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La petite fille qui pleurait dans un coin

par Marie-José SIBILLE

publié dans Le quotidien - c'est pas banal ...

Elle m’a touchée cette petite fille au visage chiffonné, agrippée aux barreaux de l’école. Il a suffi que je me penche vers elle en lui demandant ce qui n’allait pas pour qu’elle fonde en larmes.

Elle voulait son papa.

Au moment où j’allais l’amener à la maîtresse, il est arrivé. Il m’avait vue avec sa fille, et s’était demandé ce qui n’allait pas.

De nombreux adultes passaient devant cette petite fille. Ils m’ont dit ne pas l’avoir vue.

Prendre ce temps de voir l’autre densifie la relation, nous fait entrer dans la profondeur. Une relation devient alors un univers à découvrir chaque jour, un nouveau continent à explorer. C’est le contraire de l’habitude : tout ce que je ne sais pas encore de toi, tout ce que je peux encore découvrir dans ton visage, dans ton sourire ; tous ces défis nouveaux que tu te donnes, toutes ces nouvelles réalités que tu connais aujourd’hui, alors que tu les ignorais hier.

Ce changement que tu vis à chaque instant et dont je ne prends pas toujours la mesure.

Vu sous cet angle, nous avons moins besoin de « quantité ». Un répertoire d’adresses chargé n’est plus forcément un signe d’intelligence relationnelle, mais de besoin de pouvoir, un signe d’adaptabilité sociale, ou tout simplement de bêtise, cette bêtise qui nous guette quand nous confondons richesse et accumulation.

Dans cette profondeur relationnelle, l’intime prend toute sa mesure, qui est infinie.

Je ne parle pas ici de la sécurité indispensable, en particulier à l’enfant, de certaines relations de base.

Je parle de la recréation permanente d’une relation.

Nos enfants changent tellement vite qu’ils peuvent parfois nous maintenir éveillés à cette qualité relationnelle, pendant le temps qu’ils passent avec nous.

Mais avant ? Mais après ?

Cet homme ou cette femme à côté de qui nous avons un jour choisi de vieillir, faut-il vraiment le changer pour un ou une autre, car nous n’aurons pas eu le courage de la remise en cause fondamentale ? Parfois oui bien sûr ; certains liens sont faits pour mourir un jour, en tous cas sous une certaine forme. Mais cela vaut le coup de bien se poser la question.

Et ces amis qui nous soutiennent depuis si longtemps, ces collègues avec qui nous avons appris la joie de travailler en équipe ?

Et le sourire d’enfant émerveillé qui illumine soudain le visage de ce vieillard grognon que vous croisez tous les jours à la boulangerie ; et cette femme épuisée par vingt-cinq ans de soumission à son patron et à son mari, précédés de vingt-cinq autres années de soumission à son père, qui change de look et crée sa micro entreprise en envoyant tout balader ; et qui réussit ; et ce cadre sup exploité jusqu’à la moelle par une entreprise tentaculaire et totalitaire qui s’installe comme apiculteur et commence à écrire des poèmes ; et ce couple qui tombe amoureux à 70 ans passés.  Il n’y a pas que l’ado rebelle et boutonneuse pour se transformer un jour en fleur épanouie ; il n’y a pas qu’à trente ans que l’on peut créer sa vie.

S’entraîner à voir chaque jour quelque chose de nouveau chez l’autre si proche, c’est aussi s’autoriser à soi-même ce renouvellement quotidien.

Tout va très vite. Et à la fois chaque seconde contient une infinité de possibles.

Cette petite fille au visage chiffonné, je pouvais voir le microtraumatisme se former dans son cerveau, dans son cœur, dans son corps : papa n’est plus là, alors que j’ai si peur.

Mais déjà l’accès aux larmes, puis le retour de l’être aimé ont à nouveau modifié, en un instant, toute la configuration intérieure de cette enfant.

La mutabilité de l’enfance est quelque part en chacun de nous.

A nous de la trouver, de voir ses larmes et son sentiment d’abandon ; de lui redonner le goût de jouer et de grandir, de vivre et d’apprendre, d’aimer et de créer.

Depuis quand n’avons-nous pas été  voir le petit garçon assis dans un coin du préau, la petite fille accrochée aux grilles de l’école ?

 

 

 

 

 

 

 

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V
<br /> Je suis très touchée par cet article, moi qui suis particulièrement sensible à la tristesse et à a colère, et notamment celle des enfants, qui ne mettent pas de barrière entre eux etles<br /> adultes.<br /> Je peux témoigner d'un "fait divers" dont j'ai été témoin hier dans la cour de récréation de l'école, alors que j'allais chercher mon enfant, et qui m'a bouleversée.<br /> Tout d'un coup, deux enfants de 8-9 ans se sont empoignés et ont commencé à se battre ; ils ne faisaient pas semblant, ils se battaient vraiment et je lisais la colère et dans leurs yeux et dans<br /> leurs gestes.<br /> Une des animatrices est intervenue pour les séparer, sans succès, se retournant un pouce dans le choc et prenant un coup dans le bas du dos .<br /> Un animateur est alors intervenu pour secourir sa collègue et essayer de maîtriser l'autre enfant, devenu totalement incontrôlable.<br /> Tant bien que mal, les enfants ont été séparés.<br /> Et j'étais là, secouée par la violence de cette scène chez des enfants aussi jeunes, touchée par la détresse que je pouvais lire dans les yeux de ces animateurs, la douleur physique de cette femme<br /> d'un certan âge qui se serait sûrement bien passée de cette intervention, la colère encore bien présente dans le regard de ces deux enfants, et la tristesse générale d'une scène devenue<br /> malheureusement banale chez des enfants de plus en plus jeunes.<br /> J'avais envie d'aller les trouver, ces deux enfants, et de parler avec eux, de comprendre ; mais ce n'était pas mon rôle ni le lieu, et aujourd'hui encore je suis triste.<br /> <br /> <br />
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