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Faut-il être infidèle? Première partie.

par Marie-José SIBILLE

publié dans La psychothérapie - de quoi ça parle

Le coupleIgor Prejlocage et Natacha Baïz dans le fameux “Ballet des Ciseaux Magiques”

Max Sauze

En ce moment, une publicité pour une voiture est en train une fois de plus d’écraser les limites du mauvais goût : « Avant Noël, changez pour une plus jeune ! » nous propose-t-elle, ou plutôt propose-t-elle aux hommes.

La sexualité est un sujet si banal dans les médias, et qui se vit si facilement par les acteurs des films et des séries ! On peut croire alors que pour « tous les autres », le sexe est sans problèmes ; mais pour chacun d’entre nous, il se trouve qu’il n’est jamais banal. Encore faut-il se demander si c’est vraiment la sexualité qui est en jeu dans l’infidélité. La souffrance qui s’exprime la plupart du temps dans ces situations montre que l’enjeu n’est pas là, ou dépasse cet aspect.

Les mots employés pour décrire l’infidélité ne manquent pas de sel : Adultère, entorse, coup de canif, liaison, aventure, écart, faute, frasque, extra, toujours fidèle au partenaire en cours, mais le cours varie souvent … quelle est votre façon de mettre un peu d’espace dans votre relation de couple ?

Alors commençons par quelques histoires :

-          Le corps du délit : Martine et Jacques se marient très jeunes, encore étudiants, par amour mais aussi sous la pression de leurs familles trop présentes qui veulent que le premier soit le bon. Vers trente ans, laissée de longs mois seule par son mari qui est en déplacement professionnel, Martine a une brève liaison, c’est le mot qu’elle choisit d’employer ; enceinte elle garde l’enfant qui sera étiqueté adultérin. Elle le dit à son mari, c’est le drame. Ce drame repose entièrement sur les épaules de Martine, quels que soient par ailleurs les écarts de son mari, c’est le mot qu’il choisit d’employer. Le divorce leur est impossible, leur vie de couple devient une dramaturgie permanente autour de l’enfant, avec les conséquences que l’on peut imaginer sur le développement de celui-ci.

-          Camarades ne voulant plus partager la même chambre : Rémi et Sylvie sont un couple moderne, camarades et parents : leur sexualité, qui a perdu de son piquant dans ce couple quasi incestueux, se permet une intrusion par l’intermédiaire d’un extra pour l’un et l’autre, extra prévu et accepté des deux côtés. Ils en parlent, essaient de vivre avec, impossible. Ils se séparent. Actuellement les deux familles recomposées, avec des partenaires encore différents, passent souvent leurs vacances ensemble dans une grande harmonie apparente, et peut-être authentique.

-          La clé des champs : Françoise utilise l’adultère pour se séparer de son mari, au grand soulagement des deux conjoints. Pendant un certain temps, elle a attendu avec espoir que ce soit son mari qui rencontre quelqu’un, pour ne pas avoir à porter la responsabilité de cet acte. Ils ne pouvaient se séparer sans infidélité d’un côté ou de l’autre. Mais cela a été très difficile pour cette femme, un vrai sacrifice, tant étaient ancrées en elle la notion de faute, tant étaient présentes les problématiques de loyauté. Malgré le plaisir de sa nouvelle liberté, jamais ressentie auparavant, elle porte encore le poids de cet acte. Elle a d’ailleurs changé de ville, rompant avec tout son environnement familier, pour que cela soit plus facile à supporter. 

-          La femme trompée n’est pas celle que l’on croit : Michel et Aline vivent depuis leurs vingt ans un couple fonctionnel, reliés par le travail, les enfants et leurs familles respectives. Michel entretient presque depuis le début une histoire parallèle avec une maîtresse à laquelle il reste fidèle. L’adultère, et toutes ses conséquences dramaturgiques, a lieu quand il trompe sa maîtresse. Elle se sent trahie, et l’épouse légitime de Michel se sent en danger pour la première fois. La nouvelle est tellement plus jeune que l’épouse et la maîtresse ! Michel parle beaucoup de sa peur de vieillir en séance, et aussi de l’impossibilité de renoncer à ce désir qui lui donne l’impression de commencer une nouvelle vie. L’équilibre et la stabilité de sa vie affective à trois finissaient par l’enfermer, et il manquait du courage nécessaire pour clarifier ses priorités dans la situation elle-même. Il choisit de tout quitter pour vivre avec cette jeune femme, très culpabilisé, et à la fois revendiquant haut et fort son besoin de vivre différemment.

