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ecotherapie

Et si tu en parlais à Quelqu’un ?

par Claire Sibille

publié dans Cette société - c'est la notre ! , Ecothérapie , La psychothérapie - de quoi ça parle , Le métier de Psychothérapeute

Et si tu en parlais à Quelqu’un ?

Billet d’humeur anonyme

Je fais partie de ces Quelqu’uns à qui vous parlez déjà si vous suivez les conseils de votre entourage.  Souvent de ces quelqu’unes d’ailleurs, il faut bien le dire, un héritage de l’enfance où c’était la plupart du temps tellement plus simple de dire ses problèmes à maman plutôt qu’à papa, quand on pouvait en parler.

Que les personnes qui prononcent cette phrase se sentent impuissants face à votre souffrance ou exaspérés par votre plainte, l’appel à Quelqu’un signifie d’abord : Quelqu’un d’autre que moi. Les plus proches et les plus évolués émotionnellement ont peut-être d’ailleurs commencé par Tu veux qu’on en parle ? avant de renoncer.

Et oui c’est vrai, vous devriez parler à quelqu’un.e de votre anxiété croissante, de votre dépression latente, de vos troubles psycho-alimentaires qui explosent pour cause de confinement. Vous devriez parlez à quelqu’un.e de cette peur de l’autre qui augmente ou au contraire du sentiment d’abandon qui vous fait fuir la solitude à n’importe quel prix relationnel.

Vous devriez parler à quelqu’un.e de votre couple qui va encore plus mal depuis le partage obligé de votre appartement pour cause de télé-travail.

Vous devriez parler à quelqu’un.e de cette angoisse de fin du monde qui vous prend quand en regardant une série de zombies, une dystopie concentrationnaire ou un thriller post-apocalyptique sur votre canal préféré, vous glissez dans l’oreille de votre co-canapéïste, Ah, mais tu trouves pas qu’on dirait notre vie ?

Vous devriez parler à quelqu’un.e de votre fille qui a fait une crise de panique ce matin à l’idée d’aller au lycée. Peut-être a-t-elle eu peur de tomber sur un de ses profs égorgé sur le banc, celui où elle fume d’habitude une cigarette interdite avec le bogoss de sa classe. Votre fils ne quitte plus sa Nitendo PS4 Switch en sachant que vous n’osez même plus intervenir par peur de renforcer le régime de contrainte dans lequel il vit déjà.

Mais pour vivre ce conflit télé-travail-couple-enfants-écran, il faut déjà que vous ayez pu garder votre boulot et votre famille, et que vous ne fassiez pas partie des victimes de la casse sociale bouleversante qui est en train de se produire sous nos yeux.

Vous n’habitez pas dans une grande ville et vous vous sentez protégé.e de l’angoisse sanitaire, de la crise sociale et de la violence terroriste ?

Vous irez alors peut-être parler à quelqu’un.e de votre solastalgie de plus en plus envahissante, cette nostalgie d’une nature et d’un monde qui n’existeront plus à cause de la destruction de la planète et du réchauffement climatique. Ils n’existent déjà plus d’ailleurs, vous vous en rendez compte tous les jours. Ce deuil chronique d’un futur impossible peut vous entraîner, si vous n’en parlez pas à quelqu’un.e,  vers la rage destructrice ou la dépression.

2020, cette année folle, cumule tous les dangers :

- panique sanitaire dont je vous laisse juger la légitimité,

- casse psycho-sociale indéniable chez les travailleurs, mais aussi chez les étudiants et les jeunes adultes coupés de leur élan vital,

- troubles émotionnels croissants chez les enfants angoissés et les vieillards laissés tous seuls encore maintenant,

- menace terroriste inoubliable, au cas où vous le pourriez, le plan Vigipirate est affiché partout,

- réchauffement climatique et ses conséquences terribles en termes de mortalité humaine et de perte de la biodiversité, les derniers chiffres sont sans appel.

Alors oui, il va bien falloir en parler à quelqu’un.e de tout ça.

Mais à qui ?

Chez les Incas, les personnages de haut rang étaient appelés les Grandes Oreilles pour leur capacité d’écoute. Je ne sais pas vous, mais ce n’est pas une appellation qui me vient spontanément en pensant aux dirigeants actuels de notre monde, les plus visibles en tous cas.

