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Si je divorce, je me remarierai avec une plombière.

par Marie-José Sibille

publié dans Cette société - c'est la notre !

Si je divorce, je me remarierai avec une plombière.

 

Billet d’humeur : Agacée (limite énervée)

 

Quand j’étais petite il y avait les manuels et les intellectuels. Je vous passe le clan auquel il fallait appartenir. Ma mère, prof de français-latin-grec, ça date, essayait de valoriser régulièrement les premiers, dans une famille et un milieu d’intellos, elle hurlait dans le désert. Encore récemment, j’entends à la radio le ministre de l’éducation nationale dire que le problème essentiel de la France ce sont les mauvais résultats en sciences … Et qu’il faudrait qu’on se rapproche des résultats de certains pays asiatiques : vous savez ceux où si les jeunes ne se suicident pas plus, c’est parce qu’ils n’ont pas le temps, étant donné qu’ils ont des cours du soir parfois jusqu’à minuit pour suivre la pression de réussite qui leur est imposée. Mais heureusement il y a les pays de l’Europe du sud qui sont plus mauvais que nous.

On a beau dire que l’apprentissage c’est bien, qu’il n’y a pas de sots métiers mais juste de sottes gens, il n’en reste pas moins que le discours reste : passe ton bac S en classe euro même si ta passion c’est la cuisine et on discutera après … Pour avoir plus d’options dans la vie ? Mais d’options de quoi au juste ? 

Le nombre d’élèves dégoutés dans l’enseignement général fait peine à voir. Depuis l’école primaire. Heureusement qu’il y a la maternelle où on a encore le droit de bouger, dessiner et chanter. Heureusement que ce qui les intéressent le plus dans la scolarité c'est de retrouver leurs potes pour réseauter ensemble.

En fin de course, ceux qui se retrouvent inadapté.es et hors circuit social avec un master 2 même pas fait avec passion sont bien trop nombreux. Parce que la passion change tout, même le goût du chômage. Et surtout les capacités de survie et d’adaptation.

L’epistémophilie, c’est-à-dire le plaisir que l’on éprouve à apprendre, à comprendre, à connaître le monde est une donnée de base de l’enfant. C’est un principe de survie ! Il faut vraiment en faire pour le dégoûter. Et bien c’est fait. Un tiers des lycéens sont paraît-il en situation qui ressemble beaucoup au burn-out, et de ce que je peux voir, le stress remplace trop souvent le plaisir de découvrir, et les pétages de plomb émotionnels pour cause de problèmes familiaux, pression scolaire et autre overdose d’écrans sont devenus bien trop fréquents. Et d’après mes contacts infiltrés dans l’Education Nationale, en croissance exponentielle.

Et puis il y a le genre. Les filles dans le social et la psycho, où elles se retrouvent en train de prendre massivement soin des populations ignorées ou malmenées, de l’enfance en danger et des femmes battues, des victimes de l’alcoolisme et des jeunes ou moins jeunes migrants isolés.  De la même manière qu’elle s’occupent massivement des enfants et des personnes âgées, handicapées ou malades dans leurs familles. On parle quand même de plus de 90%, parfois largement plus, d’inscrites en première année de psycho. Combien de futures psyes sans emploi ? Et ça fait plus de six mois que je cherche un plombier pour faire ma salle de bains … Dans la filière ST2S du lycée d’à côté, travailleurs sociaux et infirmiers, il y a 32 filles pour 3 garçons. Mais la grammaire donne quand même la prédominance au masculin.

Ce n’est pas QUE culturel. C’est un fait bio-psycho-social, j’y reviendrais dans un autre article. En attendant, toutes ces professions massivement féminisées sont sous-payées, dévalorisées et propices à la maltraitance professionnelle et à l’épuisement émotionnel. Et quand une profession se féminise, c’est mauvais signe pour sa réputation et les salaires qui vont avec …

Les garçons quant à eux vont dans le technique et l’ingénierie. C’est pour cela que le bouton de réglage de mon congélateur est planqué derrière la machine contre le mur, inatteignable sauf au prix de contorsions terribles, de lampe de poche introuvable et de mal de dos récurrent. Ce sont des hommes qui ont pensé des objets dont ils laissent l’utilisation quotidienne aux femmes. Je suis sûre que vous avez vos propres exemples.

