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NI GRONDER, NI OUBLIER DANS UN COIN

par Marie-José SIBILLE

publié dans On peut choisir sa famille

enfant au coinNous pouvons nous souvenir de notre enfance comme d’un pays proche ou exotique, comme d’un voyage calme ou mouvementé, dont nous avons rapporté quelques films et quelques albums photos.

Mais se souvenir vraiment de son enfance, c’est rester en contact mental, affectif, organique avec l’enfant que j’étais, que je suis encore quelque part en moi.

Oublier dans un coin cet enfant est le plus grand obstacle à l’émergence de l’adulte, du parent, de l’éducateur.

Cette empathie intérieure, si importante à cultiver, est une des clés essentielle de la Psychothérapie, une de celles que la nouvelle loi sur les psychothérapeutes ignore totalement en ne reconnaissant pas le travail sur soi comme l’un des invariants incontournables de notre métier.

Quand cette empathie envers soi-même est activée, elle permet de comprendre les besoins de l’enfant que j’ai en face, ou à côté de moi. Ses besoins de douceur et de force, de repères et de liberté ; le besoin qu’on lui montre comment faire ; le besoin d’être accompagné pas à pas, plutôt que d’être « grondé », ou oublié dans un coin ; fut-il, ce coin, habité par la télévision ou un jeu vidéo.

Rester en lien avec l’enfant à l’intérieur de soi ne veut pas dire ne pas être adulte, au contraire. C’est peut-être même le signe que l’adulte est enfin là. Car l’adulte n’a plus peur de l’enfant à l’intérieur de lui. C’est le faux adulte, l’enfant mal vieilli qui a peur de l’enfant en lui, et des comptes que celui-ci pourrait lui demander. Cette « grande personne » que nous croisons si souvent au travail, à l’école, et dans notre miroir le matin, cet être souvent dépressif et activiste à la fois, a gardé de l’enfance l’immaturité et l’inconscience ; il en a gardé la soumission aveugle aux pouvoirs en place ; mais en a perdu les rêves, les possibles, la soif d’apprendre, l’innocence et l’émerveillement.

Ce faux adulte là ne pourra pas transmettre autre chose que ce qu’il est. Moins bien soutenu par le tissu social que dans le passé, il oscillera entre laxisme, abandon et répression, en bon miroir de notre politique actuelle.

Car il faut bien le dire, la plupart des parents essaient de survivre aujourd’hui dans une société qui leur demande toujours plus, toujours plus vite ; et il est difficile, voire impossible dans certains cas, de faire ce retour sur soi, cette régulation émotionnelle et relationnelle quotidienne, encore plus indispensable je trouve que les 50 abdos et les 5 fruits et légumes par jour que nous recommandent les pouvoirs médicaux.

C’est difficile quand la crise, le chômage, le divorce, la pression pour toujours plus de consommation avec toujours moins d’argent nous harcèlent quotidiennement.  

Peut-être nos enfants sont-ils une occasion justement de dire enfin non à beaucoup de choses inutiles ; une occasion de grandir, et de choisir.

Pour cela, il faut s’arrêter un jour sur le côté de la route et faire le point.

Avant d’être grands-parents.

Nos enfants nous attendent.

 

 

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Je suis comme un camping au mois d’août

par Marie-José SIBILLE

publié dans Le quotidien - c'est pas banal ...

Kali 01 

C'est la rentrée, et je me sens comme un camping au mois d'août: j'affiche "COMPLET".

Les choses à FAIRE impérativement s’accumulent, sous peine de :

-         finir en prison ou de payer cher pour une tonne de papiers administratifs non rendus à temps.

-         passer pour une mère indigne qui n’a pas pris le temps de remplir la fiche de l’école, toujours la même depuis le début mais il faut quand même la refaire chaque année, fiche indispensable en cas de drame prévisible en milieu scolaire ; scolaire donc hostile.

