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F.E.M.M.E.S. - Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.

par Marie-José Sibille

publié dans Alterégales , Cette société - c'est la notre !

F.E.M.M.E.S.

Journée internationale pour l'élimination de la violence
à l'égard des femmes, 25 novembre

Billet d’humeur

 

J’ai beaucoup de chance.

Je n’ai pas été avortée,

Je n’ai pas été noyée ou étouffée à la naissance,

Je n’ai pas été abandonnée,

Sous prétexte que je suis une femme.

 

J’ai subi petite fille l’agression d’un pédophile et les moqueries des policiers censés me protéger.

Mais je n’ai pas subi de mutilation sexuelle, ces mutilations dont l’évocation me donnent envie de me rouler par terre en hurlant.

Mais je n’ai pas été vendue comme esclave sexuelle et domestique.

J’ai pu aller à l’école.

Je n’y ai rien appris sur l’histoire des femmes, le corps des femmes, la littérature des femmes, les découvertes scientifiques des femmes.

Mais j’y ai appris à lire et à réfléchir.

Et tout ce que j’y ai appris sur l’histoire des hommes, le corps des hommes, la littérature des hommes et les découvertes scientifiques des hommes m’a permis au moins de me poser la question : mais où étaient les femmes pendant tout ce temps ?

Et j’ai fini par les trouver, cachées sous des siècles de silence, d’exclusion, de soumission, de services rendus aux hommes.

 

Adolescente j’ai subi un viol, puis un autre, directe conséquence du premier, le viol du non accompagnement et du silence. C’est le pire, le silence. 

J’ai payé le prix pour ces agressions, jusqu’à 30 ans environ. Mais je m’en suis remise. J’y ai même trouvé un métier, psychothérapeute, alors que petite fille je voulais être écrivain-biologiste et aller vivre avec les orang-outangs, comme Jane Goodall avec les chimpanzés.

J’ai encore une petite marge sur le côté écrivain. Et j’ai accepté que les traumatismes nous structurent et structurent notre vie, même dans la guérison et la résilience.

Et pourtant j’étais dans une famille très évoluée. L’intelligence des femmes était soutenue au même titre que celle des hommes. 

Mais les agressions sexuelles étaient taboues. 

Comme à peu près partout à ce moment-là et très longtemps après chez nous, et comme encore à peu près partout dans le reste du monde.

J’ai pu penser ce qui m’était arrivé, et surtout le métaboliser, le transformer émotionnellement et, un jour, bien plus tard, chercher des solutions.

Pourquoi ?
Parce que je n’ai pas été mariée de force au même âge, ou morte suite à un viol de guerre ou un crime d’honneur.

J’ai beaucoup de chance.

 

Jeune adulte, j’ai rencontré des professeurs qui m’ont soutenue en tant que femme, à condition quand même que je sois leur brillante porte-parole. Il était impossible de remettre en question leur pensée, même si de plus en plus souvent elle me semblait cloisonnée ou aberrante. Mais ils enseignaient, ils avaient le pouvoir universitaire, ils avaient la raison et la science pour eux, ils possédaient la parole. 

Alors pour parler je me suis mise à écrire, et ça m’a fait du bien.

 

J’ai subi au moins trois fois des violences gynécologiques avérées en tant qu’adolescente et jeune femme.

Et aussi les attouchements d’un kiné sans pouvoir bouger paralysée sur sa table de massage.

Tout cela n’existait pas dans mon univers mental, n’avait jamais été envisagé, parlé, donc c’était incompréhensible. 

Un peu comme une petite fille qui subit un inceste. A part que je n’ai pas subi l’inceste, mon papa à moi était super.

J’ai beaucoup de chance.

 

Pour trouver une place où je me sentais bien je l’ai créée moi-même. Ainsi je n’ai pas eu à subir ces systèmes hiérarchiques privés ou publics où 90% des chef.fes sont des hommes et 90% des employé.es des femmes. 

Ces systèmes où les femmes sont sur le terrain, agissent et accumulent de l’expérience pendant que là-haut les hommes décident en croyant savoir.