Dans l'iconographie antique, les oreilles représentées seules, par paire, ou multiples, étaient le symbole de la divinité qui écoute les prières des fidèles, y fait attention, en garde souvenir, voire les exauce.

Et là se niche un des grands conflits qui anime les quelqu’un.es à qui vous irez parler. Certain.es pensent que la parole suffit. Pas la parole criée dans le désert ou hurlée sur les réseaux sociaux mais celle entendue dans nos lieux de consultation.  

D’autres, c’est mon cas, ne le pensent pas. La parole, même entrant dans une grande oreille réceptive, empathique et non jugeante ne suffit pas. Je constate que la mobilisation du corps et des émotions à l’aide des nombreux outils auxquels nous pouvons nous former aujourd’hui ainsi que l’apport de la nature et de la créativité changent le temps de guérison des blessures émotionnelles.

Par ailleurs si le quelqu’un.e que vous allez voir ne s’est pas déjà écouté et entendu lui-même, son oreille sera encombrée de son histoire non digérée et cet énorme bouchon de cérumen émotionnel l’empêchera de vous entendre, même les oreilles grandes ouvertes.

Je nettoie régulièrement mes oreilles et je considère encore maintenant que c’est la base de mon efficacité professionnelle. Mais cette évidence personnelle ne fait pas du tout l’unanimité.

Bon, j’ai beaucoup parlé et je ne sais pas si quelqu’un.e m’a entendue. Ni même écoutée.

Et faisant partie des quelqu’unes, je ne sais plus trop qui je suis finalement.

Il va falloir que j’en parle à quelqu’un.e.

Deux oreilles attentives...

Deux oreilles attentives...

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L’Arbre Monde, billet d’humeur mystique

par Claire Sibille

publié dans Des livres profonds ... comme une psychothérapie ! , Ecothérapie , On peut choisir sa famille

L’Arbre Monde

Billet d’humeur mystique

Chronique de lecture estivale 

 

Assise depuis mille ans au coeur de la forêt, femme, que fais-tu ?

Je lis l’Arbre Monde de Richard Powers et je me transforme.

Doucement.

La tronçonneuse de l’homme est rapide mais la sagesse de l’arbre croît lentement, cercle de vie après cercle de vie.

Assise sur la terre sacrée, l’Être Monde qui accueille l’Arbre Monde, à moins qu’ils ne soient qu’une, à moins qu’elles ne soient qu’un, je me sens pousser des radicelles et de fines branches bourgeonnantes.

Non pas que je sois capable de les produire, mais l’Arbre Monde me traverse et me digère, utilise ma substance pour m’inclure en lui, pour que je ne sois plus séparée. Plus jamais seule.

Les Ents, les arbres parlant notre langage du Seigneur des Anneaux n’ont finalement pas disparu, ils ont peut-être retrouvé leurs épouses perdues. Ou alors, si vieux que je ne peux même pas l’imaginer, ils tentent désespérément de communiquer avec nous pour éviter la catastrophe, la destruction totale du vivant tel que nous le connaissons par les sbires avides de Mordor et de Saroumane.

Crise mystique provoquée par la lecture d’un livre, ni la première, ni la dernière, je plane et je m’enracine.

Le mot mystique décrit ce qui est caché, seulement accessible aux initiés. Mais à l’origine, comme dans le mot myope, il désigne l’œil et la bouche fermés. La racine du mot désigne le museau d’une vache. Pour être initié, nul besoin de suivre les injonctions élitistes de telle ou telle église, maître ou communauté, non, il suffit de s’asseoir dans la forêt, de fermer à demi les yeux et totalement la bouche. Mais il en faut du temps pour en arriver là, alors merci aux livres et merci aux inspirateurs, celles et ceux suffisamment équilibrés pour pouvoir se passer du mot maître, étymologiquement « celui qui domine, qui est le plus important ».

Ou peut-être puis-je accepter de nommer ainsi l’Arbre-Monde ? Non. Je crois que ce serait lui faire offense, lui qui accorde une importance totale au moindre champignon, au moindre insecte, au moindre oiseau, à toutes ces étincelles de vivant qui contribuent à son équilibre séculaire.

