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Adieu Paure Caravàs ? Adieu Pauvre Carnaval ?

par Claire Sibille

publié dans Cette société - c'est la notre ! , Le quotidien c'est pas banal !

Adieu Paure Caravàs ?

Adieu Pauvre Carnaval ?

Version transformée et mise à jour de l’article paru en 2016

 

Brûlons le Bonhomme Hiver ! Brûlons Monsieur Carnaval !

Brûlons le Bonhomme Carnaval gras et repu, et, comme dans le rite du « San Pançart » béarnais, lançons contre lui et son épouse à la bêtise insondable, une horde de brigands et de voleurs au grand cœur, dans l’esprit de Robin des Bois, en chantant haut et fort pour que justice se fasse….

Brûlons les Bonhommes Hiver des carnavals nordiques, avides, aux doigts crochus, jetons-les au feu avec toute la misère morale, le repli mesquin et l’avarice qu’ils représentent.

Vous savez à quel point j’accorde d’importance à ce calendrier du Vivant dont je partage régulièrement la symbolique et la force. Que vient-il nous dire en cette dernière partie d’hiver où frémit déjà le réveil du Printemps ? Cette année, l’écho s’amplifie encore plus que d’habitude avec notre actualité, et la compréhension du mythe est d’autant plus nécessaire.

En plein hiver, l’individu ne survit pas seul, sauf à être un ours, de ceux que   décrivent les anciennes légendes, les Jean de l’ours pyrénéens par exemple, ces hommes revêches et coupés du monde, qui survivent dans la forêt.

La famille non plus ne suffit pas. Nous pouvons nous réfugier autour du feu du foyer, mais si la loi n’existe pas, les loups rodent bien près de la porte. Si le service public disparaît, l’énergie n’est bientôt plus suffisante pour chauffer la maison, la neige envahit les routes qui se dégradent vite, nous sommes coupés du monde. Le petit, le vieillard et le malade meurent de faim et de froid, abandonnés à leur sort, sans hôpitaux pour les soigner.

Voilà pourquoi l’hiver nous apprend la solidarité.

Ou, plus souvent, elle apprend la solidarité au peuple, et parfois la charité aux puissants.

Cette attention portée à l’innocent, au fragile, au petit, nous la trouvons dans les intitulés des fêtes de Carnaval : fête des innocents, des aliénés, des ânes, fête où les femmes ont exceptionnellement le droit de faire la fête, fête où le roi perd la tête et ou le fou devient roi. L’ordre du monde social s’inverse. Pour certains, c’est le signe du chaos et du péché, il faut fuir Carnaval et enfermer ses trublions. Pour d’autres, c’est un signe de régénération et de justice immanente. Nous en avons besoin dans l’hiver des sociétés, ou l’obésité repue des puissants, leur indifférence ou leur déni, leurs dépenses somptuaires, peuvent nous paraître insupportables.

La force du rituel, c’est aussi à l’intérieur de nous qu’elle agit : la colère et la joie sont deux émotions « chaudes », qui font obstacle au froid de la tristesse et de la peur. En préparant nos masques de Carnaval, nous nous autorisons à exprimer notre colère et à réveiller notre énergie vitale. En brulant le Bonhomme Hiver décharné mais avide, ou le Bonhomme Carnaval bouffi mais insatiable, nous pouvons aussi brûler notre haine, notre impuissance, notre avidité, les transformer en forces, réchauffer nos sentiments gelés, et finir en contactant la joie qui fait fondre les glaces.

Ces moments-clés du rythme des saisons sont marqués par des fêtes dans tous les calendriers du monde. Ils nous aident à prendre soin du vivant, à l’extérieur comme à l’intérieur de nous. Nul besoin pour cela d’être croyant, encore moins pratiquant d’une liturgie particulière. En plein hiver, la graine dort et prend des forces, les travaux des champs ne mobilisent aucune énergie : c’est l’heure pour l’homme du nettoyage et de la purification.  Le cycle de Carnaval commence au Solstice d’Hiver, la nuit la plus longue de l’année. Il trouve son apogée au Mardi Gras, cette année le 21 février, avant de laisser place au Carême, les 40 jours de jeûne après les débordements des jours gras. Rappelons que Carnaval signifie enlever la viande, une proposition toute d’actualité ! Les hommes se souviennent plus de l’abstinence que du débordement qui l’a précédée, mais l’une est inséparable de l’autre.

Aujourd’hui dans la même année, certains font gras au quotidien, alors que d’autres vivent 365 jours de privations. Ne vaut-il mieux pas alterner jeûne et abondance pour tous ?  Dans le temps du calendrier plutôt que dans l’espace social ?

Récemment sur France Inter (ou France Culture je ne sais plus), j’ai écouté une émission sur l’histoire des mois qui ont précédé la Révolution Française. Ce qui m’a touchée, c’est que jusqu’au bout le Tiers État, le Peuple, a fait confiance au roi pour tenir sa parole et l’écouter. Jusqu’au bout ils ont cru que le Clergé et la Noblesse allaient accepter de leur laisser un tiers des voix. Jusqu’au bout.

Alors, que doit faire le peuple quand les rois en place incarnent si bien les Bonhommes Carnaval ? Que faire quand chaque parole prononcée est suivie de l’action contraire ou de la parole opposée, à peine quelques mois plus tard, comme nous le montrent les archives ?  Que faire quand les peuples manifestent pacifiquement et sont confrontés à la violence, symbolique ou réelle, des puissants ? Que faire quand le peuple les observe s’écharper en pleine folie carnavalesque ?

Que faire quand les ânes et les fous sont déjà rois toute l’année ?

Alors, Adieu Paure Caravàs ? Si seulement !

En attendant, qu'on leur donne des beignets !

 

Le roi Carnaval encore sûr de sa toute puissance

Le roi Carnaval encore sûr de sa toute puissance

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