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8 Mars, Journée de LA FEMME, du Panda Géant et des collectionneurs de coquetiers.

par Marie-José Sibille

publié dans Alterégales

8 MARS, JOURNEE DE LA FEMME, DU PANDA GEANT ET DES COLLECTIONNEURS DE COQUETIERS

 

Il faut se battre pour avoir un jour à soi toute seule dans ce monde de brutes où chacun veut exister, et puis quoi encore.

Du coup, on partage.

Les collectionneurs de coquetiers, on peut les tolérer, et puis il y a un lien quand même non ?  La poule et l’œuf, la femme et la poule, … tout ça c’est de la même famille. Les pandas géants vont bientôt disparaître sauf dans les zoos, donc ils ne vont pas trop prendre de place.

Nous les femmes, ou plutôt nous LA FEMME, nous n’allons pas disparaître, même si dans certains pays on essaie très fort. Ça s’appelle le féminicide : par exemple, dans certains pays, des femmes sont forcées d’avorter si elles attendent une fille ou même dans l’extrême de l’horreur de tuer elles-mêmes leur bébé féminin. Des jeunes filles refusant des mariages arrangés, ou, de manière radicalement injuste, ayant été violées, sont assassinées sous prétexte de préserver l’honneur masculin. Entre autres.

Mais nous, LA FEMME, nous survivons.             

Continuons avec les chiffres pénibles : 68% du travail mondial est fait par les femmes, qui touchent pour cela 10% de la rémunération totale.  Et nous savons toutes et tous que notre jardin, 15 euros de l’heure pour passer la tondeuse et tailler les haies, vaut plus que nos enfants, 8,15 euros de l’heure parfois arrondis à dix, à condition de faire le ménage et la cuisine parce que ne faire QUE garder les enfants, faut pas exagérer, c’est pas un travail. Dans le service public, les primes pour l’entretien des espaces verts sont largement supérieures à celles pour l’accueil péri-scolaire des jeunes enfants, ce métier reconnu par tous comme facile et peu fatiguant. Mais les femmes font cela tellement NATURELLEMENT, pourquoi les payer plus ? Oui, c’est souvent vrai, elles sont douées pour plein de choses, y compris souvent, pas toujours, pour s’occuper des petits et des fragiles. Et alors ? Les gros industriels prédateurs sont NATURELLEMENT très très violents, avides et égocentrés, et ils sont très bien payés pour ça, non ?

Pourquoi l’argument de Nature, que je trouve aussi légitime que celui de la culture, ne serait valable que pour les femmes ? Les hommes sont donc supra-naturels ? C’est le rêve de l’homme bionique, une des plus subtiles inventions du patriarcat, un homme né des machines et vivant par les machines. Plus besoin du ventre des femmes. Enfin.

Mais nous, LA FEMME, nous survivons.

Une femme sur cinq a été victime de violences physiques ou sexuelles en Europe en 2015. Et ces chiffres ne concernent que les femmes à partir de 15 ans. Je ne vous dis rien de l’inceste et de la pédophilie qui concernent aussi les petits garçons, mais moins.

Chaque heure, juste en France, dans notre pays à la démocratie bedonnante bien établie, 9 personnes se font violer par heure dont 91% de femmes, par 96% d’hommes. 

Une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son « compagnon ».

Je ne vous dis pas ce que ça doit être ailleurs, par exemple en Inde ou en Chine, au Mexique ou en Arabie Saoudite, le pays dont le Prince vient de recevoir la légion d’honneur. 

L’honneur ça fait deux fois qu’on en parle déjà. 

Les crimes d’honneur, la légion d’honneur. 

Honneur, ce doit être ce mot, masculin, qui recouvre l’horreur, mot féminin.

Mais nous, LA FEMME, nous survivons.

J’en ai vu des panneaux pour la journée de la femme annonçant des séances de maquillage ou des relookings gratuits. J’en ai reçues des pubs et des réductions sur des produits de beauté ou des  invitations à une séance pour apprendre à maigrir avant l’été.

Allons-nous survivre à cela, nous, LA FEMME ?

Quand je les vois ces panneaux, et que je pense aux autres, celles dont j’ai parlé plus haut, Il me prend alors l’envie de la bouder cette journée de la femme, et de la passer avec ... MON HOMME.

 

 
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Victimes de viol et de violence sexuelles : pourquoi il faut abolir le délai de prescription

par Marie-José Sibille

publié dans Alterégales

Victimes de viol et de violence sexuelles : pourquoi il faut abolir le délai de prescription

 

L'amnésie post-traumatique existe bel et bien, même si elle est difficile à imaginer dans nos existences souvent bordées d'habitudes rassurantes et de souvenirs que nous voudrions rangés par année dans des albums photos agréables à feuilleter. Elle a dû se frayer un passage à travers les fantasmes collectifs des "faux souvenirs", parfois réels d’ailleurs, fantasmes très vendeurs bien relayés par les médias. L’amnésie post-traumatique consiste à faire disparaître de la mémoire un souvenir trop douloureux, et ce pour pouvoir survivre. Le souvenir peut disparaître complétement, c'est possible, tout en laissant une trace dans le corps qui était présent, et qui a sa propre mémoire. Il peut aussi disparaître temporairement et revenir à la conscience en  psychothérapie, en particulier avec des méthodes comme l'EMDR ou l'Hypnose mais pas seulement, la confiance acquise dans la relation peut aussi arriver à ce résultat avec moins de risques de retraumatisation dans l'après-coup de la séance. Mais il peut aussi réapparaître suite à un élément déclencheur, un évènement ou une relation, qui va permettre à la personne de raviver sa mémoire. Il y a de fortes chances qu'elle banalise et minimise aussitôt ce souvenir, voire qu'elle le considère elle-même comme faux et inventé, si aucune parole extérieure, aucune relation suffisamment sécurisante et empathique, ne vient la soutenir dans la gravité du fait et lui permettre de relier les périodes de sa vie en créant de la continuité et de la cohérence dans son histoire. 