-         vivre des crises de culpabilité nocturnes intenses pour cause de devoir écologique et civique non encore concrétisé du style : quand est-ce que tu vas enfin concrétiser ce combat pour une cantine bio ? pour le vélo au village ? pour les bus scolaires au GPL ?

-         voir les panières à linge déborder, les poubelles s’accumuler, le frigidaire se vider toujours trop vite.

-         me demander pour la énième fois quand est-ce que l’un ou l’autre de nous va enfin se charger de faire réparer : la (les) fuite(s) d’eau, la (les) carreau(x) cassé(s), le téléphone qui ne marche plus depuis trois mois, la boîte aux lettres qui ne ferme plus, la voiture qui a perdu son pare-chocs … 

-         ne plus prendre le temps d’être belle, d’être femme, d’être gaie, de chanter, de danser.

-         avoir en permanence en tête l’image de Kali, la déesse aux cent bras, et trouver que ce n’est pas encore assez.

 

Vit-elle toute seule cette pauvre femme vous dites-vous sûrement à la lecture de ces lignes ?

Bien sûr que non : j’ai un mari au top, qui a compris, il ne s’est même d’ailleurs jamais posé la question, qu’on pouvait être un homme en partageant 50% des tâches ménagères, éducatives, administratives et autres de la maison.

Alors ?

Et bien il se trouve que dans notre société, pour un couple, avoir deux emplois, une maison en cours de construction, trois enfants, quelques animaux (assez gros les animaux), et un millier de passions, sans parler des amis et de la famille tant aimés, c’est prendre le risque d’être happés dans la consommation frénétique sensée faire gagner du temps, le risque du toujours plus d’actions pour essayer de remplir un gouffre, celui des « CHOSES A FAIRE IMPERATIVEMENT » qui ne sera jamais comblé ; c’est prendre le risque de ne plus avoir le temps de sentir et respirer sa vie, de ne plus pouvoir développer une conscience politique, alors que le « vivre ensemble » souffre autant dans notre société ; c’est prendre le risque, noyés dans les mille et uns devoirs, étouffés dans les mille et une loyautés, de ne plus être, de ne plus créer, de ne plus vivre pour l’essentiel.

 

Mais je suis « psy » me direz-vous. Et plus exactement, j’y tiens, psychothérapeute[1].

Les psychothérapeutes n’ont-ils pas acquis, dans leur souvent difficile parcours, cette maturité intérieure qui permet de préserver l’essentiel, cette sagesse qui permet de méditer au cœur de l’orage, de rester zen alors que les pulsions, les émotions, les injonctions, les pressions se déchaînent tout autour ?

Certes.

Je pense avoir acquis surtout l’humour qui permet de s’arrêter à temps.

Alors, je peux :

-         penser que j’ai la chance, et aussi le mérite, d’avoir une profession bâtie sur mesure que je peux adapter mois après mois aux divers autres terrains de jeux de ma vie.

-         remercier le ciel tous les jours de devoir gérer l’abondance plutôt que subir la pénurie.

-         regarder un oiseau qui passe avec une châtaigne dans le bec et éclater de rire avec mes enfants, car je vis dans un lieu où il y a encore des oiseaux et des châtaignes, plutôt que des rats et des canettes de bière explosées.

 

Je peux m’asseoir au milieu de la foule qui avance, poussée vers la mort aux cris belliqueux de : « Travaillez plus ! Consommez plus ! Mourrez plus vite qu’on ait moins de retraites à payer ! ».

Nous sommes de plus en plus nombreux d’ailleurs, à nous asseoir dans cette foule.

A partir d’un certain seuil, la marée s’inversera, j’y crois.

Et ce sera, c’est déjà, une grande marée d’équinoxe.

 

 

 



[1] J’ai expliqué pourquoi dans une autre série d’articles : « Psychothérapeute ni plus ni moins 1 et 2 », et j’y reviendrai dans une troisième partie.

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