Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Quelle heure est-il Madame Persil ? DEJA TROP TARD MADAME PLACARD !

par Marie-José SIBILLE

publié dans Le quotidien - c'est pas banal ...

Quelle est cette heure que nous avons gagnée le week-end dernier avant de la reperdre au Printemps prochain ?

Les enfants la détestent, car ils n’y comprennent rien.

Les jeunes s’en foutent par définition, et la détestent par définition : elle est le produit abstrait d’un monde qui vampirise leur image et leur énergie mais ne leur donne aucune place.

Les adultes la détestent car ils doivent faire semblant de la comprendre, voire de la justifier pour de sacro-saintes raisons économiques, alors qu’ils n’y comprennent rien.

Les nourrissons la détestent sans le savoir, et les vieillards sans y pouvoir quoi que ce soit, car elle dérègle les besoins fondamentaux, le sommeil, le manger, et le système immunitaire.

Ainsi va le temps bizarre de la montre, capable de rajouter une vingt-cinquième heure, ou d’en escamoter une autre, sans changer quoi que ce soit à notre temps de vie.

Peut-être alors une occasion de s’interroger sur le temps qui passe ?

Etre vieux : se noyer dans le passé, et ne plus pouvoir s’imaginer de futur autre que la mort.

Etre jeune : fuir à tous prix le passé, et s’imaginer sans cesse un avenir glorieux.

Etre vivant : se souvenir de l’instant présent, imaginer le temps qui passe ; se souvenir pour s’incarner et partager, imaginer pour donner du sens et de la densité.

Réinventer le passé, nous le faisons sans cesse, se souvenir du futur, car nous en portons déjà la graine. C’est quelque chose que de sentir le temps couler fluide et dense à l’intérieur de soi comme une eau lourde, chargée d’énergie vitale ; comme une eau profonde chargée du pouvoir de l’oubli ; comme une eau vive porteuse d’une conscience libérée du tic-tac de la pendule. Arrêter une goutte de ce temps qui s’écoule, parfois comme un ruisseau tranquille, parfois comme un fleuve en crue, parfois comme un torrent qui hoquète, parfois comme un tsunami destructeur, arrêter une goutte et la regarder glisser au creux de sa main. Juste avant que le fleuve n’atteigne l’océan.  

Alors elle peut paraître ridicule cette petite heure perdue ou gagnée, décrétée par quelques messieurs sérieux devant leurs colonnes de chiffres. Ridicule, sauf si elle arrive à stopper notre course un instant, pour réfléchir au temps qui passe, pour sentir le temps qui s’écoule, pour aimer le temps partagé.

horloge-originale.jpg

Voir les commentaires

Etre parents et homosexuels : les « psy » ont-ils à porter des jugements ?

par Marie-José SIBILLE

publié dans Cette société - c'est la notre !

La famille nécessite-t-elle un vrai Papa à zizi et une vraie maman à nénés, comme structure incontournable d’éducation d’un enfant ?

 

Voilà la nouvelle agora dans laquelle vitupèrent et dogmatisent certains psys médiatiques.

Le problème n’est pas bien sûr de parler du sujet de la parentalité homosexuelle, qu’elle soit adoptive, issue de la PMA ou autre solution. Le problème est l’éternelle confusion entre le jugement de valeur et l’expérience clinique, entre l’opinion et la complexité du réel.

 

Sur un sujet comme celui-ci comme sur tant d’autres, qu’est-ce qui fait réalité, qu’est-ce qui fait sens ? La complexité du vivant, qu’elle soit naturelle ou humaine ? Ou l’opinion dogmatique de quelques psys assis sur leur trépied œdipien ? Oedipe qui, trop souvent ramené au sens littéral le plus réducteur, perd son pouvoir fécondant pour la pensée.

 

Bien sûr ces tribuns réfuteront le terme d’opinion, et présenteront le fruit de leur pensée comme passé au crible de la Science et de l’amour de l’humanité.

 

Mais.

 

Quand on pense à toutes les manières dont les enfants ont survécu et survivent depuis la nuit des temps, quand on pense aux enfants loups, aux enfants élevés par leur grand-mère ou par une nourrice, aux villages africains, aux fratries résilientes, à toutes ces façons différentes, créatives, et souvent efficaces, de faire grandir un enfant ; quand on pense à tous les artistes, les génies ou simplement les gens heureux qui sont issus de ces formes familiales ; quand on pense en parallèle aux drames vécus dans les familles soi-disant plus normales, je me demande pour qui certains psys se prennent en se mêlant encore de définir les normes familiales. Les mêmes qui prédisent les pires malheurs aux familles adoptantes et aux familles monoparentales décrètent aujourd’hui l’insupportable désordre psychique induit par la parentalité homosexuelle, ne démontrant ainsi que la rigidité et la fragilité de leurs repères intérieurs. Ils font preuve a minima d’ethnocentrisme, donc simultanément d’égocentrisme et d’inflation du moi !

