Aujourd’hui, 11 mai 2020, prenez le temps de (re)naître !
Aujourd’hui, 11 mai 2020, prenez le temps de (re)naître !
Article dédié particulièrement à mes fidèles abonné.e.s, certain.e.s depuis l’origine.
J’ai plongé tellement profondément dans la matrice du confinement, et une part essentielle de moi a été si heureuse de le vivre, que je n’ai même pas publié d’article dans mon blog, ce qui est inhabituel.
Alors sortir brutalement du ventre de maman parce que le gyneco a prévu un week-end à Chamonix, sûrement pas ! Ni césarienne, ni pilule accélératrice, on va faire naître le nouveau monde en douceur.
Je précise tout de suite que je sais faire partie des privilégiées et j’ai été en contact avec les situations beaucoup moins marrantes que la mienne, c’est pour cela que je suis contente malgré tout que l’école puisse reprendre et que la violence puisse se défouler en dehors du huis-clos familial puisqu'il faut qu’elle se défoule.
Mais les privilégiés ont aussi le devoir et le droit de s’exprimer et quant à moi :
- J’ai finalisé mon premier roman et j’ai accéléré mon changement de prénom en faisant naître « Claire » avant l’heure prévue, celle de la parution du premier livre sous ce nom.
- Je me suis gorgée de nature.
- J’ai assisté à la naissance d’un petit poussin le jour des 18 ans de ma fille, magique. Il va très bien et ses deux mamans aussi.
- J’ai confirmé que je ne voulais pas me séparer de mon compagnon, même dans une situation de dystopie. Nous vivrons donc la phase « Winter is coming » de l’humanité ou plutôt « Summer is coming » ensemble ! (Pour celles et ceux qui ne comprendraient rien à ce paragraphe, vous avez le droit, c’est une allusion à la série culte « Game of Thrones »).
- J’ai quand même beaucoup travaillé mais sur des projets nouveaux et j’ai validé avec moi-même tous les changements professionnels initiés ces derniers mois.
Bon c’est pas mal !
Je n’ai pas plus envie de revenir en arrière, ou de reprendre « comme avant », que je n’ai envie de retourner à la FAC ou avec mon premier petit ami ou dans mon école de psys ou… Vous avez compris.
Mes désirs de consommation qui avaient déjà fortement diminué dans les années passées sont en chute libre. J’ai même trouvé amusant de me faire couper les cheveux deux fois de suite par mon compagnon et ma fille, et de me faire une couleur au henné maison. Quand j’aurais des enjeux publics importants, il sera toujours temps de revenir chez le coiffeur.
Reste les incontournables :
- Les livres, les abonnements musique, ciné et Internet.
- Les besoins de la vie à la campagne : par exemple nous avons changé la brouette de mon père qui avait 40 ans ! Il doit bien rire là-haut (ou là-bas).
- La nourriture : évidemment avec trois grands ados/jeunes adultes, la salade de pissenlits, la soupe d’orties et l’omelette aux asperges sauvages n’allaient pas suffire, surtout pour le fils il faut dire.
Mais tout le reste ?
Alors j’ai envie d’une douce sortie du ventre du confinement. D’une naissance sans trop de douleur, dans le respect des rythmes et du temps intérieur.
Beaucoup de femmes ont gardé le contact avec cette part « recluse » vécue régulièrement grâce au cycle menstruel. Certaines peuplades ritualisent même le retrait social en temps de règles, et pas toujours comme contrainte, plutôt comme un temps « sacré », c’est-à-dire un temps autre, « séparé » du quotidien, c'est le sens étymologique. C’est la liberté pour ces femmes de pouvoir se retirer de la relation avec l’homme et du rapport de force qu’elle représente trop souvent. C’est la liberté de pouvoir se retirer du temps contraint du travail et de l’entretien du foyer pour exprimer d’autres aspects de la féminité. D’autres femmes se sont recluses pour pouvoir écrire aussi, dans une société qui ne laissait la parole que dans la bouche et entre les mains des hommes.
Alors pour celles et ceux qui ont eu le privilège de vivre ce bel aspect du confinement, pour celles et ceux que la maladie, la violence ou la mort ont épargnés, prendre le temps, c’est la moindre des choses.
Prendre le temps de ne pas perdre tout ce qui s’est construit dans les 55 jours que nous venons de vivre c’est peut-être la meilleure manière de participer solidairement au monde.
Ce monde qui n’est plus d’après mais d’aujourd’hui.