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le quotidien - c'est pas banal ...

Je vous souhaite de changer le monde ...

par Marie-José Sibille

publié dans Le quotidien - c'est pas banal ...

J'espère que vous vous êtes embrassés sous le gui, "celui qui guérit tout" d'après les Gaulois.

J'espère que vous vous êtes embrassés sous le gui, "celui qui guérit tout" d'après les Gaulois.

Je vous souhaite de changer le monde ...

Quelle sera l'humeur du monde cette année ?

L'année dernière, peu après les voeux, les attentats contre Charlie marquaient notre vie. Ces évènements, et ceux qui ont suivi, nous ont bouleversé  émotionnellement. Mais peut-être n'ont-ils pas encore d'imapct au niveau des actes quotidiens, car nous sommes lents à amener de vraies modifications dans nos vies. Cela fait partie de notre fonctionnement neurophysiologique, mais aussi émotionnel, mental et relationnel, de rechercher le connu, et de préférer suivre les sillons déjà creusés par nous ou par nos prédecesseurs. Et ce même quand le connu est, pour certains d'entre nous, le vécu involontaire ou la quète choisie de l'insécurité quotidienne. Ainsi, malgré les attentats devenus partie intégrante du paysage, malgré le réchauffement climatique, vingt degrés de plus que d'habitude au Pôle Nord quand même fin décembre, malgré les enthousiasmes et les élans, peut-être n'avons nous pas changé tant que ça dans notre quotidien. Ou peut-être juste en mobilisant encore plus nos défenses, pour résister à la peur, à l'angoisse, à l'urgence transformée en état général. 

Cette force d'inertie et de resistance devient une qualité quand on l'applique paradoxalement à initier un changement dans notre vie. Modifier une habitude, une seule, suffit. Ainsi, telle une note nouvelle dans un morceau connu, telle une première pierre ou la naissance d'un enfant, telle un nouvel amour ou un amour renouvellé, voilà que cette habitude nouvelle ouvre une fenêtre sur un paysage que nous n'avons jamais vu, sans avoir besoin de partir à l'autre bout du monde pour cela. Portés par l'élan de la nouvelle année si cela vous peut vous aider, les cycles du temps existent, essayez, changer une seule de vos habitudes suffit, et attention aux réactions en chaîne ...

Arrêter de fumer, méditer, se mettre au sport, se mettre au jeûne, changer de profession, changer sa vie amoureuse, pas forcément en changeant de partenaire, mais, s'il le faut, avoir ce courage,  ou au contraire celui de s'engager enfin, faire une psychothérapie, faire une retraite dans le désert, s'occuper d'une personne qui a besoin, décider de s'occuper enfin de soi, changer sa manière de voir le monde en lisant d'autres livres, en étudiant d'autres pensées, sans peur et avec le moins de préjugés possibles, créer de nouveaux mondes, par l'art et par la pensée, par la relation et par l'action.

C'est ainsi que je vous souhaite de changer le monde, en en créant un nouveau, ici et maintenant, dans votre quotidien.

Aujourd'hui.

Maintenant.

Pour participer à la mémoire collective, je vous redonne le lien vers un des articles que j'ai écrit au moment des évènements de janvier dernier. Il n'a malheureusement pas trop vieilli.

http://www.sibillemariejose.com/2015/01/la-psychotherapie-a-t-elle-quelque-chose-a-dire-sur-charlie.html

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Noël : Vieilles blessures et nouveaux élans

par Marie-José Sibille

publié dans Le quotidien - c'est pas banal ...

Noël : Vieilles blessures et nouveaux élans

Noël : vieilles blessures et nouveaux élans

Quand j’étais petite, Noël était LE moment important de l’année, plus encore que mon anniversaire, les grandes vacances ou la rentrée des classes.

Pendant la nuit, nous nous levions avec ma soeur pour guetter l'arrivée du Père Noël, cachées derrière les deux énormes fauteuils de nos grand-parents maternels.

Plus grandes, l'échange des cadeaux avait lieu à minuit. Le rituel instauré par mes parents m’a marquée : nous prenions à tour de rôle un cadeau pour l’autre, et nous partagions tous les quatre la joie du destinataire. Rituel pour apprendre à différer son désir tout en partageant l'émotion de l'autre.

