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des livres profonds ... comme une psychotherapie !

Raconter des histoires ? Mais quelles histoires ?

par Claire Sibille

publié dans Des livres profonds ... comme une psychothérapie ! , Le métier de Psychothérapeute

Raconter des histoires ? Mais quelles histoires ?

 

Je déborde d'histoires à écrire, et c'est parfois difficile de mettre une priorité entre toutes... Alors que je navigue aujourd'hui entre un essai sur mon métier, le premier tome d'une trilogie policière fini mais en cours de relecture, le deuxième tome de la trilogie bien démarré, la suite d'"Inventaires" qui appelle quelque part dans ma tête, différents articles publiés ici et là, et quelques nouvelles pour des recueils ou des concours, je voulais partager avec vous cette importance des histoires qui se racontent près du feu. Ce très ancien rituel humain est souvent remplacé aujourd'hui par les réseaux, où l'on retrouve malgré tout ce besoin, autour d'un feu qui s'appelle aujourd'hui Internet. Mais heureusement, et contrairement aux histoires tristes qui parlent de sa disparition, le livre continue à être un remarquable support d'histoires. J'aime autant les écrire que les lire, et je partage avec bonheur ces lectures parfois sur ce blog, souvent sur les réseaux qui permettent la brièveté. N'hésitez pas à me mettre en commentaire si vous aimeriez les lire dans ce blog, je pourrais les regrouper une fois par mois par exemple. Je ne parle que des livres que j'ai aimés, et si certains livres me mettent très en colère pour différentes raisons, je les abandonne vite et garde cette colère pour me motiver à écrire plutôt que pour la distiller dans des critiques négatives. Ainsi vous ne pourrez pas vous fier à mes chroniques littéraires pour éviter un livre, je préfère partager ce que je peux de mes coups de cœur.

Je vous partage ci-dessous un extrait d'un recueil de nouvelles illustrées que j'ai écrit en 2017 et publié en auto-édition, Juste un mauvais moment à passer. Il a eu un très bon accueil mais j'ai arrêté de le rendre disponible suite à mon changement de prénom ! Je suis en train de le corriger et compléter en vue d'une réédition... en plus du reste ! Et le reste inclus un premier métier extraordinaire, celui dont je parle en premier ci-dessous. Et bien sûr, pour toutes les personnes qui ont déjà lu ce recueil, vous pouvez vous arrêter ici !

Un de mes métiers c’est d’être psychothérapeute.

Dans ce métier, j’accompagne des gens, des gens bizarres, vous, moi, ou encore les autres.

Je les accompagne pour qu’ils puissent recoudre ensemble des bouts de leur histoire, ces bouts déchirés par les traumatismes, les ruptures, les maltraitances, ces bouts usés par les carences et les manques.

Nous cousons ensemble, la tête penchée sur les émotions blessées et les sensations qui se sont absentées parce que c’était trop dur d’être là.

Parfois la personne me quitte en ayant reprisé son histoire, et ça donne des habits mettables en société, elle ne sera plus montrée du doigt, elle n’aura plus à faire semblant tout le temps.

Elle ne fuira plus sans cesse elle-même et le monde en espérant passer au travers, en voulant que personne ne la remarque.

Elle ne hurlera plus la nuit, roulée en boule sous sa couette en attendant en vain que le sommeil la prenne.

C’est déjà bien.

Mais parfois certains me quittent avec un habit que l’on dirait neuf tant il est bien coupé, juste sur mesure, tellement chic qu’il pourrait passer les époques et les milieux sans prendre une ride.

Ces gens ont un grand sourire en quittant le lieu de leur thérapie, et des larmes également, en écho aux miennes, les larmes de fatigue des yeux penchés sur l’ouvrage, les larmes de reconnaissance aussi de ce travail précieux réalisé ensemble, artisanal, impossible à réduire à une technique de coupe ou à un geste d’aiguille.

Ces gens ont les yeux plein de couleur et les mains pleines d’œuvres qui ne demandent qu’à naître et à nourrir le monde.

C’est leur réponse finale à ceux qui les ont détruits un jour, parfois juste en passant, parfois sans savoir vraiment.

Mon autre métier c’est d’écrire.

Décrire des histoires vraies dont j’essaie de comprendre le sens. Ces histoires, je les rends suffisamment fausses pour que tant de gens puissent se dire, tiens, elle parle de moi là, pour que tant de gens se reconnaissent en elles, que plus personne n’est désigné.

Ces livres s’appellent des essais, ils sont lus par des personnes qui cherchent à nourrir leur pensée sur un sujet donné.

Dans ces livres je ne témoigne que de moi, mais je transmets de l’autre.

Dans d’autres livres, comme celui que vous avez entre les mains, j’écris des histoires fausses.

Dans ces histoires fausses, c’est plus facile de décrire le traumatisme sans avoir peur de blesser quelqu’un, parfois juste en passant, parfois sans savoir vraiment.

Ces histoires fausses, c’est ma liberté d’être.

C’est une question d’aujourd’hui de vouloir savoir si une histoire est vraie ou fausse.

Or, toutes les histoires sont fausses car nous recousons sans cesse notre habit de vie avec de nouvelles pièces trouvées de ci de là, et en recousant, nous transformons, nous réinventons le passé, nous proposons de nouvelles fins possibles.

Et toutes les histoires sont vraies aussi, car nous ne sommes jamais coupés de ce que nous écrivons ou de ce dont nous parlons. Même en le voulant très fort, même en voulant être neutres, nous ne pouvons partir que de nous.

Certains voudraient regarder la vie des autres, et décrire leurs émotions comme si ces autres étaient des rats dans un laboratoire.

Ces certains-là pensent vraiment être différents des personnes qu’ils observent avec objectivité.