Mes plus belles échappées de lecture transformatrice je les dois à des livres de fiction.

Pourquoi ? Parce qu’ils évitent le dogme et la censure, la morale et les interdits, les castes et les classes, les maîtres et les disciples. Ils évitent les « tu dois », les « il faut », les « tu es comme ci » et les « tu devrais être comme ça », et encore pire « le monde est comme-ci » et « la vie et la mort ça marche comme ça ». Ces mots secs, jugeant, ordonnant ou encore envahissants, totalitaires que l’on trouve dans la plupart des livres supposés parler de « spiritualité », mot aussi peu fiable que le mot amour quand il s’agit d’évaluer la bienfaisance des comportements qui s’en inspirent. Souvent seuls les contes et les paraboles arrivent à éviter cet écueil. Parfois les témoignages quand ils se contentent de décrire le vécu sans en tirer une vérité universelle.

Ces livres dits de fiction nous font quant à eux humblement partager l’émotion, la sensation, l’expérience de l’autre si différent de nous. Ils nous offrent ainsi l’opportunité de nous transformer par empathie, dans une relation sécure, comme un nourrisson tétant le sein de sa mère ou le biberon de son papa. Comme un enfant jardinant avec sa mère ou cuisinant avec son père. Comme un jeune apprenant à faire avec et à être avec plutôt que de subir l’envahissement de savoirs fragiles et déjà dépassés au moment de leur transmission. Nulle injonction enfermante, de l’émotion et de la réalité partagée, de la co-naissance, des paroles habitées. 

Ils sont très rares les auteurs d’essais qui arrivent à cet objectif, mais il y en a quelques-uns, j’en parle régulièrement, Franz de Vaal et Mona Cholet pour n’en citer que deux. Ou encore des auteur.e.s résolument écologistes. Je leur ferai honneur dans un autre article.

J’ai lu beaucoup de nouveaux auteurs cette année, surtout de nouvelles auteures d’ailleurs, Sandrine Colette, Valérie Perrin, Karine Tuil entre autres. Des écrivaines qui parlent de l’intime sans oublier le monde autour, sans nombrilisme affectif, mais sans coupure avec la profondeur de l’affectivité et du corps, celles qui peuvent relier l’émotion à l’évolution de la société. 

J’ai ainsi partagé l’expérience de personnes très loin de moi et de mes préoccupations. Par exemple dans « Les choses humaines », le livre de Karine Tuil prix Goncourt des Lycéens 2019, souvent une bonne adresse, j’ai vécu un temps dans les méandres des médias parisiens et de l’addiction au sexe et au pouvoir. Lire ce livre c’était comme visiter un zoo étrange et triste, ou des bêtes ignorées venant de lointaines contrées s’agitaient sous mes yeux, enfermées dans leur cage. J’étais triste pour eux tout en étant consciente qu’ils s’en ficheraient totalement si jamais un jour j’existais à leurs yeux.

Par contre lire l’Arbre Monde, c’est tout le contraire. Les personnages jusqu’au plus atypique font partie de ma famille. Des grand-parents, des parents, des frères et des sœurs d’adoption sans réserve, des fils et des filles, sans aucune exception. L’empathie est simple et la transformation facile. 

Ainsi, si vous me trouvez sur la route des vacances enchaînée à un arbre, je ne suis pas abandonnée comme une chienne par un humain inconséquent, je suis juste en train d’empêcher un abattage meurtrier tout en me ressourçant. 

Mais vous pouvez quand même en cas de sécheresse verser délicatement  quelques gouttes d’eau sur le sommet de ma tête, je partagerai avec ielle.

 

 

 

 

 

Note d'écriture inclusive : iel ou ielle désigne un être non genré, ni masculin ni féminin ou les deux ou encore autre chose...

 

Merci, dans ce contexte particulièrement difficile pour les petites maisons d’édition, les libraires et les auteur.e.s de commander les livres dans vos librairies locale ou sur des sites regroupant ces librairies pour la vente en ligne.

 

 

#lelivreproduitdepremierenecessite

 

L’Arbre Monde, billet d’humeur mystique

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