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Altérégales : Ecriture inclusive, « une stupidité sans nom » ?

par Marie-José Sibille

publié dans Alterégales

Alterégales : Ecriture inclusive, « une stupidité sans nom » ?

Aujourd’hui, journée de l’éradication de la violence faite aux femmes, je ne vous parlerai pas de ces adolescentes de 14 ans prostituées par des macs de 16 dans les banlieues où rôdent à nouveau les loups.


Je ne vous parlerai pas non plus de cette gamine de 20 ans défigurée de 26 fractures au visage par son « petit ami » un samedi soir un peu trop arrosé où la violence latente est sortie du bois la gueule pendante  : il a écopé de deux ans de prison dont un avec sursis, c’est-à-dire qu’il est sorti de taule quand elle sortait des soins intensifs. Peut-être sera-t-elle comme beaucoup bannie par la terreur de sa ville de naissance, celle où lui-même pourra se réinsérer dans l’anonymat retrouvé. Elle a suivi une psychothérapie. Lui certainement pas. D’autant plus qu’il n’exprimait aucun remord ni conscience. Peut-être quelques entretiens avec un médecin ou un psychologue ? Trop de monde, pas assez de moyens. Et puis la victime n’est-elle pas toujours un petit peu coupable ? Et dans tous les cas malade ?


Je vous parlerai encore moins de cette femme grise et affaissée, lassée du devoir conjugal qu’elle n’ose appeler viol malgré la brutalité de ce sexe qui l'embroche à six heures du matin, juste avant la sonnerie du réveil qui l'amènera bientôt derrière la caisse de supermarché, après avoir déposé le petit dernier à la crèche et fait le minimum de ménage. Chaque jour, dans cette trop petite surface, elle retrouve la main baladeuse du chef de rayon, ainsi que les réflexions grivoises du petit vieux obsessionnel qui vient acheter sa baguette-pâté et son cubi tous les matins à dix heures, après tout elle est au service du client.


Je ne ferai que nommer ces jeunes filles lapidées parce que coupables d’avoir été violées, ces jeunes filles-mères paralysées face à l’avortement, y compris ceux pratiqués sans anesthésie par des femmes médecins, « pour qu’elles prennent conscience de ce qu’elles ont fait ». Trop souvent encore responsables de « la faute » commise avec les hommes, trop souvent sommées de porter à elles seules le poids de la contraception, celui de la parentalité si elles n’ont pas su ou pu se protéger, celui de l’IVG comme dernier recours aussi. L’amour on le fait à deux, l’avortement toute seule, la plupart du temps.


Je tairai aussi les mutilations sexuelles, et les étudiantes qui se prostituent pour payer leurs études.
 Je passerai sous silence les jeunes femmes sommées de s’habiller en 36 sous peine de n’être plus considérées comme baisables ou même visibles, alors même que leur corps le devient enfin davantage.

J’oublierai le plafond de verre et les murs de pierre qui empêchent l’accès aux postes de responsabilités ainsi qu’à nombre de professions genrées par définition et abus de pouvoir. A peine citerai-je en passant l’infirmière que l’on appelle Céline et le chirurgien que l’on appelle Monsieur le professeur Médard. Je resterai muette enfin sur les salaires inférieurs jusqu’à 50% à études et responsabilités égales dans certaines grandes boites qui font l’honneur de la France. Pour tout cela regardez les organigrammes du service public et les fiches de paye des entreprises. Pour cela regardez ce que vous payez au jardinier qui vient tailler vos arbres, et comparez-le au salaire de la nounou qui garde vos enfants. Vous le saviez depuis toujours non, que tondre la pelouse vaut bien plus que s’occuper de vos enfants ?
Inutile donc d’en faire état.

Non, aujourd’hui je vous parlerai uniquement d’une petite phrase que me répétait depuis l’âge de trois ans, avant même que j’aille à l’école, mon institutrice de grand-mère : « le masculin l’emporte toujours sur le féminin ». 
Je me rappelle de mes révoltes contre cette règle, l’adolescente que je devenais comprenant toute la perversion de cette injonction grammaticale, cachant sous la banalité de la répétition par les petits élèves du cours préparatoire les bases d’une pyramide de pouvoir au sommet masculin et à la base féminine qu’il fallait apprendre par coeur le plus rapidement possible. 
L’état est masculin et jusqu’à il y a peu, dans les courriers officiels, le ministre était enceinte et l’ambassadrice n’était que la femme de l’ambassadeur, sauf dans le milieu de la Haute Couture. N’est-ce pas Madame la Colonelle ?

