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« Entre deux mondes » et « L’Archipel du chien », deux livres à lire en bronzant sur la plage où s’échouent les migrants …

par Marie-José Sibille

publié dans Des livres profonds ... comme une psychothérapie ! , Cette société - c'est la notre !

« Entre deux mondes » et « L’Archipel du chien », deux livres à lire en bronzant sur la plage où s’échouent les migrants … morts ou vivants.

 

 

Je ne veux pas vous gâcher vos vacances si vous faites partie de la bonne moitié de français qui peut en prendre. Les vacances, même si ce concept est très géolocalisé, c’est bon pour la santé, pour la santé des familles et des couples aussi, et si elles se terminent par une séparation c’est qu’elle était nécessaire.

Donc non, profitons bien du sable chaud, de la mer et de la douceur des îles. Géolocalisées les vacances ? Intéressant de lire que le mot « migration » s’applique aussi bien aux vacanciers qui se déplacent en général du nord vers le sud, qu’aux êtres humains poussés par les guerres, les famines et le réchauffement climatique, qui vont dans le sens inverse. 

Franchement, y avez-vous pensé en prenant votre billet pour le sud de l’Italie ou les Iles Canaries ?

C’est d’ailleurs un des premiers constats des Calaisiens, dans le remarquable « polar », puisqu’il faut bien lui donner un genre « Entre deux mondes », écrit par un ancien humanitaire et policier, Olivier Norek, il sait de quoi il parle. Les migrants font fuir les vacanciers de la plage de Calais et les commerces en crèvent. On découvre ainsi dans son livre le choc des survies aux stratégies diamétralement opposées style grenouille locale contre grenouille importée, drame au fond du lac. Survie que le mot « Jungle de Calais » met en exergue, sans que l’on sache que c’est en fait les migrants iraniens eux-mêmes qui en arrivant ont appelé l’endroit « La forêt » car ils sont arrivés près de quelques arbres, jangal en iranien. C’est dans le livre, riche en informations glissées entre deux actions choc et péripéties émotionnelles. Ce mot a été vite anglicisé en « Jungle », prononcez jungueul, comme dans le super tube qui a fait fureur en même temps. Et pour nous la Jungle, c’est le lieu du chaos et de la survie. 

L’inconscient collectif existe, merci Jung.

Après ce livre coup de poing-plaidoyer mine de rien très instructif, vous pouvez plonger comme moi direct dans les eaux sombres de « L’Archipel du chien » pour y récolter quelques cadavres noirs et jeunes dont vous ne saurez pas trop quoi faire. Là on ne parle plus de polar car c’est Philippe Claudel membre de l’Académie Goncourt qui nous embarque dans son bateau de pêche. Certaines phrases sont si belles et si évocatrices que j’ai ressenti le besoin de les relire plusieurs fois avant de les laisser s’échouer sur le sable. Je ne vais pas vous spolier l’histoire. Plus complexe que la tragédie brute d’ « Entre deux mondes », sans que je n’y mette aucune connotation hiérarchique, elle nous fait plonger dans le noir de l’âme humaine. J’en ai fait des rêves sombres. J’y ai pensé plusieurs jours, jusqu’à comprendre ce qui m’avait autant marqué : l’Archipel du chien est une bonne métaphore de notre planète aujourd’hui. Impossible de prendre le ferry pour s’en aller. Il nous est demandé de faire face. C’est pour cela que je vous recommande un autre livre, "Le petit manuel de résistance contemporaine" de Cyril Dion, un qui donne du courage pour faire face justement, sans attendre que le voisin ne le fasse pour nous. 

Parce que le voisin voudra peut-être enterrer les corps sous le sable.

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