DU PREMIER CRI AU DERNIER SOUFFLE. Deuxième partie : Désir de vivre et Contrats de naissance
DU PREMIER CRI AU DERNIER SOUFFLE :
UNE VIE POUR S’APPROPRIER SA NAISSANCE
Deuxième partie : Désir de vivre et Contrats de naissance
Retour sur les stages "Naissance"
Qu’entendons-nous dans les séances et les groupes consacrés à la naissance, à l’accueil que nous avons reçu dans l’humanité, et aux tout premiers liens d’attachement ?[1]
S’approprier sa naissance et son désir de vivre
Beaucoup de personnes se sentent dépossédées de leur naissance, soit par le vécu de leurs parents, en priorité de leur mère, soit à cause du contexte médical tout puissant :
« Ce n’était pas de ma naissance qu’il s’agissait, mais de son accouchement »
« Sa souffrance était telle, que je ne pouvais que culpabiliser et la remercier de m’avoir fait naître »
« Après leur divorce qu’il a très mal vécu, mon père n’arrêtait pas de dire que ma naissance était un accident, qu’ils ne se seraient peut-être pas mariés si jeunes sans cela, et qu’ils seraient encore ensemble »
« Ma mère me racontait que son médecin lui disait qu’elle était une grosse vache qui lui faisait perdre son temps, et il lui a donné une pilule pour accélérer ma naissance »
« Ma mère s’est sentie extérieure aux décisions de ma naissance, elle a subi la césarienne, elle pense que c’était totalement inutile. C’est pour ça que pour mon bébé, j’accouche à la maison, avec une sage-femme. Je ne veux ni homme, ni médecin. Ça arrange mon compagnon aussi, il se sent pas trop prêt pour tout ça. »
« J’étais un trop gros bébé, il a fallu couper ma mère. Elle a eu plein de petits problèmes après son épisiotomie. »
Toutes ces situations assez banales sont des blessures, pour l’enfant comme souvent pour la mère aussi[2], ce qui permet à la psychanalyse de parler de traumatisme de naissance.
Il n’est que de voir les petits oiseaux tombés du nid et les milliers de bébés tortues mangées à la sortie de l’œuf, ou encore se rappeler le nombre de morts concernant des bébés ou des enfants en très bas âge, jusqu’à près de 70% dans certains pays d’Afrique[3], pour se rappeler encore une fois, que Naître est déjà une grande victoire[4] !
Cela explique aussi l’intense culpabilité qui peut parfois se focaliser autour de ce moment, culpabilité affectant la mère ou l’enfant, ou les deux.
Là encore c’est une culpabilité native, que l’on peut nommer « dette de vie », et qui a nourri nombre de mythologies et pensées religieuses. Je considère qu’elle est inhérente à notre humanité, et qu’elle appartient en particulier à la dyade mère-bébé. Bien intégrée, métabolisée, rendue visible et accueillie, elle est à la base de notre empathie et de notre conscience.
Oui, nous avons fait souffrir notre mère en naissant, et parfois même nous l’avons tuée.
Oui nos parents nous font du mal en s’occupant de nous, avec tout leur amour, et toute leur imperfection.
En dehors de ces culpabilités ontologiques, il y a les culpabilités surajoutées par les défaillances parentales, je vais parler ici des plus banales, et non de celles qui causent des traumatismes complexes et des désorganisations majeures de l’attachement et de la socialisation.
« Mon père s’est senti piégé. Ma naissance, c’est devenu sa prison »
« Ma mère a renoncé à ses études pour nous élever. Alors après elle nous a poussé à donner la priorité à notre travail. Du coup, je ne veux pas d’enfants et mon compagnon a du mal à l’accepter »
« J’ai été abandonnée à la naissance, ça a été longtemps comme un vide, une inconnue avec laquelle vivre »
« Je suis le dernier de sept enfants. Ma mère était épuisée, mon père absent, j’ai tout fait pour la soulager, pour m’excuser d’être venu au monde si tard »
« Mon géniteur est un salaud (sic). Heureusement mon Papa, à l’origine mon beau-père, m’a adoptée à ma demande à l’adolescence, et il ne s’est pas opposé »
« Ma mère est morte en me donnant la vie, mon père ne me l’a jamais pardonné. Mais quand je vois comment il a été violent, je me dis que ma mère aurait été malheureuse avec lui, ça me console »
D’autres se sont sentis surinvestis, et dépossédés de la même manière de leur être au monde car tenus d’incarner l’idéal du moi de leur(s) parent(s).
Nous avons ainsi tous à résoudre le conflit inhérent à notre naissance.
Même si nous avons été accueillis de manière la plus positive possible, dramatiser notre venue au monde est une des manières de nous approprier ce défi que représente la vie.
Ce conflit s’exprime chez certains à l’adolescence, ou après, dans une phrase comme : « Mais moi je n’ai jamais demandé à venir au monde ! »
Aucun désir n’est parfait, aucun accueil absolu.
Ceux qui ont été accueillis avec joie auront peut-être beaucoup de mal à se différencier et à trouver leur liberté.
Ceux qui ne l’ont pas été peuvent développer une grande liberté d’être et empathie. Ou l’inverse.
Un désir trop fort qui nous tient sous emprise ou un désir absent, quel est le pire ?