Comme toujours quand les victimes prennent la défense de leurs bourreaux, les enfants maltraités celle de leurs parents abuseurs, le pire, même si l’on en comprend le processus, est d’entendre certaines femmes elles-mêmes parler de « stupidité sans nom » au sujet du terrain de recherche que constitue aujourd’hui l’écriture inclusive, l’écriture non genrée, l’écriture que l’on cherche à féminiser. 
Or le combat est aussi à ce niveau, et n'enlève rien aux autres cités plus haut : soyons inclusives et pas exclusives !

Elles sont très répandues les femmes pour qui sortir de la domination masculine représente un tel effort que non seulement il n’en est pas question, mais encore nourrissent-elles, chez leurs fils en particulier, la perpétuation de la domination du mâle, à travers ce garçon qui les défendra - croient-elles - de toutes les humiliations et violences subies. 
Et puis il y a les femmes de pouvoir qui ne veulent pas, tellement l’effort pour atteindre le panthéon a été grand, qui ne veulent plus entendre parler de genre ni d’identité féminine, celles qui voudraient castrer autant les femmes que les hommes sous les habits gris du commis de l’Etat … Trop préfèrent Margaret Tatcher à Simone Veil. 
Elles vont dire que le genre est juste culturellement acquis et qu’aucune différence n’existe entre le masculin et le féminin. Ce négationnisme de genre me fait l’effet d’une violence encore plus brutale quand je l’entends exprimer avec un grand intellectualisme par des femmes bardées de diplômes et de réussite sociale au sein de la pyramide masculine dont elles sont alors les meilleurs commises. Elles réclament en effet l’abolition de leur différence. Or ce sont les esclaves qui réclament l’abolition de l’esclavage, les maîtres n’en ressentent jamais le besoin.

L’écriture inclusive n’est qu'un champ d’expérimentation qui parle de liberté et de créativité. 
La langue n’est jamais figée, elle évolue, et il ne viendrait à personne l’idée de parler aujourd’hui comme le faisait Villon, que j’aime beaucoup, dans sa « Ballade des Dames du temps Jadis ». L’étudiante désignait il y a quelques siècles une prostituée qui allait amuser les étudiants. Par contre les autrices étaient bien des auteurs féminins, mot auquel je préfère quant à moi auteure.  Il a été bannie par des années de lutte des hommes et des Académies qui considéraient que l’écriture féminine n’avait pas lieu d’être nommée, et ne pouvait concerner que le journal intime et la lettre à l’amant ou à la fille. 
J’ai moi-même inventé de nombreux mots au hasard de mes écrits, alterégales en est un. Le dernier en date, néguempathie, l'opposé de l'empathie, qui était introuvable il y a quelques années sur le web, doit maintenant traîner quelque part dans un dictionnaire, car les nouveaux mots sortent tout droit de l’inconscient collectif. J’ai entendu à la radio aujourd’hui  pompolluage, nouveau mot créé par une journaliste pour décrire le fonctionnement humain qui consiste à pomper tout ce qu’il peut de la planète pour le recracher immédiatement en pollution. Pompolluage m’a plu, je l’ai adopté.
Alors vraiment, rien ne vaut Stendhal et Zola, que j’aime aussi beaucoup, surtout Zola ?  Bien sûr que si, heureusement ! Que ceux pour qui tout a déjà été dit et écrit, que celles pour qui il ne faut pas toucher une ligne de la lettre du texte, retournent s’enfermer dans leur grotte avec leurs vieux grimoires ou leurs textes sacrés inviolables (eux au moins). 
Nous savons dans notre culture de la psychothérapie combien « trouver les mots pour le dire » est important pour soigner les souffrances, pour abolir les esclavages, pour résilier les traumatismes …. Alors halte à la violence grammaticale faite aux femmes … 
Et si l’écriture inclusive vous paraît lourde et un rien démonstrative, moche visuellement et difficile à encaisser par l’oreille, tant pis. 
Elle ne sont jamais très belles les longues marches libératrices. 
Mais elles sont porteuses d’une énergie nouvelle. Et à l’arrivée nous attendent la créativité, l’ouverture de nouveaux horizons et surtout de nouvelles humanités.

 

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Mais … où sont donc passées les petites bêtes écrasées sur nos phares ?

par Marie-José Sibille

publié dans Le quotidien - c'est pas banal ... , Cette société - c'est la notre !

Mais … où sont donc passées les petites bêtes écrasées sur nos phares ?

