2020 : Enterrer les morts, prendre soin des vivants
2020 : Enterrer les morts, prendre soin des vivants
Je dédie cet article aux 500 millions estimés d’animaux morts dans les incendies en Australie.
Si je vous demande comme ça de me citer :
- 3 relations mal finies que vous aimeriez vraiment oublier,
- 3 objets dans votre maison dont vous vous demandez – quand vous les voyez par hasard – ce qu’ils font encore là,
- 3 fantômes dont vous n’avez toujours pas fait le deuil malgré la demande qu’ils vous font de les lâcher enfin,
- 3 situations inachevées que vous n’achèverez jamais, comme ce tricot commencé qui traîne au fond d’une armoire.
Je suis sûre que vous n’allez pas réfléchir longtemps.
Si vous n’arrivez pas à trouver, soit vous êtes déjà sage, soit vous êtes dans le déni.
Être dans le déni c’est apprendre très tôt à enterrer les morts dans les placards de la mémoire, sans se rendre compte qu’ils sont encore vivants. Leur fureur devient alors terrible au fil du temps qui passe, et quand ils sortent rien ne peut les arrêter.
Les mort-vivants font recette comme jamais dans l’imaginaire collectif, pas simplement celui des ados accros aux films d’horreur.
Ils sont aussi toutes ces parties de nous que l’on n’arrive pas à achever, à enterrer ou incinérer, mais qui ne sont plus vraiment vivantes, désirantes, créatives, ressourçantes.
Ils sont un message essentiel pour notre société.
Si le culte des ancêtres et le respect des morts ont toujours fait partie des fondamentaux de l’humanité, j’entends de l’humanité humaniste, car il faut clairement différencier deux dimensions de ce terme aujourd’hui, il se doit d’être en équilibre avec un autre de ces fondamentaux : le respect des vivants, qui passe par le fait de prendre soin de la vie sous toutes ses formes. Peut-être est-ce une de nos erreurs anthropologiques d’avoir défini l’émergence de l’humain par le culte des morts, au lieu de l’avoir associé à l’accueil du tout petit, du vivant nouveau-né.
L’imaginaire morbide qui s’épanouit actuellement nous parle de cette emprise de la mort sur la vie.
L’humanité n’arrive plus à enterrer ses morts, ils débordent de partout, non seulement ceux de sa propre espèce mais ceux de l’ensemble de la biodiversité, ce ne sont pas les milliers de koalas qui grillent en ce moment en Australie qui diront le contraire.
Ce premier ministre australien voyant son pays brûler et refusant de changer ses décisions pro-charbon me fait penser à Néron regardant Rome brûler à ses pieds.
Néron, au moins, était officiellement fou.
Les morts du passé n’en finissent pas de réclamer justice, les morts du présent encore plus nombreux et abominablement sacrifiés si possible poussent derrière pour avoir leur mot à dire, et les morts du futur déjà nous font signe à travers les effondrements et fins du monde annoncés.
Comment lutter ?
Il existe un courant, celui de la culture régénératrice, une sorte de permaculture appliquée à l’humanité, encore très peu connu chez nous où il est diffusé - et pas forcément facilement appliqué - uniquement dans des groupes très militants. Ce courant insiste sur la primauté du « prendre soin », prendre soin de soi, de ses relations, de ses actions, des communautés auxquelles nous appartenons et de manière plus vaste, de notre écosystème le plus proche et le plus lointain. C’est aussi le cœur de mon métier de thérapeute et l’étymologie du mot.
En lien avec la théorie de l’Attachement, c’est-à-dire la Naissance et l’accueil de nos premiers jours sur terre, et l’Ecoféminisme, cette réflexion, je dirais même cette ascèse car c'est une démarche très exigeante, où la tâche prioritaire n’est plus de produire et d’accumuler mais de prendre soin du vivant paraît essentielle aujourd’hui si l’on veut survivre et surtout ne plus nuire.
Tous mes vœux alors, pour une année où ayant pu enterrer vos morts et vos situations inachevées, vous pourrez enfin vous interroger : suis-je en train, là, de prendre soin du vivant ?
En moi ?
Dans ma famille ?
Dans cette relation ?
Dans ce conflit ?
Dans mon travail ?
Dans mes créations ?
Dans le lieu où j’habite et dont j’ai la charge ?
La réponse est simple : Oui.
Ou Non.
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