Et les naissances heureuses existent aussi.
Celles qui donnent accès à une vie suffisamment bonne, que ce soit avec ses parents de naissance, avec un seul des deux, ou sans eux.
La plupart d’entre nous a reçu suffisamment d’amour, de parents insuffisants.
A notre tour parents imparfaits, nous essayons de faire passer à nos enfants l’inconditionnalité de notre amour pour eux.
Le fait que nous soyons là, le fait qu’ils existent, montre qu’il y a eu du désir, au minimum le désir porté par le vivant.
Certains, en travaillant sur ces mémoires organiques profondes, peuvent ressentir qu’à un moment ou à un autre ils auraient pu ne pas naître. Mais ils sont là.
Certains enfants abandonnés à la naissance puis adoptés dans une famille où ils rencontrent des parents capables de répondre à leurs besoins peuvent paradoxalement faire ce travail d’appropriation de leur propre désir de vivre très tôt.
Je l’ai rencontré par exemple à travers des simulacres de naissance ou de contacts précoces positifs, initiés par les jeunes enfants au début de leur adoption, qui sont exactement les mêmes que ceux que l’on retrouve dans certaines initiations tribales de même que dans les stages de psychothérapie immersive.
Peut-être ont-ils senti dans la mémoire de leur corps que leur mère avait tenu à leur donner la vie, mais ne pouvait ou ne voulait pas les accompagner plus loin. Mais cette volonté a pu s’inscrire profondément dans la vitalité de l’enfant.
Certains autres au contraire mettront du temps à se sentir désirés et suffisamment aimés, car s’étant à un moment ou un autre sentis jetés comme un objet inutile voire encombrant.
Les contrats de naissance[5]
Un contrat est la façon dont certaines expériences de vie se sont cristallisées organiquement et interviennent, y compris à l’âge adulte, dans notre rapport à la vie et aux autres.
La manière dont nous sommes nés s’inscrit ainsi dans notre corps et peut se traduire en mots.
Un enfant né sous césarienne peut par exemple, mais ce n’est pas une obligation, inscrire dans son corps le contrat « Je n’ai pas de force » car il n’a pas senti sa poussée et la résistance du passage.
Combien de médecins soucieux de partir plus tôt en vacances ont inscrits dans le corps du nourrisson le contrat « Il faut que je me dépêche », ou « Je suis de trop, gênant », ou « La vie est une source de stress » ?
Il y a aussi tous les contrats positifs : « Je sens la présence de mon père qui soutient ma mère », « Je me sens accueilli, protégé, en sécurité dans le ventre de ma mère », « Je peux me détendre, je sais faire face au stress ».
Nous aurons à faire avec plusieurs contrats, souvent contradictoires. Mais si nous nous décidons à travailler ce moment, l’un d’entre eux se présentera comme l’obstacle actuel à dépasser, un autre comme la ressource sur laquelle nous appuyer.
Nous approprier notre désir de vivre, nous approprier enfin notre naissance, cela voudra dire nous appuyer sur notre naissance réelle, telle qu’elle a eu lieu, et telle que seul notre corps se souvient vraiment.
Cela voudra dire aussi l’accueillir telle qu’elle nous apparaît dans notre imaginaire aujourd’hui, pour transformer les contrats difficiles, et nourrir les contrats positifs avec la vie.
Cela voudra dire enfin accéder à notre naissance symbolique, celle où, libres de nous-mêmes, nous nous sentons reliés à la terre et au ciel et responsables de notre incarnation, jusqu’au moment de notre mort.
Alors nous devenons des femmes et des hommes qui protégeons à notre tour la vie, en prenant soin des plus petits, et en cherchant à nuire le moins possible à la Nature, à l’autre et à nous-mêmes.
C’est l’innocence du nouveau-né reconquise de haute lutte, cette innocence qui signifie à l’origine : « Ne pas nuire ».
[1] La première partie de cet article, à lire avant si possible, est disponible ici : http://www.sibillemariejose.com/2016/05/du-premier-cri-au-dernier-souffle-premièrepartie.html
[2] Plus de 300 000 femmes meurent chaque année dans le monde en donnant naissance à leur bébé, source, OMS : http://www.who.int/features/qa/12/fr/
[4] En Astrologie, langage symbolique qui s'adresse à notre imaginaire et peut être très inspirant, la naissance est associée à l’équinoxe de Printemps et au signe du Bélier, qui est aussi le signe des guerriers !
[5] La notion de contrat est particulièrement travaillée et développée par Paul Boyesen en Analyse Psycho-organique, une méthode de psychothérapie intégrative qui insiste sur le lien entre les représentations, les émotions et le corps.
La longue et impliquante formation à cette méthode (quatre à cinq ans) demande à l’étudiant de passer par la confrontation à toutes ces mémoires organiques.
Le stage « Naissance » que j’anime s’inspire de cette approche et d’autres du même courant humaniste dit « psychocorporel », auxquelles j’ai rajouté d’autres influences appelées aujourd’hui Ecothérapie et Ethnothérapie, mais qui ont toujours existé puisqu’elles reprennent les enseignements des sociétés traditionnelles.
J’y ai intégré mes acquis de l’EMDR, en particulier le travail sur les traumas précoces de Kathie O’Shea .