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FAUT - IL DIVORCER POUR ETRE HEUREUSE?

par Marie-José Sibille

publié dans Alterégales

                            FAUT - IL DIVORCER POUR ETRE HEUREUSE?

L’amour est-il insoluble dans la vie à deux ?

Si les femmes arrêtaient de :
- Vouloir être parfaites (la mère de famille nombreuse menant une grande carrière toujours prête pour donner un coup de mains aux amies et aux associations du quartier et de parents d’élèves super sexy toujours prête pour faire l’amour entre deux SMS) ;
- Vouloir que leur compagnon ressemble exactement à l’image qu’elles ont dans la tête (je vous la décris cette image ou ce n’est pas la peine ?) ;
- Vouloir que TOUT SOIT DIT, parce que sinon la relation sent mauvais (selon elles) comme une poubelle qu’on aurait oublié de sortir ;

Si les hommes arrêtaient de :
- Vouloir que tout soit dit UNE FOIS POUR TOUTES, car quel besoin de revenir là-dessus sans arrêt ;
- Vouloir faire des enfants à leur femme (ou ne pas réaliser qu’un spermatozoïde plus un ovule ça fait parfois un bébé, pris qu’ils sont dans l’action), et ne pas supporter qu’après elle ressemble à … une mère (et pas forcément LEUR mère mais ça c’est déjà bien compliqué) ;
- Vouloir que tout ce qui est dit soit traductible en micro-problèmes, ayant tous une solution immédiatement applicable, ET SURTOUT PAS traduit en sentiments et en besoins.

Et bien la vie de couple serait plus simple bien sûr. Et les hormones ne seraient pas ce qu’elles sont.
Mais si c’est pour vivre avec soi-même comme reflet, reflet qui devient avec l’âge le reflet de notre mère, puis de notre grand-mère … (bon, vous avez compris je pense). Alors nous continuons à tester la différence, et c’est pour ça que nous essayons de vivre en couple.

Peut-être aussi y-a-t-il des âges de la vie où c’est pas trop possible de vivre en couple ?

Par exemple :

- Entre 0 et 10 ans parce que la loi l’interdit (en France) ;
- Entre 10 et 20 ans parce que l’on vit chez ses parents, et que l’adolescence c’est déjà bien assez compliqué comme ça ;
- Entre 20 et 30 ans parce qu’on a bien le temps, qu’on a tout à découvrir et que la passion, elle, est définitivement insoluble dans le quotidien (et qu’on vit souvent encore chez ses parents) ;
- Entre trente et quarante ans parce qu’il faut faire carrière, qu’on a des bébés en même temps, et que ça crée des tensions pas possibles (et qu’on retourne souvent vivre chez ses parents) ;
- Entre quarante et cinquante ans parce que les enfants sont ados et que du coup ça me fait penser à tout ce que j’ai pas pu vivre quand j’étais ado (parce que je vivais chez mes parents). Et là c’est plus possible il faut que je me lâche (surtout pas en retournant vivre chez mes parents) et que j’aille voir ailleurs, surtout ailleurs.
- Entre cinquante et soixante ans parce que je suis jeté de partout par la société alors pourquoi pas de mon couple ? (et en plus il faut que je m’occupe de mes vieux parents qui vivent chez moi, et de mes enfants vingtenaires qui n’ont pas encore démarré dans la vie, c’est la crise, alors il y a plus la place pour une vie de couple)
- Entre soixante et soixante-dix ans parce que l’idée de vieillir à côté de lui (d’elle) et de voir sa tête tous les jours au petit déjeuner sans plus pouvoir regarder ailleurs - vers l’avenir, les enfants, la vie professionnelle … - est JUSTE insupportable (surtout avec vos vieux parents qui sont en train d’agoniser à l’EHPAD d’à côté).
- Entre soixante-dix et quatre-vingt ans parce que vous avez la maladie d’Alzheimer, que vous avez oublié votre conjoint, et que vous êtes tombée amoureuse de votre voisin de chambre à la maison de retraite (et c’est trop beau la vie quand on est amoureuse).
- Entre quatre-vingt et quatre-vingt dix ans parce que vous n’êtes pas sûr(e) que vous allez vous retrouver de l’autre côté, alors autant anticiper et apprendre à vive sans …

Et en plus, avec l’amélioration de la durée de vie et le premier enfant de plus en plus tardif, vous pouvez sans problèmes (sauf pour vos parents) rajouter dix ans à chaque étape.

Alors, est-ce vraiment la peine d’essayer de vivre en couple ?
Une amitié féminine bien ressourçante !

