VALENTIN.E ET VALENTIN.E FONT UNE THÉRAPIE DE COUPLE !
VALENTIN.E ET VALENTIN.E FONT UNE THÉRAPIE DE COUPLE !
Accueillir des couples ou non est une des questions que se posent les psys et autres thérapeutes, je parle de mes collègues en exercice libéral, à un moment de leur parcours.
Les avis sont partagés.
Pas efficace, disent certains, trop d'échecs car la plupart des couples viennent juste avant le point de rupture ultime ...
Au contraire, disent d'autres, plus proches peut-être des conseillers conjugaux ou des prêtres tenant du mariage à tous prix, si cela peut "sauver" un couple ... Comme si l'objectif de la thérapie était de vivre heureux et d'avoir beaucoup d'enfants.
Je pense que quoi qu'il arrive, que le couple se sépare ou non, le choc que produit une certaine thérapie de couple ne peut être qu'une expérience bouleversante, et donc susceptible de provoquer un changement, peu doit nous importer lequel. Nous avons à être avec ce que les personnes proposent, parfois seuls, parfois en couple, en famille, en groupe, tant de manières de sentir les liens et de les faire évoluer, dans un sens, un autre, ou encore ailleurs ...
Et puis il y a les dérives des psys eux-mêmes, car le couple réveille les vieux dogmatismes, les vieilles intolérances, et les alliances perverses ou préœdipiennes. Le professionnel pourra par exemple se ranger du côté de l'un des deux membres du couple de manière ostentatoire ou parfois plus subtile. Il pourra s'autoriser à juger, orienter, influencer comme si le soutien du lien entraînait le déni de la personne, comme si le couple à n'importe quel prix était la bonne solution à un problème que l'on ne prendra pas la peine d'approfondir. Il pourra aussi porter des jugements sur les formes de sexualité ou d'attachement qui sortent du modèle hétérosexuel classique. Ou encore, un grand classique, transformer la thérapie du couple en thérapie de la femme, dont on sait qu'elle parle souvent - pas toujours - plus aisément de son intimité. Nommant le problème et ayant la plupart du temps pris le rendez-vous, elle se retrouve oiselle de mauvais augure et messagère de guerre, celle à laquelle on coupe la tête car on ne veut pas entendre les mauvaises nouvelles.
Ce genre de maltraitances thérapeutiques trop de personnes les rencontrent. La maltraitance du soin, comme la violence dite éducative ordinaire, fait partie du quotidien au-delà des discours et des lois.
Je sais, j'en parle souvent, mais cela continue, alors je continue. Au minimum cela me rend moi-même plus vigilante, et peut-être les personnes qui me font confiance pour les accompagner seront plus sereines pour me manifester leur désaccord ou leur incompréhension.
En tant que thérapeute de couple je me suis souvent trouvée à interroger la place tierce que j'occupe. Elle m'a parfois bien mise à mal : comme une enfant prise dans la guerre entre ses deux parents, une part de moi souffrait en silence, terrorisée au fond du lit ou sous l'escalier. Elle m'a parfois rendue très triste : comme une amie chère refusant de choisir un camp ou un autre, une part de moi pleurait en silence sur le mal que nous pouvons nous faire sous prétexte d'amour. Elle m'a parfois mise en colère : comme le témoin d'une insupportable emprise, une part de moi se mettant en rage et se révoltant contre ces abus de pouvoir que nous nous autorisons.
Ces parts de moi je les observe, elles m'aident à sentir la souffrance du lien. Et ses ressources possibles aussi. Quand la thérapie dure un certain temps, je demande souvent à recevoir chacun séparément pour sentir la part d'identité qui se tait dans le couple, la différence est souvent spectaculaire. Mais j'ai pris le parti, l'expérience aidant, de respecter ce lien quel qu'il soit, sauf violences avérées demandant une intervention légale.
Dans ces cas il est utile de rappeler que la violence n'est pas le conflit. En situation de violence, la thérapie, comme la médiation, ne servent à rien. La violence s'inscrit dans une relation d'emprise et de pouvoir, donc d'inégalité, là où le conflit parle de différenciation dans une relation par ailleurs égalitaire.
L'objectif du couple est l'union de la différence là où le lien premier d'attachement, le lien mère-enfant en particulier, existe pour pouvoir se séparer un jour, disait en substance le psychanalyste Eric Fromm de très lointaine mémoire.
Je vis moi-même en couple et je sais donc que cette union du différent est une alchimie bouillonnante et sensible. Maintenir et faire grandir le lien tout en restant soi-même n'est pas une mince affaire. Maintenant que les contrats sociaux et religieux ne prennent plus autant le relais, de nombreux couples ne passent pas cet écueil et se séparent. D'autres restent ensemble pour des raisons respectables dans notre société, autour de la sécurité en particulier, mais dans des attachements toxiques qui pourrissent le lien.
Quelles différences s'agit-il d'unir ? Homme et femme ne sont pas PAREILS. Le genre est par excellence un fait "bio-psycho-social", et même si nous arrivons à déconstruire dans notre couple les assignations de genre au niveau affectif, parental ou social, nous n'en resterons pas moins biologiquement différents, ce biologique incluant la mise en œuvre de notre langage émotionnel.
Et pour les couples homosexuels, la différence se jouera à un autre niveau, avec par exemple une accentuation de certains attributs virils ou féminins, paradoxalement selon des modèles qui peuvent sembler parfois très traditionnels, sachant qu'il existe une infinité de transactions possibles. On ne se met pas en couple avec son clone, même si une part d'identité commune est indispensable pour pouvoir se reconnaître.
J'ai pu rencontrer quelques couples qui tels Philemon et Beaucis ont réussi cette alchimie, et finissent noués l'un à l'autre en préservant leur aura particulière, leur identité unique et créative.
Philemon et Beaucis c'est ce vieux couple qui sans le savoir accueillit un jour Zeus et Hermès dans leur chaumière avec grande hospitalité, contrairement aux autres habitants du village. Sauvés du déluge qui engloutit leurs voisins cupides, ils obtinrent de pouvoir mourir ensemble, ce qu'il leur arriva à un âge très avancé. Un soir qu'ils échangeaient leurs souvenirs, chacun s'aperçut que l'autre se couvrait de feuilles, lui de chêne, elle de tilleul. Mais ils étaient toujours ensemble, car le chêne et le tilleul n'avaient qu'un seul tronc.
C'est en pensant à eux que je continue à accueillir des couples.
Philemon et Beaucis : lien vers l'artiste.