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Chroniques de la fin d'un monde (2).

par Claire Sibille

publié dans Cette société - c'est la notre ! , Le quotidien c'est pas banal !

Toujours pour mes abonné.es, la reprise de mes dernières chroniques de la fin d'un monde.

Au programme : Chroniques de la fin d'un monde 6 (la mort d'un arbre) et 7 (ressenti sur la guerre), suivies de trois messages de l'automne (Une toile d'araignée et des barbelés, un tapis de feuilles mortes, une figue gourmande).

Bonne lecture !

Chronique de la fin d’un monde (6).

Un arbre est mort sans raison, un cèdre magnifique, sur la place d’un petit village du sud-ouest, Amou. Peut-être illégalement, des recours sont en train d’être menés, et en tout cas contre l’avis de nombreux habitants qui se sont battus courageusement contre cette décision Jupiterienne de leur mairesse. Et oui Jupiter a une femme, Junon, qui conçoit l’exercice du pouvoir à peu près de la même façon que son époux.

Plus de nid pour les petits oiseaux sur la place du village, plus d’ombre contre les canicules, plus de ronde d’enfants autour du tronc, plus de musiciens venant jouer sous son feuillage. Aucune raison valable si ce n’est l’avidité habituelle et chronique d’une très grande partie de l’humanité. Alors oui, comme j’ai pu le lire dans un commentaire effarant, ce n’était qu’un arbre. Et cet arbricide peut paraître anodin à côté de la destruction de tant de forêts.

Mais ne laissons pas la forêt cacher l’arbre.

Pourquoi ?
Pourquoi ?
Pourquoi ?

Pourquoi ?

Chronique de la fin d’un monde (7).

Remarque : Article écrit juste après l'attentat du 7 octobre. Depuis, la mort continue à faire rage, et surtout, celle des enfants.  Faisons entendre notre voix de femme, notre voix d'homme non-violent.

Violence : Du silence, des cris, des mots.

Le silence est le premier complice de la violence. Absence d’émotions nommées, de sentiments partagés. De la part de la victime comme de celui du bourreau. Le point commun entre les victimes d’inceste, de viol, de maltraitances que j’accueille souvent, les personnes avant de se suicider « pour de vrai », et les victimes du terrorisme, de la guerre, de l’exil, de toutes les exactions commises par les hommes, c’est le silence, percé parfois par des cris.

Puis les cris s’apaisent et, parfois, les mots arrivent. D’abord les mots des témoins. Les mots des politiques voulant exister coûte que coûte, les mots des commentaires dans les réseaux plus ou moins agressifs, plus ou moins marqués idéologiquement, plus ou moins compatissants, les mots tendus des journalistes sommés de sortir un article, tout de suite.

Mes mots aussi. Vos mots.

Tout le monde est sommé de s’exprimer, et l’on reproche aux artistes de ne pas assez le faire. Se taire ou dire n’importe quoi, telle semble être l’alternative après un choc de cette ampleur.

Et ce qui peut m’habiter, c’est la même pudeur que face à un ami qui a perdu un être cher, un parent qui a perdu un enfant. Oui, condoléances, compassion, empathie. Mais impuissance. Juste être là. Et dans le cas de ces catastrophes climatiques et de ces guerres et attaques terroristes à répétition qui secouent le monde, si fortement depuis quelques années, n’avoir personne à prendre dans mes bras pour le consoler. En silence.

Au fur et à mesure que l’on s’éloigne de l’épicentre de l’attaque, nous arrivent les mots des victimes et les réflexions plus réfléchies. Par exemple la parole du secrétaire de l’ONU, Antonio Gutierrez, qui me fait penser à un pape laïc prêchant au milieu du désert pour la paix, l’égalité des peuples et des genres, et la prise en compte réelle de la catastrophe écologique. D’autres aussi, dont des poètes, peut-être que la poésie est seule capable, même en prose, d’exprimer la douleur et l’effarement. Une féministe Rebecca Amsellem , juive, donc très concernée par l’attaque terroriste du Hamas, a réussi à parler « depuis elle », sans céder aux injonctions, à la compassion lointaine, aux injures. Pourquoi je dis « depuis elle », malgré la lourdeur de la formule, et pas d’elle tout simplement ? Car « depuis elle » intègre l’altérité. Ainsi, le commentaire de Rebecca arrive à me toucher, moi qui suis non juive, sans que je me sente pour autant obligée de prendre parti, si ce n’est, toujours, pour les victimes. Dans ce contexte, c’est un exploit.