Ces moments d'exception côtoyaient d'autres plus difficiles. Les tribus paternelles et maternelles que l'on visitait à cette occasion nous faisaient alterner les fous-rires et les jeux traditionnels comme les papillotes à surprises, avec de sombres moments, où la dinde bouffie des uns et le poulet rôti des autres, finissaient déchiquetés dans ce champ de ruines que constituent souvent les après-repas familiaux. Au moment des cadeaux, tous les enfants se précipitaient, avec l’angoisse secrète de se faire piquer son paquet par les autres. C’était l’horreur, celle des soldes et des distributions de nourriture par les organisations humanitaires. Ces bizutages familiaux je les ai retrouvés à l’identique dans de nombreux groupes sociaux qui confondent la socialisation avec l'emprise et la domination. Je savais ainsi où ces personnes avaient pu les apprendre.

Mais c'était la famille, avec l'apprentissage de l'autre, et la régulation des appétits de tous, c'était la famille irremplaçable, avec - parfois - sa sécurité affective et - toujours - sa chaleur animale.

La période de la fin de l’année est un moment où la tension entre la famille idéale, la famille rêvée, et la réalité de la vie affective ou de son absence apparaît dans toute sa cruauté. Quelle que soit la douleur que certaines familles font vivre à leurs membres, peu arrivent à s'en passer, comme d'un mal nécessaire, comme d'un bien douloureux.

Quelques phrases extraites de séances de psychothérapie autour du temps de Noël nous parlent de cette ambivalence.

« Dans ma famille, on ne se fait pas de cadeaux »

C’est ainsi que Béatrice décrit le repas de Noël chez ses parents. Elle ne se rend pas tout de suite compte du double sens de sa phrase, qu’elle employait au premier degré. Une fois, me dit-elle, j’ai voulu transgresser cette règle et offrir un cadeau à mon frère qui revenait d’un long voyage. La famille a pris cela comme un besoin de « faire mon intéressante ». J’en ai entendu parler pendant des années !

« Ma grand-mère comptait les points entre ses trois fils et félicitait le vainqueur en chantant ses louanges »

La fratrie est aussi importante que les parents dans notre construction. La psychanalyse centrée sur le triangle oedipien papa-maman-bébé a mis du temps à lui donner toute sa place. Comment s'est-elle construite ? Autour de la solidarité ? De la rivalité ? Nous y sentons-nous en sécurité, en danger ? Dans quelles proportions tout cela ? Comment nos parents nous ont unis pour mieux nous autonomiser, ou nous ont divisés pour mieux régner ? Sûrement un mélange de tout cela. Parfois les frères et soeurs n'ont pas eu le temps de bien se connaître avant de se séparer, pris dans des loyautés incompatibles, irréconciliables, envers leurs parents.

« De toute façon, je suis de garde à Noël »

Comme d’ailleurs tous les Noëls depuis 5 ans. Carole est jeune infirmière, célibataire. Fille éternelle de sa mère, elle lui dit « non » de cette manière. Les séances avec Carole sont des hémorragies émotionnelles. Elle trempe littéralement le coussin de ses larmes, coussin qui termine chaque séance dans la machine à laver ! Elle amène des rêves de sang qui s’écoule de son corps, d’hémorragies incontrôlables et de rage impuissante. Sa mère remplit régulièrement son garde-manger de légumes du potager, légumes que Carole laisse pourrir avant de pouvoir enfin les jeter, culpabilisée et écœurée à la fois de ce gavage alimentaire. L’évocation du kilo de haricots verts « oubliés » dans le placard, et retrouvés moisis trois semaines plus tard, la plonge dans le désespoir. Nous sommes en plein dans le dégoût, le trop plein du même, dont Carole n’arrive pas à sortir. D’ailleurs il n’y a pas d’homme dans sa vie.

En voici d'autres qui nous parlent de nos enfants, et de leur perte autour de Noël, ou ravivée à ce moment qui célèbre la naissance et le Tout petit en chacun.

« C’est comme si j’étais enceinte de lui en permanence, mais sans qu’il y ait d’accouchement au bout »

Dominique vient de perdre son fils de 18 ans atteint d’une leucémie foudroyante. Pour accompagner un tel deuil traumatique, un drame de l’ici et maintenant, il ne s’agit pas d’aller chercher dans l’enfance les racines improbables d’un tel évènement, mais d’écouter, d’être avec, ensemble dans la souffrance ultime, celle de l’impuissance face à la mort. Après, peut-être, quelque chose pourra se retisser, un sens, un élan vers la vie. Après, plus tard, loin de l’évènement.

