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La communication bienveillante, ce n’est pas « naturel » !

par Claire Sibille

publié dans Cette société - c'est la notre ! , Le quotidien c'est pas banal ! , On peut choisir sa famille

La communication bienveillante, en famille comme entre amis, ce n’est pas « naturel » !

 

En ce moment les réseaux et les échanges normaux fourmillent de conseils pour ne pas pourrir le réveillon en famille avec les sujets qui fâchent (tous), si vous avez décidé de le faire malgré les injonctions à rester chez vous, le plus seul.e possible.

La communication est une ascèse, elle n’est pas naturelle.

Chez les animaux elle est ritualisée, non seulement par l’instinct mais aussi par l’apprentissage.

Chez l’homme elle s’acquiert petit à petit, d’abord dans les échanges avec les figures d’attachement, en général les parents, puis dans les expériences sociales, en couple, en famille. C’est vraiment une erreur de croire que l’on communique « naturellement », comme on va aux toilettes ou qu’on éternue. Or une grande partie d’entre nous le fait ainsi, sans réflexion préalable.

Nombre de civilisations et sociétés ont instauré des rituels pour mieux communiquer.

Chez nous pendant longtemps, l’éducation nous a appris la politesse, le respect et la soumission à l’autorité comme bases de la vie en société. Les rapports de dominance, qu’ils soient entre parents et enfants, chefs et subalternes, hommes et femmes, humains et animaux, régissaient notre vie quotidienne. Nous avons donc appris à nous taire, et à attendre d’être adulte voir âgé, pour avoir le droit de l’ouvrir enfin et se venger sur la génération suivante de tout ce que l’on a subi et réprimé en soi. Cette éducation a fait son temps en théorie, mais pas grand-chose ne l’a remplacée sauf dans des milieux très privilégiés (je ne parle pas d’argent mais d’humanité), comme cela a toujours été le cas. Les réseaux sociaux et les modèles politiques qui nous sont en général proposés font figure de norme de communication, et reprennent le pire de ce qu’Alice Miller appelait « Pédagogie noire ». La famille reste donc le lieu privilégié du défoulement face aux pressions sociales que nous devons supporter. Les humeurs, les injonctions, les coups de gueule, tout nous sera pardonné dans ce lieu chaleureux et sécure. Le « savoir-vivre », le « savoir communiquer », ou le « savoir être ensemble », ne se posent que rarement comme une nécessité.

Et si le grand-père ou la cousine continuent malgré « l’esprit de Noël » à critiquer votre tenue, votre vie sentimentale ou le boulot que vous avez accepté, sans parler de votre écolo-véganisme ou de votre décision de vous faire ou non vacciner, ils n’ont la plupart du temps même pas l’impression de vous agresser. Ils s’expriment, tout simplement. Ils voient tous les jours dans les médias des modèles avérés de manipulation, culpabilisation, chantage affectif, ridiculisation, humiliation, jugement, déni… Pourquoi se conduiraient-ils autrement ?

Et si vous réagissez, vous risquez d’entendre « ah ce que tu es susceptible toi alors ! », ou encore « je ne te pensais pas si fragile ».

Oui, la communication bienveillante nécessite un vrai recul, non seulement par rapport à soi, mais par rapport à la majorité des modèles sociaux et éducatifs qui nous sont proposés.

Dans les groupes et les formations que j’anime, je propose de se rappeler une règle de communication simple, la règle des « 3 NI » : ni interprétation, ni jugement, ni conseil. L’interprétation est une intrusion dans la vie de l’autre. Le jugement une exclusion, une rupture du lien. Le conseil un abus de pouvoir, même nourri des meilleures intentions.

S’entraîner à communiquer sans utiliser ces trois biais n’est pas une mince affaire. C’est pour ça que la meilleure réaction face au besoin d’expression d’une personne est souvent… de se taire ! Et de lui montrer votre écoute inconditionnelle et votre empathie par un contact chaleureux.

Et si votre interlocuteur exprime une opinion qui vous révolte ? Se rappeler que l’opinion même la plus révoltante s’appuie sur un besoin, en général une peur, qui n’a pas été prise en compte.

Aujourd’hui il n’y a pas de plus grande liberté possible que d’arriver à affronter et à vaincre ses peurs, même les plus angoissantes : la peur de la maladie, de l’effondrement de la société, de la guerre, de l’invasion, de la pauvreté, de l’exclusion et la pire, la peur de la mort. Elles sont nombreuses et utilisées à qui mieux mieux par les gens supposés nous gouverner mais qui en fait nous « dirigent », c’est-à-dire, étymologiquement, nous « mettent en ligne ».

Si face à une agression verbale vous arrivez à contacter la peur de la personne qui s’exprime, peut-être arriverez-vous à parer le coup grâce à l’empathie. Peut-être arriverez-vous même à reformuler ses paroles pour être sûr d'avoir bien compris, et aussi peut-être pour lui donner une chance de revenir dessus.

Et si c’est vous l’agresseur ? Se rappeler que ce n’est pas parce que quelqu’un ne dit rien qu’il n’a rien à dire. Et peut-être faire le premier pas si vous avez conscience d’avoir lâché la pression sans considération pour l’autre.

Le pouvoir magique de la phrase : « Je te prie de m’excuser si je t’ai blessé.e et je te propose d’en parler », est infini.

S'entendre avec nos différences

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