Une amitié féminine bien ressourçante !

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Une vie violée: Accompagnement thérapeutique d'un viol

par Marie-José SIBILLE

publié dans Alterégales

Un verdict récent a choqué une partie de l’opinion ces dernières semaines : celui rendu pour le viol collectif subit par deux jeunes filles à Fontenay-sous-bois[1].

Imaginer de jeunes garçons accomplir de tels actes, et des hommes encore jeunes dans un tel déni d’humanité, dans une telle obscurité psychique et mentale alors que certains d’entre eux sont devenus pères, provoque la tristesse, voire la compassion pour eux, pour l’avenir de leurs enfants, pour le présent de leurs compagnes.

Mais aujourd’hui je donnerai la priorité à leurs victimes, et surtout à toutes les autres, celles qui n’ont jamais osé dire, celles qui n’ont pas eu le soutien ou la force nécessaires pour sortir du silence et traverser les multiples obstacles, familiaux, amicaux, sociaux, médicaux, légaux, qui se mettent en travers de la route des femmes qui ne veulent pas taire le crime subi.

Car force est de reconnaître qu’il est encore possible dans un pays démocratique comme la France de martyriser, violer, torturer, trop souvent jusqu’à la mort, des femmes et des enfants en toute ou relative impunité. Dans le silence. Et il nous faut donc de manière incessante continuer à en parler.

Une femme adulte, bien dans sa vie et dans sa peau, entourée par sa famille et ses amis, au fait des recours possibles, violée par un ou des inconnus de manière unique et imprévue, va mettre des mois à se remettre d’une agression de ce genre. Et même dans cette situation, avec une victime « bien sous tous rapports », il y a des risques de minimisation et de banalisation par l’entourage - une manière de rendre les faits plus digestes -, il y aura les doutes, les questions auxquelles il faut répondre, le rejet, la honte, la peur de briser un tabou, et, finalement, l’angoisse d’être au fond la seule coupable de ce qui s’est passé, le sentiment d’être seule au monde avec le traumatisme.[2].

Que pensez-vous alors qu’il va se passer pour une ado violée par une bande de « copains », surtout si cette ado a « vraiment dépassé les bornes » en se droguant, buvant, fumant ou mettant une mini-jupe, voire tout en même temps ? Que va-t-il se passer pour une enfant agressée par un adulte qu’elle connaît, pour une collégienne abusée par un membre de l’éducation nationale, pour une patiente violée par un médecin ? Et si je ne souhaite parler ici que des filles et des femmes, victimes de loin les plus nombreuses, je n’oublie pas pour autant les petits garçons et les adolescents.

 

Une des femmes victime de viol que j’ai accompagnée - appelons-là Camille - a encore, plus de vingt-cinq ans après les faits, du mal à envisager une relation stable avec un homme : elle se sent très vite menacée, enfermée, sous emprise. Elle a pourtant trouvé sa place dans son travail d’éducatrice et développé des relations satisfaisantes avec ses deux filles adolescentes, alors même que celles-ci traversent l’âge où elle a vécu ce trauma.

C’était l’été, le temps des amours auxquels elle ne connaissait rien encore ; elle n’en savait que les battements de cœur de la cour de récréation. C’était le temps de la joie de vivre et de l’élan vital qui s’expriment dans la musique et la danse, cet élan vital qui pousse certains hommes à semer leurs spermatozoïdes dans des ventres qui les refusent, poussés par la testostérone et la brutalité qu’ils ne savent pas ou ne veulent pas contrôler. Le temps de l’été, un temps parmi d’autres où la violence sexuelle prend trop de place, dans les fêtes de village et les beuveries qui vont de pair, dans les sorties de boîte et sur les plages au clair de lune, dans les cités surchauffées comme dans les bureaux et les chambres d’hôtels climatisés.

Pour Camille, c’était dans un champ de maïs, des garçons qu’elle connaissait, au retour d’une sortie à la piscine. C’était la période fragile de la puberté, ses débuts de femme, son ouverture à l’amour.