« C’est contre-nature de perdre son enfant »

Nadine a perdu il y a quelques mois sa fille de 33 ans. Celle-ci venait de mettre au monde huit mois plus tôt son premier fils. Il est âgé maintenant de 18 mois ; elle le reçoit à Noël avec son père, qu’elle connaît très peu. Cette rencontre tant attendue est une déception profonde. L’enfant ne quitte pas son père d’une semelle, on le comprend, et la grand-mère lui fait peur. Parce qu’elle est inconnue ? Ou au contraire parce qu’il reconnaît en elle la chair et le sang de sa mère morte ? Un deuil n’est jamais identique à un autre. Il ne suffit pas de dire, pour expliquer la souffrance d’un individu : c’est normal, il a perdu sa mère à l’âge de deux ans. Non. Quel contexte, quel accompagnement, quelle solitude ont accompagnés cette perte ? Quelle attitude des différents adultes autour de l’enfant ? C’est là que nous trouvons les racines de la résilience, ou celles de la dépression chronique, fruit d'un stress post-traumatique qui n'a pas été pris en compte.

Effondrée dans mes bras, elle crie comme un animal la perte de son bébé

Marie est une toute jeune maman qui a attendu son deuxième enfant, un garçon, dans la joie mais aussi dans une angoisse certaine, attribuée à des problèmes de communication dans son couple.

Le bébé naît début décembre, dans un état grave non décelé avant l’accouchement. Mis immédiatement sous appareillage de survie, il tiendra trois semaines, avant de mourir exactement le 21 décembre, la nuit du solstice d’hiver, la vraie nuit de Noël. Noël, étymologiquement, c’est la naissance. La renaissance de la lumière au cœur de la nuit la plus longue de l’année, la naissance renouvelée de l'enfant intérieur. Pour Marie, elle a été particulièrement longue cette nuit du solstice. Au désespoir de la perte, s’ajoute la culpabilité d’avoir laissé son bébé aux mains des machines. Peut-être – c’est sa question - eut-il mieux valu pour son enfant quelques heures de lien précoce et de chaleur maternelle que trois semaines de survie dans une machine ?

L'enfant c'est aussi la vitalité intérieure, celle que nous pouvons régénérer régulièrement dans ces rituels autour de la lumière et de l'obscurité. Ainsi au matin de Noël peut renaître cet enfant intérieur, plein de vie et de projets. Mais parfois ce sont les ténèbres qui enfantent leur noir cadeau.

Alors, le Père Noël devient un intrus. Par le conduit de la cheminée, il pénètre dans le cocon protecteur du foyer. Bien sûr, il a pris rendez-vous, mais c’est toujours la surprise! Bref, si c’est la plupart du temps un vrai papa magique, il se transforme parfois en noir sorcier.

Il amène de l’ailleurs dans le même. Et quel ailleurs ! Neige, froid, rennes, traîneau, lutins, cadeaux …

L’intrus, celui qui s’immisce dans la fusion, n’est pas toujours positif. Il amène l’effet de surprise, la présence de l’autre. Mais cette surprise peut être mauvaise, comme dans l’inceste ou le viol. La surprise se transforme alors en emprise. Pas l’emprise écœurante du même, mais meurtrière de l’autre.

Cette mauvaise surprise, c’est aussi la mort quand elle n’a pas pris rendez-vous.

« J’ai mis son cadeau de Noël dans le caveau, à côté de l’urne funéraire »

Le père de Sabine vient de se suicider, après avoir refusé de venir chez elle, sa fille unique, pour Noël. Avant de mourir, il a dépensé ou détruit tout l’argent qui lui restait. Dans son imaginaire déformé et passablement paranoïaque, elle était « la mauvaise fille », à qui il ne fallait rien laisser. Quant à elle, comme chaque année, elle lui avait acheté un cadeau. D’ailleurs, en rangeant la maison de son père après les funérailles, elle retrouve dans le grenier les cadeaux des années précédentes, non défaits, non utilisés. Amour sans réponse d’une petite fille pour son père, bouteille à la mer, cri dans le désert.

« Ce sera mon dernier Noël »

De quel état suicidaire plus ou moins conscient vient de jaillir cette phrase chez Sophie, jeune cadre dynamique en perte d’ambition et de désir propre, typique de ces personnes « devenues pharmaciennes parce que Papa ne l’était pas ».

Le travail fait dans sa psychothérapie laisse peu à peu apparaître un inconsolable chagrin d’amour, une douleur brute et palpitante, un morceau de cœur arraché, irréparable, bien caché dans sa grotte d’intellectualité froide et efficace. Accepter de dire ce manque absolu, de tenter de l’approcher, de survivre à son contact, est sûrement la pire épreuve que Sophie ait à affronter. Elle l’affronte avec courage, mais aussi avec révolte contre la psychothérapie, suivie d’un effondrement émotionnel qui demande à être accompagné et contenu.