-          Loin des yeux : René surprend un échange de courriels régulier et très amoureux entre sa femme Nadine, et un de ses collègues de bureau. Après vérification, il n’y a rien eu d’autre que cet échange, vécu malgré tout comme une infidélité par son mari. Nadine a exprimé « vouloir un peu de rêve » et « retrouver le sentiment d’être vue en tant que femme ».

-          Le divorce interminable : David et Caroline sont un couple recomposé, chacun ayant deux enfants qui sont grands maintenant. Le divorce entre Caroline et son premier conjoint, le père de ses enfants, n’est toujours pas prononcé. A chaque séance de thérapie de couple, l’ancien mari a une place, plus ou moins grande, en fonction des derniers avatars du scénario du divorce. David exprime son agacement et sa fatigue de voir que cet homme est toujours présent dans leur relation, par exemple en empêchant Caroline de dormir dans certaines périodes particulièrement conflictuelles.

-          Le premier amour n’en finit pas de finir : Sylvie porte en elle la nostalgie de son premier amour d’adolescente, qui revient régulièrement la hanter au moindre conflit avec son mari, qu’elle aime pourtant profondément. Elle a beau savoir que ce premier amour n’aurait débouché sur rien, elle a beau l’avoir revu et exprimé son indifférence envers l’adulte qu’il est devenu, la marque émotionnelle et sensuelle de cette première fois passionnelle n’arrive pas à s’effacer.

Il n’y a que dans le terme d’infidélité lui-même que nous pouvons relier toutes les situations décrites si dessus, et bien d’autres qui peuvent se présenter. Comment alors pouvons-nous imaginer une réponse satisfaisante répondant à toutes les situations d’infidélité ? Voire poser un jugement tel que celui que nous pouvons voir dans certains livres et médias : jugement d’immaturité maintenant, plus que d’immoralité. Cela semble bien prétentieux.

L’infidélité est multiforme. Elle ne signifie pas du tout la même chose en fonction de la structure du couple, en fonction de sa concrétisation plus ou moins grande dans le réel, ainsi qu’à la présence de la loi dans le couple (mariage, pacs, relation non sanctionnée par la loi, …). Elle peut faire autant de mal en n’existant que dans l’imaginaire : ainsi de l’autre fantasmé dans la jalousie de type paranoïaque, ou de l’autre virtuel qui avant venait hanter les rêves et les fantasmes, et se manifeste maintenant souvent par le biais d’Internet.

Le passage au corps est-il indispensable pour parler d’infidélité ? La clinique nous montre que non, quand nous entendons la souffrance de ceux qui n’ont été trahis « que » virtuellement.

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Une voix de plus : ce n’est jamais une voix de trop !

par Marie-José SIBILLE

publié dans Cette société - c'est la notre !

Voix.jpgLa nuit dernière, une de ces nuits de plus en plus sombres de novembre qui nous amène vers la conscience de nos limites , une de ces nuits qui nous entraîne inexorablement vers la nuit le plus longue de l’année, j’ai fait un rêve, ou plutôt un cauchemar.

J’étais sur une grande place, et une manifestation était prévue : une trentaine de personnes étaient réunies autour de quelques barrières rouillées et panneaux déchirés. Ces personnes étaient aussi sombres que la nuit de novembre, vieillies prématurément par le travail corvée, courbées sous le poids de tant de renoncements obligés; c’était des ouvriers, des agriculteurs, c’était des hommes, des femmes et des enfants ; c’était des gens tellement habitués au mensonge qu’ils ne peuvent plus croire personne ; mais des gens restés suffisamment humains pour résister encore, même en si petit nombre, en s’appuyant sur leur rage.

