Le temps de l’Avent : mais où est donc partie la lumière ?
Le temps de l’Avent : mais où est donc partie la lumière ?
Ça ne vous a sûrement pas échappé, la conférence contre le réchauffement climatique se tient en pleine période de l’Avent. Elle a été précédée à Paris d’un événement ténébreux s’il en est, un acte d’intolérance mortelle à la lumière de l’autre. Le réchauffement climatique est à la lumière ce que le terrorisme est à l'obscurité, une maladie de l'extrème, de l'exclusion de l'autre et du déni de ses besoins.
Comprendre le cycle de l’année et des saisons autrement que par le calendrier des soldes est un signe de bonne santé psychique et sociétale.
Mais je respecte les traumatisé-e-s de la messe de minuit et de ses équivalents juifs, hindous et musulmans[i], je respecte ceux et celles qui ne voient dans l’astrologie que l’horoscope quotidien de madamestella.com, je respecte ceux et celles qui pensent le néopaganisme comme une secte satanique ou comme le délire héroïnomaniaque de quelques hippies survivants.
Alors je vais essayer de faire simple et pas trop mystique …
Dans notre culture, Noël est la fête qui célèbre le solstice d’hiver, de nombreuses personnes l’ignorent, c’est juste un constat quotidien, de même que sont ignorés les autres moments clés du rythme des saisons. Ce calendrier vivant n’est plus transmis dans l’école républicaine et laïque après la maternelle, et le calendrier des fêtes de l'Eglise n’a plus l’impact universel qu’il pouvait avoir dans le passé.
Ne restent que les congés scolaires et la facture d’électricité pour nous parler des saisons.
Et pourtant les nuits rallongent, rallongent, les dépressions saisonnières se multiplient, c’est dur de se lever le matin dans le noir et les poules ne pondent plus. En ville, la lumière artificielle constante veut faire oublier le message de la nature qui nous invite à la simplicité et à l’économie d’énergie. Elles sont belles les lumières de Noël, mais elles en masquent de plus belles encore. En ce moment, la Lune avant l’aube à la fin de son dernier quartier, Vénus accrochée pas trop loin, les mots me manquent pour les dire.
Pendant la nuit du 22 décembre, la nuit du solstice d’hiver dans nos régions tempérées, le soleil va sembler s’arrêter, c’est l’étymologie du mot et la réalité apparente. Va-t-il nous revenir ou nous oublier, nous laissant dans les ténèbres ? L’espérance de l’Avent, c’est que la lumière revienne. Dans le même temps où les chrétiens célèbrent la naissance de Jésus dans la sobriété heureuse de la crèche, les belliqueux romains fêtaient le « Sol Invictus », le soleil victorieux, la lumière invaincue.
Un joli rituel hérité des Pays nordiques nous propose de faire une couronne de sapin et de houx, ces arbres persistants symboles de « ce qui ne meurt jamais », et de poser quatre bougies dessus. Chaque dimanche avant le solstice il faut allumer une nouvelle bougie.
Quatre petites bougies, à la fin des fins, face à la grande obscurité.
La lumière de la bougie ?
La conscience, la chaleur humaine, la solidarité, je veux y mettre le meilleur de moi-même, tout ce qui m’a aidé à ne pas sombrer dans les pires moments de ma vie, face aux traumas les plus violents, aux trahisons les plus douloureuses, aux maladies les plus handicapantes, aux deuils les plus profonds. Je mets tout cela dans mes bougies, chaque année avant le solstice d’hiver, et j’espère que le soleil repartira une année de plus, car qui suis-je pour penser que c’est une évidence ?
Mais l’obscurité est aussi utile que la lumière. Elle nous protège, elle nous contient, elle nous réequilibre, elle garde nos secrets et notre intimité, elle nous permet aussi de nous confronter à nos peurs. En tant que représentante de la mort, elle marque les limites de ce qui sans elle perdrait tout son sens.
Cette obscurité contenante c’est aussi le ventre de la mère, le ventre de la terre, c’est pour cela que de nombreuses fêtes mariales viennent nous soutenir pendant cette période. Les fêtes de la Vierge sont souvent le 8 du mois, l'aspect maternel de ce chiffre se passe de commentaires ! Celle du 8 décembre est célébrée par les chrétiens comme celle de l'immaculée conception. Dans la période du 6 au 14 décembre, les juifs fêtent Hanouka. Ils content alors le miracle d’une fiole d’huile trouvée dans les ruines du temple de Jérusalem, huile qui permit de faire brûler leur lampe sacrée pendant 8 jours ...
Le 8 décembre, les Lyonnais font depuis deux siècles une très belle fête des lumières pour célébrer leur victoire contre la Peste. Cette année en particulier ils sont invités à allumer des bougies ce jour-là, les grandes manifestations étant interdites. Peut-être est-ce un bien, la lumière de la bougie prenant alors la place des néons ?
Dans tous les cas c’est un bon prétexte pour allumer encore une bougie, en soutien avec les victimes des attentats et celles du réchauffement climatique, tellement plus nombreuses mais encore trop lointaines.
Fabriquons des couronnes, allumons des bougies, le 8 décembre avec les lyonnais, le 13 décembre pour la Sainte Lucie, tous les dimanches avant le solstice et bien sûr pendant la nuit la plus longue, en espérant que le soleil revienne au matin.
Et allumons d’autres bougies, pour nous-mêmes cette fois-ci. Des bougies thérapeutiques, des bougies résilientes, des bougies en soutien de nos faiblesses, de nos imperfections, de nos parties fragiles, et de celles encore en souffrance. Des bougies pour se réchauffer, des bougies pour ne plus avoir peur de l’autre.
Allumons une bougie dans la nuit.
Car la bougie porte la lumière comme elle permet l’obscurité. La bougie ne lutte contre rien, elle ne prend rien à personne. Concentrée sur sa tâche, elle promet l'existence de chacun, elle soutient la coexistence de tous.
[i] Les musulmans ne fêtent plus le solstice d’hiver. Ils ont choisi le calendrier lunaire et refusé leurs anciens rituels du solstice comme étant des signes de paganisme. Le calendrier lunaire est aussi intéressant que le solaire, mais on en parlera une autre fois …