Ma fille est revenue un jour en nous racontant, stressée, qu’une de ses profs leur avait dit qu’il n’y aurait « que » 40 personnes qui seraient pris en classe prépa et que ceux qui voulaient faire partie de cette élite incontournable devaient encore plus se bouger et se mettre la pression. A quand l'ENE (Ecole nationale de l'empathie), à quand Sup de Co(mmunication bienveillante), à quand HEE (Hautes études émotionnelles) ?

Il y a d’autres modèles, on les connaît, pays du nord de l’Europe, où il fait tellement froid que c’est soit la bienveillance, la coopération et le plaisir d’apprendre les uns des autres, soit le suicide collectif comme les Lemmings, qui vivent là-haut eux aussi. On trouve aussi ce modèle dans certaines zones sensibles et d’éducation prioritaire où tout d’un coup le plaisir et la motivation, l’art, le sport, la coopération et la créativité prennent une place importante. Voir le développement de l’empathie et de la bienveillance. Les groupes de parole d’ados autour de la sexualité et des émotions. Les pratiques de méditation, de gestion du stress et des conflits. C’est un comble. Pour que mes enfants aient toutes leurs chances de se développer je vais les envoyer dans une ZEP où parmi les élèves « issus de la diversité » et extirpés de la délinquance et du terrorisme programmés, ils rencontreront des profs ouverts, créatifs et prêts à encourager non seulement la concurrence mais aussi la coopération, les deux dimensions de l’évolution d’après Darwin.

Au fait, vous avez l’adresse d’une plombière disponible ?

Il paraît que son bonnet coiffe les imbéciles ... heureux ?

Il paraît que son bonnet coiffe les imbéciles ... heureux ?

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QUAND LE GROUPE DEVIENT TOXIQUE

par Marie-José Sibille

publié dans Le métier de Psychothérapeute

Il m'a semblé utile de publier un article que je remets à jour régulièrement sur les phénomènes de groupe dans les champs de la psychothérapie et de la formation car je suis à quelques semaines d'animer un nouveau stage .

(mises à jour importantes avril 18 et inscriptions encore possibles pour deux personnes : http://www.sibillemariejose.com/2017/12/stage-l-enfant-interieur-source-et-ressource.html). 

Une version antérieure de cet article a été publiée dans un excellent ouvrage collectif sur les phénomènes de bouc émissaire(http://www.ho-editions.com/productdisplay/boucs-émissaires), sous le titre "Quand le groupe fait mal". Je l'ai à nouveau remanié et retravaillé, malheureusement encore inspiré.e par des situations plus ou moins pénibles rencontrées ici et là, mais aussi dans l'optique prioritaire de préparer les participant.es à mes propres groupes, qu'ils soient de psychothérapie, de formation ou d'intégration clinique (supervision et régulation). Ainsi ceux et celles qui ont lu le livre peuvent relire cet article sans problème.

C'est un long article destiné en priorité aux professionnel.les de la relation d'aide mais aussi à tous les participant.es des groupes, avec l'idée de faire évoluer les relations vers des approches beaucoup plus bienveillantes des uns envers les autres. UN AUTRE MONDE EST POSSIBLE. C'est aussi pour cela que je partage après l'article la chaîne You Tube "Et tout le monde s'en fout", une petite merveille de créativité et de résilience sociale que je soutiens à fond. Je vous mets l'épisode sur la bienveillance, 4mn30s de temps qui ne seront pas perdus. A voir et revoir, ça va très vite, ...

Si je me permets d'aborder ce sujet c'est que comme tous les autres, avant d'avoir pensé et ressentis ces phénomènes, je les ai vécus. Je n'ai pas encore âge de publier mon autobiographie (prévue pour l'année de mes 99 ans), mais je tiens à le dire, CETTE HISTOIRE EST INSPIREE DE FAITS REELS ... 

Je ne suis pas moins ravie de continuer le travail de groupe que je vis vraiment comme un incontournable du développement (durable !) de la personne, et je vous donne RV très bientôt dans un de ceux, très différents d'ailleurs, que j'anime cette année.

QUAND LE GROUPE DEVIENT TOXIQUE

 

Le mot groupe vient de l’italien « grupo » qui signifie « nœud ». Sac de nœuds, nœud de vipères ?

En tant que psychothérapeutes, nous sommes sensibles à la violence secrète qui règne dans les familles, au harcèlement moral dans l’entreprise ou l’école, à l’endoctrinement des mouvements politiques ou religieux ainsi qu’à la violence institutionnelle.

