Ne pas parler aux enfants de ce qui tue les enfants … ?
Ne pas parler aux enfants de ce qui tue les enfants … ?
En voyant s’immiscer entre deux photos de David Bowie les images d’un petit enfant affamé en Syrie, je me suis souvenue encore une fois de la minuscule petite fille que j’étais au moment de la guerre du Biafra. J’ai revu ces images d’enfants squelettiques qui se sont alors imprégnées dans mon cerveau sensible, comme bien plus tard le feraient les images de camps de concentration avec la série « Holocauste ».
A peine âgée de quelques années, ma tête était déjà pleine d’enfants et d’adultes mourant de faim, envahie de cadavres encore un peu en vie.
Et on se demande pourquoi il y a autant de films, de jeux et de BD de zombies.
Moi je ne me le demande pas.
En off de ces images, j’entends la voix de mon papa tant aimé qui me dit, à chaque fois que je renâcle face à l’assiette de petits pois - les petits pois étaient ma hantise de petite fille, ils se coinçaient en travers de ma gorge - « si tu étais au Biafra, tu serais bien contente de les manger tes petits pois ». Avec ce petit sourire qu’il avait pour faire croire que c’est pas si grave que ça, la mort ...
Mes parents étant de gauche, écolos et intellos, ils pouvaient avoir par ailleurs de graves lacunes éducatives en toute sincérité, surtout dans les années 70. C’est ainsi que je fus élevée, comme eux avant moi, dans la culture de la culpabilité. Chaque assiette refusée, chaque plaisir que je m’autorisais, il a fallu que je les paye doublement, d'une manière ou d'une autre. Aujourd’hui, on compense aussi les émissions de CO2 pour pouvoir polluer en paix ! Nom d’une pipe.
Et puis j’ai commencé moi-même à dire à mes enfants petits qui renâclaient devant les choux de Bruxelles - épinards - endives, « si tu étais en Inde - Ethiopie - Syrie, tu serais bien content(e) de les manger tes légumes » ! Et oui, ça m’a échappé. J’ai arrêté depuis. La plupart du temps. Mais les enfants d’aujourd’hui, en tous cas les miens, ne reçoivent pas la parole du père ou de la mère comme l’hostie à la messe du dimanche matin. Même petits, alors ne disons rien des ados qu’ils sont devenus. Ainsi mon fils m’a dit un jour : « pourquoi tu me dis ça maman, tu veux que je sois triste ? ». Bon. J’ai reconnu que c’était idiot et leur ai raconté le Biafra et moi petite. Ils ont compris. Je crois. Je les ai abonnés au Petit Quotidien et on a regardé Arte junior journal pour essayer de comprendre sans trop stresser tout le monde.
Encore heureux qu’on n'ait pas la télé, « les chaînes » comme disait une de mes filles dans une formule bien trouvée.
On a parlé. Et on agit. On y croit. On développe la culture de l'empathie et de la bienveillance, on apprend à résoudre les conflits sans (trop) s'étriper. On est positifs. On manifeste et on va voir "Demain, le film," ...
Mais ils aiment toujours pas trop savoir qu’il y a des guerres, des catastrophes climatiques, des violences sexuelles et du harcèlement à l’école, des gens qui se goinfrent sur le dos d’autres qui meurent de faim.
Une explosion atomique de violence.
Et je me demande un matin de plus : qu’est-ce que ça veut dire un monde où l’on ne peut pas parler aux enfants de ce qui arrive aux enfants ?
Un site pour aider les parents à aider les enfants, et pour échanger sur les pratiques éducatives : http://parents-du-21-eme-siecle.fr
Avec par exemple un article sur le stress expliqué aux enfants :