Et encore pire, je n’ai pas eu à vivre sous l’autorité de ces femmes qui défendent le système patriarcal comme si leur vie en dépendait, un peu comme ces chefs de gangs qui régulent les conflits dans les prisons à la place des gardiens. Gardiens qui, contents comme cochons, en profitent pour aller s’en griller une.

Cela me fait mal, comme ces femmes qui perpétuent les mutilations sexuelles ou celles qui servent leur garçon et demandent à leur fille de l’aider à faire le ménage. Ou encore ces jeunes filles, femmes, parfois très instruites, qui pensent que le féminisme c’est dépassé. Dans leur bulle privilégiée peut-être, en tout cas le croient-elles. Mais non. Plus subtil, moins physique, aussi dominateur.

J’ai réussi à me libérer de la plupart de ces systèmes.

J’ai beaucoup de chance. 

 

Beaucoup trop de femmes ont encore du mal à assumer leurs émotions, surtout que celles-ci sont très malvenues dans le monde professionnel. Ou plutôt les pleurs des femmes sont malvenus, la colère des hommes est bien mieux tolérée. Elles passent pour hystériques ou dépressives quand les pleurs sortent, on ne sait pas les consoler, et puis c’est peut-être contagieux. Un coup de gueule masculin – et parfois féminin s’il s’agit d’une de ces femmes citées plus haut – est supporté épaules rentrées et yeux baissés. Une crise de larmes féminine, et on appelle les urgences psychiatriques. 

Beaucoup trop de femmes ont encore du mal à assumer leur parole, et quand elles osent enfin parler, ce qui peut prendre des années et des années, elles ont souvent la parole coupée par des hommes qui savent mieux qu’elles ce qu’elles veulent dire. Regardez comment ça se passe dans votre prochaine réunion de direction, ou dans le prochain groupe auquel vous participez, sauf peut-être dans certains groupes nouveaux qui cherchent des solutions pour demain. Trop de femmes sont inaudibles, même quand elles parlent trop. Dans le cas des violences conjugales cela commence par le fait que leur plainte peut ne pas être entendue par la police. 

Beaucoup trop de femmes ont encore du mal à assumer leur corps. Leur corps de jeune fille mis en scène en permanence sur les réseaux, le visage déjà recouvert de crème anti-rides à 15 ou 16 ans, « pour ne pas en avoir plus tard » disent les vautours qui visent leur porte-monnaie, leur corps de femme encore trop souvent objet du désir de l’homme, et objet de régimes et de stratégies alimentaires désespérées pour garder leur poids de forme, ce poids qu’elles n’ont peut-être jamais eu, leur corps de femme vieillissante qu’il faut masquer à tout prix par des stratégies qui les transforment en « monstres », c’est-à-dire qui rend plus visible ce qu’elles veulent cacher, comme le botox qui met en évidence ces rides qu’elles ne supportent pas car les hommes leur renvoient qu’elles sont insupportables.

 

Mais à la marche de samedi dernier, il y avait pas mal d’hommes aussi, souvent les mêmes qui viennent aux marches pour le climat. Les femmes et la Nature, même combat. Cela s’appelle l’Écoféminisme et c’est une voie de pensée fertile pour notre présent, et aussi notre avenir.

Écocides et féminicides, deux plaies béantes et simultanées de notre humanité. Humanité ? Oui. Car les hommes souffrent aussi de cette violence faite au féminin. 

Pouvez-vous imaginer l’intériorité, l’intimité, l’état d’esprit quotidien d’un homme élevé depuis tout petit dans la haine et la peur des femmes ? Dans leur humiliation ? Dans la certitude de sa supériorité ?

Cela fait chaud au cœur ces hommes qui marchent à côté des femmes, ni devant, ni derrière, ni au-dessus, ni en-dessous. 

Mon compagnon en fait partie.

J’ai beaucoup de chance.

 

Et d’ailleurs au sujet des compagnes et compagnons, on parle d’âme sœur, et pas d’âme frère. Ce serait joli aussi, comme on dit « bro » (pour brother) aux gens qu’on aime bien, surtout si on a des ados dans la famille. 

Mais non, pas d’âme bro, mais une âme soeur. 