Qu’en est-il dans les groupes que nous animons ? 

Des formateurs ou des psychothérapeutes réputé.es refusent de faire face aux conflits et aux phénomènes de boucs émissaires dans leurs groupes, quand ils n’usent et abusent pas de leur pouvoir à différents niveaux dont celui de la sexualité.  Leur argument défensif est toujours pervers, c’est-à-dire inversé : la violence exprimée est due au « transfert », c’est à dire, selon l’usage abusif et simplificateur de ce terme, à ce que des participants mal dégrossis de leurs problématiques infantiles amènent dans la relation. Pour les abus ils ont été séduits, ou convaincus d’accepter s’il s’agit de dons. Ainsi la même personne reconnue comme victime de sa famille ou de son entreprise devient dans ces groupes une personne aveuglée par le transfert. Les mêmes situations que nous identifions comme de l’abus de pouvoir, de l’emprise, ou de l’escroquerie dans d’autres milieux, nous les nommons ici transfert négatif ou consentement éclairé. Il y aura toujours des situations où ce sera le cas, et où le psychothérapeute est en prise avec un.e patient.e dont il n’a pas su anticiper la problématique. Mais ce n’est pas le cas le plus fréquent.

En ce qui concerne les groupes, ce sera le rôle du diable, du traître, de celui qui part, que de parler des ombres. C’est-à-dire le rôle du bouc émissaire, « émissaire » signifiant « chargé d’une mission secrète », non évidente, non visible. Jeté du groupe ou le quittant de son plein gré mais dans la tension, il emporte avec lui tous les conflits non résolus, les questions relationnelles restées sans réponse acceptable, pour maintenir la cohésion mais aussi l’immobilisme du groupe. Pour aggraver la situation, le bouc émissaire partira le plus souvent avec le sentiment de sa propre faute et de son indignité, même s’il manifeste de la colère et de la révolte. 

Il prendra avec lui la culpabilité, cette plaie de l’innocence. 

Car pour que sa mission réussisse, il faut que le reste du groupe pense vraiment qu’il est « le mauvais », celui qui a péché, celui que l’on doit exclure.

Il existe dans les milieux qui sont les nôtres une tyrannie du bon groupe, une illusion du « bon lien » particulièrement tenaces. Il est difficile, parfois interdit, d’en nommer les effets destructeurs. Combien de fois ai-je entendu la phrase « mais nous sommes bienveillants, ou empathiques, ou chaleureux par définition puisque psychothérapeutes ».  Est-ce de la part de ces collègues un abus lié au déni, un oubli de son propre parcours de thérapie et de formation, une défaillance de supervision et de thérapie personnelle ? Ou juste une façon naturelle de se protéger justement … dans un groupe ? Je ne sais. Mais que deviennent dans ces discours les pulsions agressives du psychothérapeute ou du formateur ?  Ses points aveugles ? Ses parties dissociées ? Dans un autre style plus évitant, j’ai entendu des formateurs renommés interdire la gestion des conflits dans leurs groupes, disant que la seule chose importante est l’enseignement transmis ? Comment cela peut-il être efficient ? 

Parler de la non-violence à couteaux tirés est un biais très classique de notre société rationaliste, celle où « en théorie » tout va bien … On trouve ce clivage très fréquemment dans notre champ d’action. Or les groupes que nous animons, de formation comme de thérapie, sont aussi un espace de régression. Où la bienveillance et l’empathie sont loin d’être le fonctionnement de base malgré la théorie et souvent les bonnes intentions. 

Cette régression peut être temporelle, nous revivons alors des états, des souffrances, des traumatismes du passé qui se réactualisent. Elle peut être aussi structurelle, nous nous retrouvons par exemple sur les bancs de l’école pour apprendre à « penser comme », et franchir tous les barreaux d’une échelle mise en place par d’autres. 

L’environnement groupal interagit avec la personne en rejouant les parties les plus obscures de son histoire, avec l’intention consciente ou non d’être résolus, « résiliés » dans le double sens inspirant du mot.  Si le groupe rejoue les blessures de la personne sans transformation, il n’y aura pas évolution mais retraumatisation.

Les phénomènes brutaux et archaïques pouvant surgir dans la dynamique de groupe exigent une grande maturité de la part de l’animateur ou du formateur. Sinon le groupe fait mal, sans même la justification a posteriori de la résilience ou de l’apprentissage.

