NI GRONDER, NI OUBLIER DANS UN COIN
Nous pouvons nous souvenir de notre enfance comme d’un pays proche ou exotique, comme d’un voyage calme ou mouvementé, dont nous avons rapporté quelques films et quelques albums photos.
Mais se souvenir vraiment de son enfance, c’est rester en contact mental, affectif, organique avec l’enfant que j’étais, que je suis encore quelque part en moi.
Oublier dans un coin cet enfant est le plus grand obstacle à l’émergence de l’adulte, du parent, de l’éducateur.
Cette empathie intérieure, si importante à cultiver, est une des clés essentielle de la Psychothérapie, une de celles que la nouvelle loi sur les psychothérapeutes ignore totalement en ne reconnaissant pas le travail sur soi comme l’un des invariants incontournables de notre métier.
Quand cette empathie envers soi-même est activée, elle permet de comprendre les besoins de l’enfant que j’ai en face, ou à côté de moi. Ses besoins de douceur et de force, de repères et de liberté ; le besoin qu’on lui montre comment faire ; le besoin d’être accompagné pas à pas, plutôt que d’être « grondé », ou oublié dans un coin ; fut-il, ce coin, habité par la télévision ou un jeu vidéo.
Rester en lien avec l’enfant à l’intérieur de soi ne veut pas dire ne pas être adulte, au contraire. C’est peut-être même le signe que l’adulte est enfin là. Car l’adulte n’a plus peur de l’enfant à l’intérieur de lui. C’est le faux adulte, l’enfant mal vieilli qui a peur de l’enfant en lui, et des comptes que celui-ci pourrait lui demander. Cette « grande personne » que nous croisons si souvent au travail, à l’école, et dans notre miroir le matin, cet être souvent dépressif et activiste à la fois, a gardé de l’enfance l’immaturité et l’inconscience ; il en a gardé la soumission aveugle aux pouvoirs en place ; mais en a perdu les rêves, les possibles, la soif d’apprendre, l’innocence et l’émerveillement.
Ce faux adulte là ne pourra pas transmettre autre chose que ce qu’il est. Moins bien soutenu par le tissu social que dans le passé, il oscillera entre laxisme, abandon et répression, en bon miroir de notre politique actuelle.
Car il faut bien le dire, la plupart des parents essaient de survivre aujourd’hui dans une société qui leur demande toujours plus, toujours plus vite ; et il est difficile, voire impossible dans certains cas, de faire ce retour sur soi, cette régulation émotionnelle et relationnelle quotidienne, encore plus indispensable je trouve que les 50 abdos et les 5 fruits et légumes par jour que nous recommandent les pouvoirs médicaux.
C’est difficile quand la crise, le chômage, le divorce, la pression pour toujours plus de consommation avec toujours moins d’argent nous harcèlent quotidiennement.
Peut-être nos enfants sont-ils une occasion justement de dire enfin non à beaucoup de choses inutiles ; une occasion de grandir, et de choisir.
Pour cela, il faut s’arrêter un jour sur le côté de la route et faire le point.
Avant d’être grands-parents.
Nos enfants nous attendent.