 

Puisqu’ils veulent des références scientifiques, ils ignorent encore apparemment celles concernant la théorie de l’attachement. Vous savez, celle où l’on voit des bébés oies s’attacher à un père humain, celle ou une maman lionne prend soin d’un bébé antilope, celle où la nounou africaine qui s’est occupée de moi depuis ma naissance a tellement plus d’importance dans ma construction psychique qu’un père toujours absent et une mère dépressive et infantile faisant le tour des boutiques de vêtements.

 

Est-ce un déni de réalité ? Est-ce la croyance – j’emploie volontairement ce terme – que toute famille qui ne répond pas au modèle œdipien (encore une fois interprété a minima sans aucune profondeur symbolique) est vouée à la Géhenne de l’archaïsme psychique et des pulsions anarchiques ?

 

Lire et entendre de tels mots chez des personnes qui sont censées faire un métier semblable au mien, basé d’abord et avant tout sur l’écoute empathique et le non jugement, paraît assez surréaliste. Mieux vaut lire un « vrai réac » en accord avec ses croyances que de lire des articles de psys qui font semblant de soutenir les homosexuels pour mieux leur dénier leur vrai droit de cité ; un peu comme les pseudos défenseurs des noirs et des femmes, qui militent pour qu’ils aient les mêmes droits qu’eux, à condition que le noir d’à côté n’épouse pas leur fille, ou que leur femme ne se mette pas en tête de gagner plus d’argent qu’eux.

 

C’est l’occasion de regretter encore une fois que les psychothérapeutes indépendants n’aient pas encore voix au chapitre dans les médias classiques, et encore moins les psychopraticiens. Trop d’entre nous n’ont pas encore trouvé le chemin pour mettre des mots écrits sur notre expérience quotidienne des corps, des émotions et des liens, pour mettre des mots sur nos pratiques un peu plus éloignées peut-être du savoir trop souvent dogmatique de la psychanalyse, et un peu plus proches de l’accueil quotidien. Du moins puis-je l'espérer.

 

Un des arguments massue depuis Dolto est qu’il faut « mettre l’enfant au centre » de la réflexion. Et les contradicteurs de l’adoption ou de la parentalité homosexuelle utilisent beaucoup des phrases comme : « et l’enfant dans ce débat ? », « et l’intérêt de l’enfant ? ». Comme j’ai eu l’occasion de le dire pour l’adoption, c’est très facile de parler à la place de l’enfant. Son nom l’indique étymologiquement[1], il ne parle pas, caractéristique qu’il partage avec Dieu et la Science. Ils sont donc nombreux ceux qui se précipitent pour être leur porte-parole officiel.

 

Osons donc encore une fois nommer la réalité : chacun a le droit d’avoir son opinion, mais ce n’est qu’une opinion, et non parole d’Enfance ou d’Evangile … !

 

Mettre l’enfant au centre peut consister à rappeler sans arrêt ce qui n’est pas acceptable : violences physiques et psychiques incluant la carence de soins, passages à l’acte sexuel, marchandisation. C’est-à-dire une variante des trois grands interdits de l’humanité : le meurtre, l’inceste et le cannibalisme. Cela est nécessaire et suffisant. Si l’on rajoute la déclaration des droits de l’enfant[2] (droit à avoir UNE famille, UNE éducation, …), ce n’est vraiment pas utile de rajouter quoi que ce soit : appliquons déjà ce qui existe. Tout le reste est une variation sur le thème de la liberté d’aimer, de la créativité éducative, de la remise en question quotidienne, avec ou sans l’aide d’une psychothérapie, de tous ceux qui ont pris l’engagement d’élever des enfants.

 

Les transformations sociales n’attendent heureusement pas l’aval des porteurs d’opinions pour se manifester et nous bouleverser. Elles n’attendent pas non plus leur aval pour porter des fruits bénéfiques ou néfastes, là encore peu importe ce qu’en ont dit les experts. Il suffit de lire les discours « d’experts » avec dix ans de recul - parfois moins - pour se rendre compte à quel point toute parole qui n’est pas basée sur la stricte transmission du vécu, tout discours qui n’assume pas d’être porté par un être humain limité par ses propres opinions et sa propre expérience, perd très vite toute valeur.

 

Bon courage donc, à toutes ces familles pionnières, à tous ces êtres qui, tout en mettant l’amour et le respect de l’autre au centre de leur vie, acceptent de sortir des schémas qui rentrent peut-être pile poil dans les triangles et les carrés, mais qui ont aussi produit les pires excès de la pédagogie noire dont parlait si bien Alice Miller.

 

 

 



[1] Infans : celui qui ne parle pas

 

 

Voir les commentaires