« J’ai 13 ans, je reviens en mobylette à la maison après la piscine, quand deux jeunes garçons que je connais, car ils habitent près de mon collège, me suivent, eux aussi en mobylette, puis m’encadrent et m’invitent à aller dans un champ au bord de la route pour « discuter ». Le fait que par naïveté et timidité, par soumission, je les ai suivis, m’a empêché de nommer cette agression pour ce qu’elle était, un viol. Mais surtout, je pense que je ne savais même pas que ça existait, je n’avais pas de mots pour ça, personne ne m’en avait jamais parlé. Ce que je revois encore aujourd’hui, à 40 ans : le champ de maïs, le soleil très fort, les yeux d’un des garçons qui ne m’a pas violée mais qui a tout regardé, moi les bras écartés par terre, la tignasse noire du garçon qui m’a violée. Ils devaient avoir à peu près 16 ans. Je n’en ai parlé à personne pendant plus de vingt ans, mais cet acte silencieux et gardé secret a rongé jour après jour toute estime de moi-même jusqu’à ce que je me détruise de toutes les façons imaginables. Pourquoi n’ai-je rien dit à mes parents ? Parce que je ne  voulais pas les déranger, et parce que j’avais déjà perdu confiance dans le monde des adultes et dans leur capacité à me protéger. J’avais déjà vécu l’agression d’un exhibitionniste quand j’étais petite fille, et le policier qui avait reçu ma famille m’avait traitée de menteuse et déclaré en riant un non-lieu, que mon père avait accepté. C’est ce jour là que j’ai appris à me taire. Non seulement avec les autres, mais à l’intérieur de moi, où cet évènement a été enfermé sans accès dans un coin de ma mémoire pendant de longues années. Combien d’autres encore ? C’est une question que je continue à me poser. »

 

Camille a pu digérer la blessure, pas la guérir, mais apprendre à la porter, à vivre avec, à ne pas la laisser prendre toute la place ni définir son identité, même si ce trauma a limité ses possibles, tant dans son parcours scolaire qu’affectif. Elle n’a pas été entièrement anéantie par ce crime, ni par ses conséquences, encore plus destructrices. En étant positive, je peux même imaginer, et elle aussi, que la transformation de ce trauma a développé chez elle des qualités humaines et d’empathie qui n’auraient peut-être pas existé sinon.

Mais cette histoire aurait pu se terminer beaucoup plus mal.

Tous les jours des victimes de viol, surtout pendant l’adolescence, développant les mêmes comportements à risque que ceux que Camille a développé par la suite, rencontrent la mort au bout du parcours. La mort rapide par overdose, accident de la route, souvent dans un état de grande alcoolémie, ou par suicide. La mort lente par l’alcoolisme et le tabagisme, la malbouffe et les troubles alimentaires, l’enfoncement et la paralysie progressive dans la dépression chronique et le recours massif et dans la durée aux anxiolytiques et antidépresseurs.

Dans le viol s’entremêlent différentes formes de violence ; elles se marient pour produire des chimères monstrueuses qui nous laissent pour morte sur le bord du chemin : en effet, quand nous croyons avoir réussi à fuir la gueule du lion, la queue du scorpion nous rattrape par derrière.

Mais le courage de la femme est immense, à la hauteur parfois de l’estime de soi bafouée, comme le montre par exemple une autre histoire, en Tunisie cette fois, où il faut voir cette jeune femme violée par deux policiers lutter contre les déviances d’un état grâce à Internet[3].

Le viol permet de comprendre,  à travers un trauma simple, simple dans le sens de limité dans l’espace et le temps, qu’un acte de violence n’est jamais isolé.

Il s’inscrit d’abord dans un contexte socio-culturel qui le tolère, voire le nourrit, l’encourage, le provoque. C’est pour cela qu’il faut en parler, jusqu’à ce que ce soit rendu inadmissible au moins dans notre pays, qui bien que loin de pays comme l’Egypte, ou 80% des femmes sont victimes de violences sexuelles, connaît encore 75000 femmes violées par an (oui !), et une femme qui meure tous les trois jours sous les coups de son compagnon.

En plus d’être lui-même le fruit d’un contexte de violences socio-culturelles ou familiales, le viol va déclencher une réaction en chaîne de comportements autodestructeurs de plus en plus extrêmes, le trauma se conduisant alors comme un ado cherchant la limite ! Et ce jusqu’à ce qu’il soit entendu et que ses conséquences soient stoppées par le soutien intime, psychothérapeutique ou médical, ainsi que par la sanction rigoureuse de la loi.

Si cela dure trop longtemps, il deviendra très difficile d’attribuer ces comportements au trauma initial, en particulier quand le viol a eu lieu pendant l’enfance ou l’adolescence. Ces actes autodestructeurs transforment en effet souvent la jeune femme en l’objet de jouissance que ses agresseurs avaient d’abord vu en elle, et les pires injures paraissent enfin justifiées pour la qualifier … aux yeux de certains.