Cette amnésie post-traumatique partielle ou totale concerne nombre de personnes ayant subi des violences sexuelles. Si le viol est surtout commis par des hommes sur des femmes, l'inceste et les violences sexuelles sur les enfants permettent aux petits garçons de presque rattraper les petites filles. C'est ainsi qu'en France un homme sur six et une femme sur quatre subiront dans leur vie une violence sexuelle.

Avec des différences notables, tant dans l’intensité de la violence que dans sa répétition, parfois sur des années.

Dans cette échelle de violence subie, chaque barreau est une nouvelle étape vers la honte de soi et l'autodestruction.

Car une des caractéristiques perverses de la violence sexuelle, c’est qu’elle est souvent perçue comme liée à la victime, et cela même par "les autorités", même si les progrès sont indéniables dans les dernières années.  Mais il n'empêche qu'aujourd'hui, dans la cour du lycée voire du collège, quand une jeune fille se détruit par l'alcool et la cigarette, s'habille de manière provocante et couche avec n'importe qui, le premier réflexe n'est pas de penser qu'elle a subi de graves abus. Elle sera stigmatisée par ses pairs comme "la chaudasse" de service, terme moderne des cours de récréation - oui -  pour ce que l'on appelait avant "une fille facile". Non seulement cela existe encore, mais de plus en plus depuis quelques années, "grâce" aux réseaux sociaux et à l'espace hors la loi que peut être Internet. La pression qui règne aujourd'hui sur les jeunes est immense. Et les éducateurs voire même les psys n'auront pas forcément le réflexe de penser "agression sexuelle". Voire même pourront penser que c'est "une excuse facile" ou "un mensonge pour justifier son comportement". Et ce si jamais la jeune fille arrive à en parler, ce qui est peu probable. Les garçons n'ont pas ce problème, la multiplication des partenaires leur donnant encore de nos jours une aura positif de mâle dominant du troupeau.

Mais chez toutes les victimes, filles comme garçons, se développeront sans doute la dépression chronique et les addictions de toutes sortes, le repli sur soi et la perte de contact avec les émotions et les sensations, mais aussi l'amnésie chronique, c'est-à-dire l'incapacité à se souvenir d'une émotion ressentie la veille, suite à un film par exemple, ou dans une séance de thérapie. Elles pourront aussi essayer de se réparer en adhérant à des relations d'emprise, qu'elles soient amoureuses, professionnelles ou dans le cadre de groupes sociaux, politiques, ou religieux, voire même dans le lieu d’une relation thérapeutique.

La contamination de la victime par la violence de son agresseur est la base du développement de la honte et de son incapacité de parler . C’est une des grandes caractéristiques des agressions sexuelles et une des clés thérapeutiques pour accompagner les victimes, surtout celles qui ont vécu dans le mutisme ou le déni pendant des années, pendant des décennies. Si elles arrivent un jour à parler, ce ne sera sûrement pas à un professionnel qui les regardera de haut derrière son bureau en se disant "encore une trentenaire-quarantenaire-cinquantenaire dépressive et malheureuse dans son couple ", si ce n'est pire, et pour un homme, "encore un petit garçon qui n'a pas réussi à s'affirmer face à Papa ou à sortir des jupes de Maman". Ce discours n'a pas disparu. Et les retraumatisations sont nombreuses dans les situations d'abus sexuels, la relation thérapeutique devenant une répétition de plus, une relation d'emprise supplémentaire, dans laquelle la personne va s'embourber, quels que soient, je le précise, les références universitaires ou non du professionnel. 

Les victimes véritables ne se victimisent pas souvent dans un premier temps. Elles sont plutôt des dur(e)s à cuire de la psychothérapie ou de la relation d'aide. Elles peuvent en arriver à la plainte lancinante de la dépression chronique mais cela met très longtemps. Elles s’exprimeront plutôt dans des troubles bipolaires aux plongées abyssales, dans des burnouts aux conséquences dramatiques sur leur vie familiale et professionnelle, ou encore, par la voie plus acceptable socialement de la maladie, les somatisations chroniques et les douleurs permanentes faisant parfois le lit de maladies plus graves et invalidantes, voire mortelles.

Ce n'est que dans le cadre d'une relation de grande confiance, une relation personnelle d'abord, un partenaire ou un ami intime, puis parfois dans un lieu thérapeutique sécurisant et chaleureux sans être condescendant, que la personne pourra oser se dire, sans se noyer dans la honte et la culpabilité, sans replonger encore plus profondément une fois sortie du lieu thérapeutique. 

C'est dans cette relation contenante et libre à la fois, sans l'ombre d'un jugement possible, que la victime pourra affronter le monstre qui l’a détruite, et peut-être le vaincre enfin.

 

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