Quelle heure est-il Madame Persil ? DEJA TROP TARD MADAME PLACARD !
Quelle est cette heure que nous avons gagnée le week-end dernier avant de la reperdre au Printemps prochain ?
Les enfants la détestent, car ils n’y comprennent rien.
Les jeunes s’en foutent par définition, et la détestent par définition : elle est le produit abstrait d’un monde qui vampirise leur image et leur énergie mais ne leur donne aucune place.
Les adultes la détestent car ils doivent faire semblant de la comprendre, voire de la justifier pour de sacro-saintes raisons économiques, alors qu’ils n’y comprennent rien.
Les nourrissons la détestent sans le savoir, et les vieillards sans y pouvoir quoi que ce soit, car elle dérègle les besoins fondamentaux, le sommeil, le manger, et le système immunitaire.
Ainsi va le temps bizarre de la montre, capable de rajouter une vingt-cinquième heure, ou d’en escamoter une autre, sans changer quoi que ce soit à notre temps de vie.
Peut-être alors une occasion de s’interroger sur le temps qui passe ?
Etre vieux : se noyer dans le passé, et ne plus pouvoir s’imaginer de futur autre que la mort.
Etre jeune : fuir à tous prix le passé, et s’imaginer sans cesse un avenir glorieux.
Etre vivant : se souvenir de l’instant présent, imaginer le temps qui passe ; se souvenir pour s’incarner et partager, imaginer pour donner du sens et de la densité.
Réinventer le passé, nous le faisons sans cesse, se souvenir du futur, car nous en portons déjà la graine. C’est quelque chose que de sentir le temps couler fluide et dense à l’intérieur de soi comme une eau lourde, chargée d’énergie vitale ; comme une eau profonde chargée du pouvoir de l’oubli ; comme une eau vive porteuse d’une conscience libérée du tic-tac de la pendule. Arrêter une goutte de ce temps qui s’écoule, parfois comme un ruisseau tranquille, parfois comme un fleuve en crue, parfois comme un torrent qui hoquète, parfois comme un tsunami destructeur, arrêter une goutte et la regarder glisser au creux de sa main. Juste avant que le fleuve n’atteigne l’océan.
Alors elle peut paraître ridicule cette petite heure perdue ou gagnée, décrétée par quelques messieurs sérieux devant leurs colonnes de chiffres. Ridicule, sauf si elle arrive à stopper notre course un instant, pour réfléchir au temps qui passe, pour sentir le temps qui s’écoule, pour aimer le temps partagé.