Tout autour d’eux, c’était la fête : les gens préparaient Noël avec deux mois d’avance. C’était une hystérie de consommation, de publicité, de vide recouvert de paillettes qui détruisait tout sur son passage. J’étais à l’extérieur, je regardais. Les lumières de Noël ne me rendaient pas gaie, loin s’en faut. Je voulais rejoindre les manifestants mais une sorte de paralysie me retenait, un sentiment d’impuissance, d’à quoi bon : autant en finir le plus vite possible.

La psychothérapeute recherche toujours ce qui dans sa vie personnelle peut faire écho à un rêve, c’est même la priorité. Là, je n’ai rien trouvé, sinon je ne me serais pas permise de le partager avec vous. Ce rêve est juste l’écho de mes préoccupations actuelles sur le devenir de notre collectivité humaine. Les médias, même ceux auxquels je continue d’accorder quelques crédits comme France Inter, ont l’air de rejoindre sans coup férir la paralysie dominante. Ce matin, par exemple, le ministre de l’Agriculture y disait n’importe quoi, mais il le disait bien, avec l’assurance de ceux qui font partie de l’élite et qui savent que leur fin de mois n’est pas remise en question ; avec l’ignorance de ceux qui, totalement mobilisés par leur quotidien surchargé, ne prennent pas le temps de penser à d’autres alternatives possibles, de rêver le monde qu’ils laisseront à leurs enfants. Barak Obama ? C’est fini, sa baguette magique n’a pas réussie à changer le monde en deux ans. Vive les dirigeants chinois et leurs contrats commerciaux, on ne va pas en plus les embêter avec les droits de l’homme. « Toujours plus de la même chose ! », proposent nos politiques, gauche et droite confondues, histoire d’aller encore plus vite se fracasser contre les limites de notre planète. La solution pour l’Agriculture ? Plus de rentabilité bien sûr, à quel prix ? Surtout pas le local et le bio, trop simplistes, trop archaïques pour plaire à nos grands hommes.

Mais l’archaïque, comme nous le savons en tant que thérapeutes psycho-organiques, ce n’est pas uniquement le passé, celui du nourrisson, mais c’est surtout la force vitale. Si on l’oublie, on finit par mourir, plus ou moins vite, que ce soit dans la violence ou dans la paralysie.

Les nuits de novembre ne veulent pas nous entraîner vers la nuit obscure de la destruction du monde, mais vers la nuit féconde de l’intériorité, de l’intimité.

La lumière du solstice d’hiver qui éclaire Noël, ne signifie en rien la lumière électrique des guirlandes et la frénésie provoquée par les boutiques étincelantes.

La lumière de Noël ? C’est une bougie qui s’allume dans la nuit la plus longue de l’année ; c’est la chaleur, au mieux, d’un feu de cheminée autour duquel on se réunit ; c’est l’élan du cœur vers les plus démunis, pas dans le sens d’une charité toujours mal ordonnée, mais dans la certitude de la solidarité et de la simplicité : nous sommes TOUS des êtres démunis face à la nuit, face à la mort. Nous sommes tous démunis face aux défis actuels de notre monde.

La lumière de Noël, c’est une petite voix qui prend sa place : la voix d’un enfant. L’origine du mot enfant signifie : « celui qui n’a pas accès à la parole ».

Dans mon métier, l’accès à la parole de ceux qui n’en ont pas est un objectif prioritaire.

La voix dont je parle n’est pas seulement celle du vote : ce n’est pas une voix qui se donne au plus offrant. C’est une voix qui se prend, puis qui se partage, pour trouver ensemble de nouveaux chemins. Ils existent.

Ce sont des mots qui prennent corps dans une parole collective non pas clinquante, mais lumineuse et forte ; c’est le corps trop longtemps méprisé, celui des enfants, celui des femmes, celui des travailleurs et celui de la Terre, qui se met en mots, qui prend parole.

Dans le cœur des hommes, chaque voix compte : une voix de plus ? Ce n’est jamais une voix de trop !

 

 

 

 

 

 

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