L’été dernier sur France Inter une grande bouffée d’enfance en écoutant l’invité, au sujet de la perte massive de biodiversité, parler de ces milliers d’insectes qui s’écrasaient sur les phares et les pare-brises des voitures il y a encore quelques années. 
Je me souviens. On devait régulièrement s’arrêter sur la route des vacances, parfois sans attendre de refaire le plein d’essence, pour les enlever à la raclette. 
Quand j’étais petite, c’était l’occasion de leçons d’entomologie appliquée de la part de mon puits sans fond de science de père. Les plus gros, souvent des papillons de nuit, de gros sphinx à tête de mort, quelques libellules parfois, surnageaient de la bouillie informe des moustiques, moucherons et autres éphémères. Mon père m'ayant appris à les identifier, ils sortaient de la masse. Ils devenaient des êtres sensibles que je pouvais appeler par leur nom.

Plus grande, je ressentais toujours une seconde de désespoir profond en passant l’éponge fournie par la station service sur le phare. 
Et puis je rangeais cela dans la case corvée. 
C’est possible donc, de ressentir de l’empathie pour un être vivant, et puis de croire que c’est normal de le voir mort, que c’est même une corvée qu’il nous incombe de nettoyer.

Comment ai-je pu oublier ? 
Comment une espèce, dix espèces, cent espèces ont-elles pu disparaître de ma vie sans que je ne m’en rendre compte.
Cela fait longtemps - quand exactement ? - que je ne m’arrête plus sur le bord de la route des vacances pour éclaircir le pare-brise et les phares. 
Je crois ressentir qu’il y a eu un temps de transition. 
Et puis plus rien.
Ce paradoxe difficile à vivre qui faisait de chaque joyeux départ en vacances un holocauste annoncé n’existe plus.
Le génocide qui me bouleversait quand j’étais petite au point de me faire haïr la voiture coupable, sans même parler des hérissons et des chouettes, cette extinction massive n’existe  plus chez nous. 
Faute d’insectes à génocider.
Le papillon de nuit sera-t-il le dinosaure du 21ème siècle ?

Depuis une dizaine d’années - un peu plus ? - les buissons fleuris autour de ma  maison se sont vidés des milliers d’abeilles et de papillons qui les transformaient au Printemps en buissons chantants.
Là ça a été dur.
Là je me suis rendue compte.
En parallèle, autour de nous, les champs de maïs rudement aspergés de glyphosate devenaient rouges de honte.

Les insectes et leurs cousines, petites bêtes à mutiples pattes, comme les araignées, ou sans pattes, comme les limaces, n’ont pas bonne presse. 
Bien sûr il y a les papillons et les coccinelles. 
Mais les phobies commencent aux papillons de nuit et aux sauterelles.
Les plus sympas des insectes le sont quand ils sont isolés. 
Ou lointains. 
Un nuage de papillons à l’autre bout du monde, quelle merveille.
Plongez dedans, vous verrez l’effet que ça fait.
Une belle sauterelle verte sur une herbe folle, si vous avez encore la chance d’en avoir quelques unes, ok.
Mais des sauterelles en nuée,  et voici revenu le fantasme des plaies divines.
Les pires peuvent nous paraître horribles, répugnants, envahissantes. Source de fantasmes morbides et sexistes, comme la veuve noire ou la mante religieuse. De raccourcis racistes sommes les cafards.
Ils y a celles qui piquent, il y a ceux qui grouillent, Il y celles qui nous harcèlent, il y a ceux qui bavent.
Guêpes, araignées, cafards, mouches, limaces.
A tuer à cause de leur nature irrécupérable, inutile, nuisible, démoniaque.
Objets privilégiés du dégoût, de la phobie.
De l’opprobre divine.
Très loin de notre nature.
Essentiellement mauvais. 

Fermer toutes les portes de la maison et faire venir un homme qui balancera du gaz partout jusqu’à ce que plus rien ne bouge.

Mon Dieu que vais-je devenir ?
Je ne peux même plus tuer une mouche.

Un champ rouge de honte à côté de chez moi.

Un champ rouge de honte à côté de chez moi.

Le seul insecte dont j'étais phobique à l'adolescence, à cause de sa maladresse, le pauvre ... Je demandais à mon entourage de les attraper pour les relâcher. Il y en avait des tonnes ! Revenez, je n'ai plus peur de vous !

Le seul insecte dont j'étais phobique à l'adolescence, à cause de sa maladresse, le pauvre ... Je demandais à mon entourage de les attraper pour les relâcher. Il y en avait des tonnes ! Revenez, je n'ai plus peur de vous !

Une adorable petite bête sans pattes (et source de nombreuses phobies)

Une adorable petite bête sans pattes (et source de nombreuses phobies)

https://www.franceinter.fr/emissions/la-tete-au-carre/la-tete-au-carre-17-novembre-2017

L'auteur des petites bêtes de la maison, dix minutes passionnantes. 

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