D’une autre espèce.

Je n’ai jamais cru à cette fable.

Ces faits que je décris, je ne les ai peut-être pas tous vécus. Mais ces émotions je les ai ressenties, ces sensations se sont imprimées dans mon corps, ces mots je les ai prononcés.

Cette histoire de l’autre, elle m’appartient en partie, sinon elle ne pourrait sortir de moi.

Il y a une nuance quand même.

Dans les histoires que j’invente, je peux jouer avec des fins différentes. Sentir ce que c’est de mourir ou de vivre, tester des émotions, comme mélanger des parfums, voir celles qui me disent quelque chose, et celles qui ne me disent rien, les jeter.

Je ne peux pas faire ça avec les histoires vraies.

Elles ne m’appartiennent pas, elles n’appartiennent même pas toujours à ceux qui les vivent.

Mais nombreuses sont aussi leurs fins possibles, avec juste un tout petit peu d’imagination.

C’est comme cela que les histoires, vraies et fausses, tissent sans arrêt notre humanité, fil de chaine sur fil de trame, rouge sur bleu, noir sur blanc, ton sur ton.

Les vraies histoires mettent des limites, les fausses ouvrent des possibles.

Les vraies histoires ne sont vraies qu’à l’instant où nous les vivons, puis elle se dépêchent de devenir fausses afin de rester cachées.

Quant aux fausses histoires, elles nous parlent toujours vrai, sinon elles ne seraient jamais racontées.

C’est ainsi que jour après jour, minute après minute, la tisseuse d’histoires ne s’arrête jamais sur sa toile.

Un merveilleux échange transocéanique, et un soutien d’écrivaine reconnue à mon roman « Inventaires ».

Un merveilleux échange transocéanique, et un soutien d’écrivaine reconnue à mon roman « Inventaires ».

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Une histoire de femmes ?

par Claire Sibille

publié dans Cette société - c'est la notre ! , Des livres profonds ... comme une psychothérapie ! , Le quotidien c'est pas banal !

Femme lisant. Picasso.

Femme lisant. Picasso.

Une histoire de femmes ?

La littérature est-elle sexiste ?

Billet d'humeur sur le sexisme inconscient d'hommes biens sous tous rapports

Je n’ai jamais entendu des lecteurs ou des lectrices de Houellebecq ou de Norek constater le peu de femmes présentes dans leurs romans, ne parlons pas d’héroïnes. Par contre j’ai eu déjà trois fois cette réflexion, d'hommes très sympas par ailleurs : « c’est une histoire de femmes », ou encore « il n’y a pas beaucoup d’hommes dans votre roman ». C’est faux. Il y en a beaucoup, comme l’ont heureusement remarqué d’autres lecteurs. Mais ce ne sont pas les héros. Les personnages de premier plan sont des femmes.

Un peu agacée, je suis allée voir par curiosité les catégories de Babelio et j’ai été confirmée dans mon intuition. Il y a une grande catégorie « histoire de femmes ». La thématique comporte 149 romans. Si vous tapez par contre « histoire d’hommes » vous en trouvez sept dont le premier qui s’appelle tout simplement histoire d’hommes… Qu’en déduire ? Rien que de très banal. Un roman dont les héros sont des hommes est tout simplement un roman. Un roman dont les héroïnes sont des femmes devient… un roman de femmes.

On trouve la même chose dans le racisme. La norme étant l'homme blanc, si vous devez mettre d'autres origines ethniques dans vos écrits vous devez le préciser. Un noir, une asiatique... C'est une des difficultés de l'écriture contre laquelle j'ai buté. Enervant... mais impossible de faire autrement sous peine de n'avoir que des hommes blancs dans l'histoire !

La même culture patriarcale nous ayant nourris fait que simplement deux écrivaines faisaient partie des 22 textes proposés au bac français il y a trois ans (je cite d’ailleurs cette anecdote dans mon roman).

Il n’y a pas si longtemps les hommes trouvaient plus facilement un éditeur car prometteurs de plus de ventes qu’une femme. Heureusement cet adage est mis à mal, à la fois par la romance au kilomètre produite tant par l’édition classique que par l’auto-édition, mais aussi par quelques brillantes écrivaines comme Leila Slimani, Alice Zeniter ou Clara Dupont-Monot pour rester en France. Elles commencent à changer la donne mais simplement dans les dix dernières années et encore on les remarque, ce qui n’est pas  le cas des écrivains.

Si vous regardez les peintures, impossible de ne pas remarquer l'ambiance générale, malgré toutes les exceptions : les "femmes lisant" sont souvent alanguies sur un divan. Normal elles lisent des romans d'amour. Les "hommes lisant" sont à leur bureau, se tenant la tête entre les mains. Normal, ils pensent.

Enfin, regardez les prix littéraires. Même le prix « Femina » créé par réaction à la misogynie ressentie du Goncourt, peine à nommer des femmes… Là encore une inflexion existe depuis quelques années, mais l’idée de discrimination positive, déjà présente dans le nom de ce prix, m’est venue à l’esprit, ce qui veut tout dire…

Alors même si je pense que mon roman fera un beau cadeau de fête des mères vu son thème, ne vous inquiétez pas, c’est d’abord un roman…
Et je termine donc par un commentaire reçu ce matin de la part d’un homme :
« J’ai lu votre bouquin et j’ai passé un super moment ! Ça fait partie de ces bouquins dont j’aime savourer chaque phrase petit à petit et y revenir ». Laurent.


Vous avez bien sûr noté le bouc-uin. A noter pour les amateurs d’étymologie que le « vieux bouc » (bouquin), qui désigne tant l’animal que l’homme débauché, est un homonyme qui n’a rien à voir… en théorie !

 

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