La violence la plus fréquente que nous trouvons dans les groupes qui nous concernent est la violence des mots. Elle est terrible. Il y a les mots qui fâchent. Il y a les mots qui enferment - par exemple dans une interprétation, ou dans un récit « sur l’autre ». Et il y a ceux qui veulent tuer en niant à l’autre le droit de s’exprimer. Ils viennent souvent de membres du groupe entre eux, parfois de l’animateur, parfois de l’ensemble du groupe contre une personne isolée, quand le « Nous », qui se voudrait plus différencié que le « On », nie tout autant le « Je » et le « Tu ».  Si ces violences ne sont pas traitées dans l’instant, dans l’ici et maintenant de la relation, sans faire immédiatement référence au transfert ou au passé, elles peuvent provoquer chez la personne de véritables symptômes post-traumatiques. 

C’est alors le « Nous » qui noue, qui nuit, qui noie.

Bourreaux, victimes, dans ce type de situations, ce qui « frappe » c’est l’absence du tiers, le tiers exclu : l'absence du tiers animant le groupe, ou du tiers venant du groupe. 

Le tiers, c’est le témoin indispensable qui empêche les dérives.

Le tiers s'inclut dans le groupe grâce à l’apprentissage difficile d’une communication sans violences et une écoute sans jugement. 

Mais il se développe aussi par l’autorisation de la parole interne sur le fonctionnement du groupe. 

Le type de groupe que nous animons combine des effets réparateurs autant que des côtés potentiellement destructeurs. Ces groupes sont, de fait, des systèmes initiatiques à différents niveaux. Je définirai succinctement ici l’initiation comme étant un changement profond et irréversible de la conscience devant passer par des phases de régression et d’autres de progression, voire de transgression. Toute initiation contient une forme de souffrance. Les initiations naturelles que sont la puberté, la maternité ou le vieillissement, sans même parler de la naissance et de la mort, nous le montrent. Cette souffrance est utile car à petites doses elle va permettre le saut qualitatif de la conscience. Mais la souffrance n’est justement pas la violence. Les formateurs, les psychothérapeutes, les anciens, ceux qui sont déjà passés par là, sont supposés soutenir celui qui traverse l’épreuve avec empathie.

Sinon le bizutage remplace l’accueil de l’autre, la violence dogmatique et l’élitisme cloisonné remplacent la formation, la retraumatisation remplace la psychothérapie.

Le développement de ce témoin intérieur au groupe, de ce tiers inclus, est encore très rare, ou source de nombreux conflits et incompréhensions.

Pourtant c’est à cette condition, c’est à ce niveau de maturité relationnelle, que les groupes que nous animons et auxquels nous participons pourront continuer à être de véritables lieux de régénération et de transformation du lien social. Et là je ne parle pas simplement au bénéfice de l’individu, mais aussi des instances collectives auxquelles il participe, de sa vie de citoyen.

C’est grâce à ce type de travail que dans le passé la supervision, la régulation d’équipes et l’analyse de pratiques ont fait leur apparition dans les institutions parfois même les plus fermées comme l’Éducation Nationale ou les services sociaux. C’est grâce à cette culture de la psychothérapie que les groupes de parole se sont développés un peu partout. Quelles transformations cette culture pourrait alors continuer d’amener dans la société si nous effectuons cette remise en question ?

Les groupes de psychothérapie en particulier sont féconds car ils nous relient aux sources du lien social. Ils nous parlent moins de la famille que de la Tribu, avec ses forces archaïques et ressourçantes reliant la profondeur du corps vivant et vibrant d’émotions au symbolique contenant le langage. Le groupe est alors cette tribu cannibale, meurtrière et incestueuse où nous transgressons allègrement tous les tabous. Mais cela doit rester virtuel, comme dans un jeu vidéo ! Ce type de groupe est souvent comparé à une matrice. Il en a la puissance vitale. Il est aussi un amplificateur des sensations, des émotions, des pensées, un tam-tam géant qui fait entrer en résonance non pas des percussions mais des têtes, des cœurs et des corps. Il doit pouvoir être aussi ce lieu de pensée collective et de développement d’une communication sans violence et sans guerre, ce lieu de transmission d’une mémoire qui permet la transformation.

A m’entendre parler ainsi de tam-tams et de tribus, vous devez penser que mes ancêtres vivaient dans quelque lointaine Afrique.

Vous avez tout à fait raison.

Les vôtres aussi d’ailleurs.

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