Et moi je parle à quel titre ?

Je parle en tant qu’humaine d’abord, préoccupée par cette auto-extinction pathologique, avide, et majoritairement masculine dont parle si bien Aurélien Barreau.

Et donc tout de suite après en tant que femme. Sous le choc, le premier jour de l’attentat, les journalistes parlaient des morts civils et militaires, et rajoutaient : mais aussi des femmes, des handicapés, des enfants, des personnes âgées. Il y a donc la norme, les hommes civils ou militaires, et les autres, dont je fais partie…

En tant que thérapeute ensuite, chroniquement et professionnellement sensible à la souffrance des victimes, bouleversée par ces jeunes qui venaient danser pour la paix, par ces parents ayant perdu tous leurs enfants, touchée que depuis leur souffrance extrême, assommés par leurs pertes, certains, certaines, arrivent à réclamer la paix, à chercher une solution sans chercher de coupable. Admirative.

Mais malmenée aussi par l’abrutissement insensé des bourreaux, leur existence réduite à une injonction pathologique de violence absolue. Certains parlent d’animalité, oh que non. Ce que nous pouvons trouver cruel chez les animaux, la femelle araignée qui mange le mâle, le lion qui happe la gazelle par la gorge, a toujours un sens, s’inscrit toujours dans un équilibre systémique. La violence que nous voyons fleurir partout à grande échelle chez l’homme a peut-être des explications, des causes, des racines, mais elle n’a aucun sens, et ne s’inscrit dans aucun équilibre naturel, si ce n'est, peut-être, celui d'un anéantissement nécessaire.

Je parle en tant qu’écrivaine enfin, qui croit que l’écriture est non seulement thérapeutique et résiliente, mais aussi créatrice d’avenirs meilleurs, car elle ouvre des chemins qui n’étaient pas perceptibles par la seule parole. Tant de textes écrits en prison, en camp de concentration, en exil, pendant une grave maladie, après une agression sexuelle, le prouvent.

Dessin d'Anja Rozen, 13 ans.

Dessin d'Anja Rozen, 13 ans.

D’où vient le dessin :

Ce dessin est d’Anja Rozen, une élève de 13 ans en primaire, en Slovénie. Elle a été choisie parmi 600 000 enfants du monde entier et a donné vie de ce à quoi ressemble la paix. Elle est la gagnante du concours international Plakat Miru. Elle nous dit : « Mon dessin représente la terre qui nous relie et nous unit. Les humains se tissent entre eux. Si quelqu’un lâche prise, les autres tombent. Nous sommes tous connectés à notre planète et les uns aux autres, mais malheureusement nous en sommes peu conscients. Nous sommes tissés les uns aux autres. Les autres tissent à mes côtés ma propre histoire; et moi, je tisse la leur ».

13 ans ...

35° : 13 octobre 2023 dans le Béarn

35° : 13 octobre 2023 dans le Béarn

C’est l’automne, qui ressemble à l’été, qui ressemble à la guerre.
L’automne où l’on récolte ce que l’on a semé.
L’automne où la Nature nous donne en abondance et sans compter.
Nous la remercions par la destruction, la violence et la mort.
Les toiles d’araignée viendront-elles à bout des barbelés ?

 

Laissez les vivre !

Laissez les vivre !

Laissez vivre les feuilles mortes ! Elles nourrissent le sol et les arbres, et des tas de petites bêtes, pourquoi les brûler ?

L'humour de la nature : Figue morte de rire qui s'éclate au soleil ou monstre assoiffé de sang ? À vous de choisir...

L'humour de la nature : Figue morte de rire qui s'éclate au soleil ou monstre assoiffé de sang ? À vous de choisir...

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