Ça doit vouloir dire quelque chose, non ?

Nous toutes 64. Merci pour la super organisation ! Marche du samedi 23/11/19 à Pau.

Nous toutes 64. Merci pour la super organisation ! Marche du samedi 23/11/19 à Pau.

Marche du samedi 23/11/19 à Pau.

Marche du samedi 23/11/19 à Pau.

Marche du samedi 23/11/19 à Pau. La pluie comme des larmes.

Marche du samedi 23/11/19 à Pau. La pluie comme des larmes.

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Nique la technique ?

par Marie-José Sibille

publié dans Le quotidien c'est pas banal , Alterégales

Nique la technique ?

 

Depuis hier il y a une grosse machine devant ma maison. 

Cette grosse machine s’appelle une pelleteuse. Elle ressemble à une girafe basse sur pattes qui aurait la gueule d’un tyrannosaure. 

Une part de moi, sûrement très jeune, se demande toujours comment une machine pareille peut exister. Pourtant on n’était pas si mal dans nos grottes à cueillir nos fruits et à manger l’un ou l’autre lapin, en relative sécurité car c’était bien après la disparition des tyrannosaures. Mais la pelleteuse a fini par sortir de la tête de quelqu’un. Un homme pour ne rien vous cacher, les femmes étant coincées dans la grotte pour assurer la survie de l’espèce.

Tout a commencé avec la roue. L’arrivée de la technique. Ce monde d’hommes et de machines. Grand sujet pour les femmes que celui de l’appropriation de la technique. Entre 80 et 98% des ingénieurs sont des hommes, ça dépend des secteurs, le pire étant l’informatique. Terrible quand on voit à quel point cette « tech » comme ils disent dirige notre vie. C’est aussi pour cela que les appareils ménagers, conçus jusqu’ici par des hommes, sont souvent à côté de la plaque (à induction). La prise n’est jamais au bon endroit, et je viens de subir une agression majeure de la part de mon dernier extracteur de jus dont le bol a explosé. Quant à mon congélateur, il faut que je le décolle du mur et que je vienne avec une lampe de poche pour régler la température ... Nous nous sommes déjà séparés du sèche-linge qui rétrécissait agressivement tous les habits qu’on lui confiait, alors même que nos enfants grandissaient à vue d’oeil, il n’avait rien compris.

Mais après tout se dit une autre partie de moi plus grande, cette machine, la pelleteuse, est là pour de bonnes raisons. Pas pour détruire la forêt amazonienne. Mais pour arranger le trou qui existe déjà devant la maison et en faire une mare. Une mare c’est sympa. Il va y avoir des crapauds, dont les crapauds accoucheurs qui chantent la nuit le bonheur de porter leurs bébés sur le dos, des grenouilles, des libellules et des tas d’autres bestioles rigolotes et indispensables à la survie de la planète.

Donc c’est une gentille machine. 

Mais je n’y peux rien. J’imagine toutes les petites bêtes, les petites fleurs, les brins d’herbe que les grosses roues vont écraser, déranger au mieux, tuer au pire. J’imagine tous les campagnols ayant fait leur nid au fond du trou qui vont y finir enterrés vivants. Comme des fosses communes dans trop de guerres dans le monde. Je suis comme ça. J’ai une imagination galopante. Et peut-être exagérée. Mais. Je vais rester planquée dans mon bureau pendant toute la durée heureusement courte des travaux. 

Je culpabilise aussi un peu. Je me dis qu’on aurait pu s’y coller avec mon compagnon. Lui au fond du trou avec la pioche et la pelle. Moi au bord avec les seaux que j’irais vider au fur et à mesure à quelques dizaines de mètre de là. On en aurait juste eu pour trois ou quatre ans vu notre emploi du temps quotidien. Mais ça nous aurait fait les muscles et les poumons. 

Comme ces enfants en Afrique, ceux qui vont piocher au fond du trou les métaux rares dont sont faits nos portables. 

Il y en a plein qui survivent. 

Patte de tyrannosaure, Béarn, année 2019.

Patte de tyrannosaure, Béarn, année 2019.

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