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le quotidien - c'est pas banal ...

L’automne est là : tout me tombe dessus !

par Marie-José Sibille

publié dans Le quotidien - c'est pas banal ...

L’automne est là : tout me tombe dessus !

Les noisettes, les noix, ça fait toc sur le crâne. Les pommes, ça fait mal, mais ça peut provoquer un éclair de génie parfois, en tombant sur le bon côté de la tête. Les figues, ça s’écrase. Bientôt les châtaignes, ça pique.Les feuilles, plus tard, après les fruits. C’est léger, c’est beau, un bouquet de feuilles de toutes les nuances d’un soleil couchant.

Les feuilles des cahiers, c’est la rentrée, les feuilles d’agenda qui se remplissent aussi de choses qui semblent tomber du ciel.Les listes qui s’égarent et qui tombent des tables, et j’oublie ainsi de nourrir le cochon d’Inde ou de laver les couettes, le mot est tombé sous l’armoire, le post-it s’est décollé du frigo.

Les listes de courses tombées devant les caisses des magasins, j’aime bien essayer de les lire de haut. Est-ce que la personne négligente l’a jetée après usage, ne pensant pas, ou juste une seconde avec une pointe de culpabilité, à l’homme ou la femme en charge du ménage qui devra la ramasser ? Ou est-elle tombée de son sac ? Elle oubliera alors de prendre la lessive, ou le fromage râpé, ou l’équerre magique que son fils lui réclame depuis une semaine.

Il y a les listes qui tombent des plus hautes branches des institutions, les papiers à remplir ABSOLUMENT sous peine des foudres de l’école, des impôts, de la sécu, de tous ces êtres collectifs qui récoltent des feuilles, feuilles vite mortes, oubliées dans une armoire aux archives où elles ne pourront pas se composter en un humus noir et nourricier. Elles se dessécheront en ne servant à rien, peut-être pour les plus chanceuses à faire le nid de quelques souris.

L’automne est là dans toute sa plénitude. C’est un bon moment pour penser à l’abondance et à la pénurie, à ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien, et à tous les autres. C’est un bon moment pour penser à la récolte et à la transmission en regardant l’abondance des fruits. C’est un bon moment pour méditer devant l’arbre qui donne sans compter, sans réfléchir, sans contrôler. Lui sait qu’il va renaître au Printemps, que la dormance qui l’attend en hiver lui est essentielle. Nous, nous ne le savons pas, ou nous l’avons oublié.

Mais nous ne sommes pas des arbres. Ni même des animaux qui hibernent.

L’automne est là et finie l’insouciance. L’obscurité qui croît chaque jour depuis le solstice d’été se fait maintenant plus visible. Un point d’équilibre, une porte, un passage ont été franchis.

C’est un bon moment pour réfléchir à la perte, en regardant tomber les fruits, en se demandant jusqu’où on va les suivre, dans quelle nuit, dans quel devenir, dans quelle alchimie possible ? Confitures, tartes juteuses, tagines succulents ? Ou dévorés par les insectes ?

C’est un bon moment pour réfléchir à la chute aussi, en regardant tomber les feuilles. Ou la pluie. 

S’écraser, tomber dans le vide, rebondir, se relever, la chute est un grand thème. Depuis la première chute dans le ventre de la mère, jusqu’à la dernière qui me pousse hors du monde sensible.

Alors, à l’automne, me vient un vertige : m’accrocher aux branches ou laisser tomber ?

Cueillette d'automne

Cueillette d'automne

Comprendre la dormance:

La dormance est un terme qui regroupe toutes les formes de vie ralenties nous dit le dictionnaire. Cela réduit l'activité métabolique et aide ainsi l’organisme à conserver de l’énergie. Il s’agit d’une stratégie de minimisation des risques mise en place chez une vaste gamme de d’êtres vivants. La dormance tend à être étroitement associée aux conditions environnementales.

L’hiver le plus long ? Une graine de lotus sacré a germé au bout de 1300 ans de dormance (https://fr.wikipedia.org/wiki/Dormance).

Entrer en dormance pour éviter la faim, la soif et le froid de l’hiver. Entrer en dormance pour fuir la maladie, la vieillesse et la mort, ces trois sages qui ont aidé le Bouddha à connaître l’illumination. Souhaiter la dormance à ces autres nous qui vivent dans le mauvais hiver permanent de la guerre, de la famine, de la tyrannie. Entrer en dormance en espérant germer de nouveau dans un monde apaisé.

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Quitter la mer en septembre …

par Marie-José Sibille

publié dans Le quotidien - c'est pas banal ... , La psychothérapie - de quoi ça parle

Quitter la mer en septembre …

Séparation ou Rupture, les fins possibles du lien

Rupture, brisure, déchirement. Cassure, scission, sécession. Divorce, arrachement. Guerre, discorde, division. Jusqu’à la mort, la perte irrémédiable et jamais consolée.