La mort apparaît parfois comme une solution à l’excès de souffrance, comme le montre ces suicides d’adolescents « simplement parce qu’une fille l’a plaqué ! ». Ce n’est pourtant qu’en acceptant ce contact avec son cœur brisé que Sophie arrivera peu à peu à repriser sa vie affective.

En fouillant dans son histoire, elle arrivera à trouver une autre blessure d’amour, plus originelle, celle qu’elle vécu, petite fille de 3 ans voyant sa mère quitter le foyer sans explication, témoin impuissante des incompréhensibles larmes du père.

Mais la blessure du passé n’efface pas, ne cautionne pas, ne remplace pas, n’explique pas celle du présent. Elle permet juste de sentir le niveau de profondeur de la souffrance, elle empêche la banalisation, elle relie le chagrin d'aujourd'hui aux insécurités précoces des liens d'attachement.

« Il faudrait que quelque chose arrive. Il y a le printemps, il y a l’été, il y a l’automne, il y a l’hiver. Et pour moi, il n’y a rien. »

Sylvain vient de donner la définition imagée de sa dépression.

Certaines personnes vivant un état dépressif peuvent répondre par une vie très ritualisée, en fait mécanisée, parce qu’elle fonctionne à l’économie d’énergie, dans une sorte de taylorisme psychique visant à faire le moins de gestes possibles pour simplement maintenir la vie.

Ces rituels sécurisants, robotisants, sont le contraire du rite, l’instant sacré, chargé de sens, qui exprime l’intensité de la vie qui circule, et du contact avec l’au-delà, ou l’en deçà, des mots.

Pour Sylvain, la vie s’étire sans fin, sans faim, sans rythme, dans un éternel présent dépourvu de sens, encadré par le travail, le sommeil, la télévision. Les séances de psychothérapie sont le moment de la semaine où il se sent vivre. Il a très peur de devenir dépendant. Cherchez là où le lien le blesse !

Il s'agit ici de la dépression dans sa forme chronique, ou rendue chronique par le contrôle des médicaments. La forme brutale de la plongée dépressive, pouvant aller jusqu’au suicide, s’apparente davantage à une régression profonde, post-traumatique ou provoquée par désorganisation de l'attachement, une angoisse profonde qui se réveille et n'a pas pu s’exprimer autrement.

Noël est ainsi un de ces moments de l’année qui augmentent les contrastes : pauvreté et abondance, isolement et chaleur familiale, avidité et solidarité, désespoir et espérance, joie des liens vivants et tristesse des pertes et des séparations, créativité généreuse et avare impuissance. Des moments comme ceux-là voient ainsi augmenter suicides et états dépressifs.

Ce vécu social qui met le manque et la pauvreté en avant, ce vécu familial parfois toxique, cette renaissance intérieure qui ne se fait pas toujours, ce sont les ombres du temps de Noël.

Elles sont particulièrement fortes cette année, celle d'un début de prise de conscience généralisée du réchauffement climatique et du désastre écologique, celle où le terrorisme nous a touché de plus près que d'habitude. Aujourd'hui c'est possible de dire que le Père Noël est avant tout un actionnaire de multinationale et un grand pollueur, et que son empathie ressemble plus au paternalisme débonnaire de celui qui se remplira la panse en oubliant son compagnon, le Père Fouettard, celui qui nous rappelle les limites et la sobriété.

Dans le film "Demain", sorti pendant le temps de l'Avent, nous voyons au contraire comment la solidarité peut remplacer la charité, comment la créativité peut remplacer l'impuissance. C'est un bon antidote d'aller voir ce film si vous souffrez de dépression saisonnière, et sinon un bon moyen de relancer votre potentiel d'action, de revitaliser votre enfant intérieur.

Je suis grande aujourd'hui , pourtant Noël reste un moment magique , un moment où l’on peut « donner comme des adultes et recevoir comme des enfants » , comme le disait un vieil homme juste avant de mourir, un moment où laisser entièrement la place au lien d’humanité, à commencer par le plus proche, le plus petit, le plus intérieur. Suis-je capable de regarder au fond de moi pour me pencher sur ce nouveau-né, renouvellé, suis-je capable de lui donner un regard de tendresse et suffisamment de sécurité pour qu'il continue de grandir une année de plus ?

Remarque pour les anciens lecteurs attentifs : 

Une ébauche de cet article est paru en décembre 2001 pour le Bulletin de l’Association d’Analyse psycho-organique. Une version plus longue dans mon blog le 7/12/2010, sous le titre: " Joyeux Noël, quand Noël réveille de vieilles blessures ". Cette version a été entièrement revue et complétée.

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