pornographie chez les plus jeunes, puis leur éventuelle addiction, cette publicité, elle est faite pour ça, peut laisser penser que ... Suggérer que ... Très efficace.
Ainsi quand ma fille me demande avec des yeux ronds: "Dis maman, elle aime vraiment ça la meuf?". Dur de faire comme si de rien n'était.
Je pris alors le Seigneur (et tous ses prophètes) qu'elle ne croit pas que pour être "trop stylée" (pour les sans-ado-contact, prononcer sta-ye-lée) - son objectif actuel dans la vie - , il faille absolument se faire attacher avec des menottes par son petit ami.
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Au fait, courrez voir la famille Bélier si ce n'est déjà fait, c'est une merveille.
Mais si vous avez des enfants, trouvez-vous une rue embouteillée qui vous permettra de zapper les bandes annonces!

La famille Bélier, à voir absolument!

La famille Bélier, à voir absolument!

Je ne peux rien en dire, je ne l'ai pas vu ...

Je ne peux rien en dire, je ne l'ai pas vu ...

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Au secours! Charlie m'a gâché les soldes!

par Marie-José Sibille

publié dans Cette société - c'est la notre !

Je m'interroge souvent sur les limites de la compassion.
L'été dernier, harcelée par les mouches dans mon coin de campagne, je croyais avoir touché une frontière. Mais au moment de les tuer, il fallait quand même que je m'excuse, quand je ne me contentais pas de leur ouvrir la fenêtre.
Névrose de culpabilité, empathie, compassion?
Les appels masqués, même si je n'y réponds pas, ont presque réussi là où les mouches ont échoué. Jusqu'à ce que je pense aux burn-outs tragiques et à la souffrance sociale des opératrices cachées derrière le téléphone ...
L'autre jour, une épreuve plus grande que les mouches et les téléopératrices m'attendait. Dans un lieu plurisocial, style école ou supermarché, où tout le monde se rencontre sans différence de religion, race - un peu sexe et classe encore quand même, l'élite blanche masculine s'y réunissant rarement - bref, dans un lieu de ce genre, j'entends deux femmes parler de la marche de Toulouse pour Charlie. Pleine d'enthousiasme je m'approche, n'ayant pu faire "que" celle de Pau, prête à créer du lien autour d'un événement aussi fédérateur. J'entends alors l'une dire à l'autre : "et tu comprends ça a fini par être insupportable, on ne pouvait plus accéder aux magasins du centre, et les bus étaient bloqués". Les bras m'en sont tombés. Aucune leçon de morale. Mais une expérience de stupéfaction, de blanc mental.
Il y a eu beaucoup de réactions de ce genre. Et bien pire.
Ce qui est important pour moi c'est cet étonnement. Encore un mot qui signifie, de même que "stupéfait", ou "sidéré", cette faculté que nous avons à rester interdits, immobiles, sans pensée, semblables à une pierre ou frappés par le tonnerre, face à certains phénomènes.
Quelque chose que l'on retrouve dans le syndrome post-traumatique.
Ou face à la différence de l'autre.
Ce même étonnement qui a fait naître le mythe de la tour de Babel.
Comme nombre de gens, j'aimerai faire durer l'état d'esprit qui a conduit près de quatre millions de personnes à se retrouver dans la rue, et beaucoup plus à se sentir reliées autour d'une envie de tolérance, de fraternité, d'humanité.
J'aimerais faire durer cet état d'esprit comme une ado rêve de voir son premier amour se transformer en grand amour.
J'aimerais le voir durer jusqu'à un vrai changement.
J'aimerai participer à toutes les initiatives formidables qui existent dans notre pays, parfois depuis de nombreuses années. Initiative comme celle de ce rabbin, Michel Serfaty et de cet imam, Azizi Mohammed, qui parlent ensemble aux jeunes dans les quartiers brûlants; initiative comme celle de cette mère de famille, Latifa Ibn Ziaten, qui répond à l'assassinat de son fils par un engagement quotidien pour la paix et la tolérance, là où l'on attendrait l'appel à la vengeance.
Mais voilà: quand j'ai vu la Une de Charlie de mercredi dernier j'ai eu les larmes aux yeux devant ce Mahomet compatissant. Un Mahomet crédible, car rien de moins crédible qu'un Dieu qui renie une partie de sa création ...
Et ne voilà-t-il pas que des journaux occidentaux refusent de l'afficher ?
Que des musulmans la prennent comme une insulte?
Encore ce choc de la différence incompréhensible.
Rationnellement je pourrais vous faire trois conférences sur les raisons psychosociales d'un tel phénomène.
Mais le cœur peine à suivre.
Là où il doit précéder.
La compassion n'est pas seulement le formidable élan qui a mobilisé la grande marche, mais la possibilité de se sentir relié à cette personne-là, si loin de moi, en la regardant au plus près. Elle, et pas sa voisine d'à côté, elle, et pas le groupe auquel elle appartient.
Le changement, c'est que les "caractères d'humanité secondaires" que sont la couleur de la peau, la religion, le sexe ne soient plus importants.
Alors pour les soldes, nous avons jusqu'au 17 février.
Mais jusqu'à quand pour changer le monde?
 

Douze jours après, je suis toujours Charlie, consciente des différences, décidée à croire au changement.

Douze jours après, je suis toujours Charlie, consciente des différences, décidée à croire au changement.

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