Ils sont nombreux les mots parlant de l’aspect douloureux voire tragique de la séparation.

Et il est vrai que si nous faisons le point dans nos vies, combien de séparations définitives avons-nous vécues positivement ? En amour ? En famille ? Dans le travail ?

Pourtant le mot « séparer » vient de « faire naître ». La même racine a donné « sevrer ». Pourquoi alors ce processus si beau qui consiste à accepter de quitter le ventre de la mère pour devenir un être « à part », comme nous l’indique l’autre racine du mot, devient-il source de tant de drames ?

Comme si nous avions gardé en nous l’empreinte de la terreur du bébé face à la séparation première, celle de l’abandon possible.

Comme si cette séparation première était anticipation de la séparation dernière, celle de la mort.

La perte douce du lien est pourtant possible avec les morts. Cela se nomme le processus de deuil quand il s’accomplit. Il est déjà rare. Combien de deuils sans parole, ou pris dans la violence d’une fin tragique ? Pourtant j’en rencontre parfois de ces personnes devenues plus riches de leurs morts, sans qu’il soit ici question d’héritage.

Le même processus est très difficile avec les vivants.

Combien de séparations définitives pouvons-nous ne pas nommer ruptures ? Combien de séparations amoureuses dans le dialogue et le partage ? Combien où nous nous sommes dit : « tout est dit, tout est consommé, je peux partir sans haine et sans regret ».

Et les séparations d’avec nos parents, comment nous ont-elles permis de nous sentir grandi, soutenu, inspiré ? Combien où nous nous sommes senti lâché, abandonné, oublié peut-être ? La maman louve mordille les fesses de ses petits pour les pousser à prendre leur envol, non plus hors de son ventre, mais hors du ventre de la meute. Acceptons-nous toujours, de l’autre côté du lien de filiation, d’aider nos enfants à partir ? Ou les gardons-nous encore un peu pour qu’ils nous tiennent chaud en hiver, quitte à se plaindre ensuite de leur manque d’autonomie ? Ou les abandonnons-nous d'un seul coup, dans l'adolescence ou dans l'âge adulte, pour ne pas avoir à souffrir, nous-mêmes, de les voir s'en aller ?

Pourtant, nous avons tous en nous une image qui nous parle de la séparation, jusqu'à celle ultime de la mort, comme d’un processus naturel, comme d’une fin possible sans rupture, comme d’un accomplissement du lien.

Et d'une promesse de réunion, ailleurs, autrement. Différents.

Cette image s’enracine dans nos moments premiers.

L’attachement est cette idée sensible qui nous parle des premiers instants de vie, de notre naissance, de la chute hors du ventre de notre mère, de l'accueil dans ses bras, dans des bras en tous cas, des bras qui nous ont transmis le monde. Le même attachement se rejoue et se recrée à chaque lien nouveau ou renouvelé. Le même attachement, enfin, nous parle aussi de nos derniers moments et du comment mourir.

L’une de ces images ressource est pour moi celle de la mer en septembre, l'image de l’océan que je quitte, bouillonnant ou étal, dans la lumière chaude de la fin de l’après-midi.

C’était hier.

C’était toujours.

Mon corps encore baigné de cette énergie du lien, je sais que maintenant je suis seule, séparée de cette source.

Séparée de ce lien-là, je dois traverser les jours sans la revoir, la mer. Elle est en moi pourtant. Mélange de nostalgie profonde et de bonheur accompli. Images ancrées dans ma mémoire. Sensations inscrites dans ma chair. Emotions nourrissant ma créativité.

Et c’est peut-être le premier signe d’une séparation réussie d’en ressortir plus fort, comme si le lien à l’autre faisait partie de moi. Comme si l’autre, loin de me retenir, m’autorisait à partir, marée qui retient, marée qui entraîne au large, ou marée qui pousse vers la plage, la mer est encore là.

Quitter la mer en septembre c’est un peu mourir. Mais c’est une mort douce, comme un drap de soie qui glisse sur la peau en nous laissant partir vers une nouvelle journée pleine de projets et de promesses. Je pars, car la journée m'appelle, mais je porte la mer en moi. Je la porte à travers tous ces moments où je l'ai quittée sans savoir si je la reverrai un jour, rien ne garantit jamais le retour possible.

Je la porte en moi depuis toujours.

Car toutes les fins possibles nous parlent d’enfance.

C’est rassurant.

Comme si le lien se retissait sans cesse, comme si le temps était vraiment cyclique. 

Comme si après l’hiver, le printemps, jusqu’au bout.

 

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