Si nous prenons en détail la première agression de Camille, celle de l’exhibitionniste, elle a du faire face à la violence visuelle - voire physique elle ne s’en souvient plus, il y a un blanc - de l’agression, à la violence des moqueries dont elle a été l’objet alors qu’elle essayait de raconter son histoire au policier, à la violence de l’humiliation due à la fragilité de son père et à l’absence de sa mère qui n’ont pas pu la défendre, à la violence de l’attitude de la police qui a décidé d’un « non lieu » - c’est-à-dire d’un déni de l’évènement cautionné par la loi -, à la violence psychique de l’énergie développée pour « oublier » cette situation.

Imaginons un instant, prenons le temps de sentir le pacte de silence que Camille a passé avec elle-même à ce moment-là.

Pendant le viol à l’âge de 13 ans, l’histoire s’est répétée en plus fort : violence physique de l’agression, mais aussi du voyeurisme du copain ; violence du silence qu’elle a ensuite choisi de garder à l’intérieur de sa famille, silence qui l’a mise en prison dans l’endroit censé être le plus sécurisant pour elle ; violence du « retour du refoulé » du premier trauma et de l’énergie psychique nécessaire pour l’enfermer à nouveau ; violence spécifique à un viol au moment de la puberté.

Le viol dans l’enfance, la puberté, la jeunesse ou l’âge adulte n’ont pas les mêmes conséquences, sans pour autant devoir hiérarchiser celles-ci. A l’adolescence, en particulier à la puberté, et dans un contexte familial comme celui de Camille, le viol est comme une bombe qui fait exploser le corps de la femme en train de se construire, qui détruit la confiance dans la relation entre les sexes, qui anéantit l’idée d’une relation affective sécurisante.

Encore après, Camille a vécu la violence intime de l’autodestruction et des conduites  à risque qui ont démultiplié l’impact du trauma initial, en particulier par la répétition de viols que par la suite elle a oublié de nommer comme tels, mettant cela sur le compte de la libération sexuelle et de l’émancipation de la femme, ce qui est le comble et la perversion ultime de nombreux viols commis dans les années 70/80. Elle se rendait bien compte de l’absence de plaisir, du besoin de drogue ou d’alcool, et de l’incapacité à dire non, mais elle ne pouvait « penser » la situation, elle ne pouvait plus repérer la maltraitance et l’emprise, malgré son intelligence brillante dans d’autres domaines. Elle vécut aussi la violence des rêves et des fantasmes visant à apprivoiser le traumatisme et augmentant sa culpabilité nuit après nuit ; s’y ajoutaient, jour après jour, la violence des manifestations « borderline »,  ces manifestations limites de dépersonnalisation, de décorporation, de distanciation extrême qui finissent par faire basculer certaines du côté de la folie ou du suicide.

 

La violence est l’ombre de l’empathie, elle crée des liens aussi forts que l’amour et renâcle à nous laisser partir. Elle abolit toute idée de séparation entre soi et l’autre tout en créant une barrière infranchissable entre ces deux là - la victime et la violence, la victime et l’agresseur intériorisé - et le reste du monde. Il faudra au thérapeute beaucoup de patience, d’empathie, d’humilité, mais aussi d’intérêt véritable pour l’autre, pour pouvoir traverser la barrière.

 

[1] Procès des viols collectifs de Fontenay sous Bois, dit procès des « tournantes ». Acquittement de dix des prévenus, quatre condamnés de trois ans avec sursis à un an ferme. Je ne reviens pas sur les détails, disponibles dans la presse, par exemple dans le Monde, où figure également le témoignage des victimes : Le calvaire de Nina, victime de viols collectifs dans sa cité - Le Monde , et dans les journaux féminins, lire par exemple l’éditorial et l’article de « Elle » du 19/10/2012. Procès des viols collectifs de Fontenay sous Bois, dit procès des « tournantes ». Acquittement de dix des prévenus, quatre condamnés de trois ans avec sursis à un an ferme.

[2] Prenez le temps d’aller écouter le remarquable travail fait par le journal féminin Marie-Claire, et le témoignage de cette journaliste violée en Egypte.  www.marieclaire.fr : http://www.marieclaire.fr/,ces-femmes-qui-ont-brise-le-tabou-du-viol,2610255,544134.asp. Elle note qu’un correspondant de guerre qui serait revenu avec une balle passerait pour un héros, alors que son viol collectif sur la place Tahrir, personne ne voulait en entendre parler. 80% des femmes égyptiennes sont victimes de violences sexuelles. Merci et bravo à toutes ces femmes. Voir aussi : Viol : la honte doit changer de camp ! http://contreleviol.fr/:

 

Une vie violée: Accompagnement thérapeutique d'un viol

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