Une histoire de femmes ?
Une histoire de femmes ?
La littérature est-elle sexiste ?
Billet d'humeur sur le sexisme inconscient d'hommes biens sous tous rapports
Je n’ai jamais entendu des lecteurs ou des lectrices de Houellebecq ou de Norek constater le peu de femmes présentes dans leurs romans, ne parlons pas d’héroïnes. Par contre j’ai eu déjà trois fois cette réflexion, d'hommes très sympas par ailleurs : « c’est une histoire de femmes », ou encore « il n’y a pas beaucoup d’hommes dans votre roman ». C’est faux. Il y en a beaucoup, comme l’ont heureusement remarqué d’autres lecteurs. Mais ce ne sont pas les héros. Les personnages de premier plan sont des femmes.
Un peu agacée, je suis allée voir par curiosité les catégories de Babelio et j’ai été confirmée dans mon intuition. Il y a une grande catégorie « histoire de femmes ». La thématique comporte 149 romans. Si vous tapez par contre « histoire d’hommes » vous en trouvez sept dont le premier qui s’appelle tout simplement histoire d’hommes… Qu’en déduire ? Rien que de très banal. Un roman dont les héros sont des hommes est tout simplement un roman. Un roman dont les héroïnes sont des femmes devient… un roman de femmes.
On trouve la même chose dans le racisme. La norme étant l'homme blanc, si vous devez mettre d'autres origines ethniques dans vos écrits vous devez le préciser. Un noir, une asiatique... C'est une des difficultés de l'écriture contre laquelle j'ai buté. Enervant... mais impossible de faire autrement sous peine de n'avoir que des hommes blancs dans l'histoire !
La même culture patriarcale nous ayant nourris fait que simplement deux écrivaines faisaient partie des 22 textes proposés au bac français il y a trois ans (je cite d’ailleurs cette anecdote dans mon roman).
Il n’y a pas si longtemps les hommes trouvaient plus facilement un éditeur car prometteurs de plus de ventes qu’une femme. Heureusement cet adage est mis à mal, à la fois par la romance au kilomètre produite tant par l’édition classique que par l’auto-édition, mais aussi par quelques brillantes écrivaines comme Leila Slimani, Alice Zeniter ou Clara Dupont-Monot pour rester en France. Elles commencent à changer la donne mais simplement dans les dix dernières années et encore on les remarque, ce qui n’est pas le cas des écrivains.
Si vous regardez les peintures, impossible de ne pas remarquer l'ambiance générale, malgré toutes les exceptions : les "femmes lisant" sont souvent alanguies sur un divan. Normal elles lisent des romans d'amour. Les "hommes lisant" sont à leur bureau, se tenant la tête entre les mains. Normal, ils pensent.
Enfin, regardez les prix littéraires. Même le prix « Femina » créé par réaction à la misogynie ressentie du Goncourt, peine à nommer des femmes… Là encore une inflexion existe depuis quelques années, mais l’idée de discrimination positive, déjà présente dans le nom de ce prix, m’est venue à l’esprit, ce qui veut tout dire…
Alors même si je pense que mon roman fera un beau cadeau de fête des mères vu son thème, ne vous inquiétez pas, c’est d’abord un roman…
Et je termine donc par un commentaire reçu ce matin de la part d’un homme :
« J’ai lu votre bouquin et j’ai passé un super moment ! Ça fait partie de ces bouquins dont j’aime savourer chaque phrase petit à petit et y revenir ». Laurent.
Vous avez bien sûr noté le bouc-uin. A noter pour les amateurs d’étymologie que le « vieux bouc » (bouquin), qui désigne tant l’animal que l’homme débauché, est un homonyme qui n’a rien à voir… en théorie !