Expliquer, est-ce excuser ? Une question importante en psychothérapie et en accompagnement de la personne.
Expliquer, est-ce excuser ?
Une question importante en psychothérapie et en accompagnement de la personne.
Lundi matin il était question sur France Inter des phrases prononcées par Manuel Valls pendant les cérémonies en mémoire des victimes de janvier 2015. Ces phrases ont été vite oubliées suite à la mort de David Bowie. Elles disaient : « Pour ces ennemis, … il n’y a aucune explication qui vaille. Car expliquer, c’est déjà un peu excuser. Rien ne peut expliquer que l’on tue à des terrasses de café ». [1] Le premier ministre avait déjà mentionné qu’il « en avait assez de ceux qui cherchent en permanence des excuses ou des explications à ce qui s’est passé » (i.e. les attentats du 13 novembre).
Cette dernière phrase m’a particulièrement interpellée. En dehors des milieux les plus stigmatisants, nous devons aussi nous battre contre nous-mêmes dans les métiers de la relation d’aide pour ne pas juger les personnes, en particulier dans l’accompagnement des familles.
La recherche d’explication, car nous restons très en-deçà d’une quelconque vérité absolue, est une fonction de notre pensée qui appartient au domaine du questionnement scientifique ou philosophique. Elle est ici confondue avec la notion d’excuse, associée au jugement, ainsi qu'au pardon ou à la condamnation.
Quelle que soit par ailleurs la nécessité de la loi pour vivre ensemble, l'accompagnement thérapeutique nous apprend à chercher la cause des comportements parfois violents auxquels nous sommes confrontés.
Sinon à quoi servirions-nous ?
C’est la recherche des causes qui nous permet de proposer, dans l’ici et maintenant, des comportements éducatifs et psychoaffectifs qui, dans la relation avec le tout jeune enfant et avec les enfants devenus grands, vont nourrir un attachement sécure. Cet attachement sécure qui sera une des bases du développement de l’empathie, empathie corrélée à la présence d’ocytocine, cette hormone du lien que nous trouvons chez la mère du tout petit. Cette réflexion est à la base d'une prévention des violences sociales, car elle nous permet de penser aux entourages résilients, aux liens susceptibles de réparer un individu qui n’a pas eu cette possibilité de construction de base. Ces relations peuvent non seulement lui éviter de tomber dans la violence, mais parfois lui permettre même de développer un « surplus d’humanité » par rapport à d’autres personnes plus protégées. C’est le cadeau du traumatisme.
Epigénétique, attachement, résilience, éducation …
Parfois nous devrons nous arrêter au bord du gouffre, et admettre que nous n’avons pas encore trouvé. Surtout quand nous oublions que le faisceau d’explications, comme on parle d’un faisceau de preuves, est bien plus adapté à la complexité du réel qu’une explication unilatérale et déterministe. Certains chercheurs, ayant découvert quelque chose de souvent génial, pensent que c’est le passe-partout qui va donner la clé du monde et partent en croisade avec comme étendard leur idée « prouvée scientifiquement ».
Les passionnantes neurosciences, la biologie et l’éthologie, les toutes aussi passionnantes sciences humaines, sociologie, psychologie, philosophie, anthropologie sociale et religieuse … nous expliquent une petite partie du réel.
Quinze pour cent ? Vingt pour cent ?
Pour le reste, nous devons apprendre à vivre avec le mystère.
Et toujours chercher à expliquer et à comprendre.
Parfois ce sera l'art qui aura le dernier mot.
Ainsi, dans le beau livre « Nous rêvions juste de liberté » [2], le héros constate :
« Quand le juge m’a demandé pourquoi j’avais toute cette violence en moi … J’aurais bien voulu dire que c’était parce que mes parents étaient une belle paire de salauds tortionnaires … mais c’était même pas vrai … Non, si j’avais toute cette violence à l’intérieur, c’est peut-être simplement parce qu’il y avait la place ».