L’automne est là : tout me tombe dessus !
L’automne est là : tout me tombe dessus !
Les noisettes, les noix, ça fait toc sur le crâne. Les pommes, ça fait mal, mais ça peut provoquer un éclair de génie parfois, en tombant sur le bon côté de la tête. Les figues, ça s’écrase. Bientôt les châtaignes, ça pique.Les feuilles, plus tard, après les fruits. C’est léger, c’est beau, un bouquet de feuilles de toutes les nuances d’un soleil couchant.
Les feuilles des cahiers, c’est la rentrée, les feuilles d’agenda qui se remplissent aussi de choses qui semblent tomber du ciel.Les listes qui s’égarent et qui tombent des tables, et j’oublie ainsi de nourrir le cochon d’Inde ou de laver les couettes, le mot est tombé sous l’armoire, le post-it s’est décollé du frigo.
Les listes de courses tombées devant les caisses des magasins, j’aime bien essayer de les lire de haut. Est-ce que la personne négligente l’a jetée après usage, ne pensant pas, ou juste une seconde avec une pointe de culpabilité, à l’homme ou la femme en charge du ménage qui devra la ramasser ? Ou est-elle tombée de son sac ? Elle oubliera alors de prendre la lessive, ou le fromage râpé, ou l’équerre magique que son fils lui réclame depuis une semaine.
Il y a les listes qui tombent des plus hautes branches des institutions, les papiers à remplir ABSOLUMENT sous peine des foudres de l’école, des impôts, de la sécu, de tous ces êtres collectifs qui récoltent des feuilles, feuilles vite mortes, oubliées dans une armoire aux archives où elles ne pourront pas se composter en un humus noir et nourricier. Elles se dessécheront en ne servant à rien, peut-être pour les plus chanceuses à faire le nid de quelques souris.
L’automne est là dans toute sa plénitude. C’est un bon moment pour penser à l’abondance et à la pénurie, à ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien, et à tous les autres. C’est un bon moment pour penser à la récolte et à la transmission en regardant l’abondance des fruits. C’est un bon moment pour méditer devant l’arbre qui donne sans compter, sans réfléchir, sans contrôler. Lui sait qu’il va renaître au Printemps, que la dormance qui l’attend en hiver lui est essentielle. Nous, nous ne le savons pas, ou nous l’avons oublié.
Mais nous ne sommes pas des arbres. Ni même des animaux qui hibernent.
L’automne est là et finie l’insouciance. L’obscurité qui croît chaque jour depuis le solstice d’été se fait maintenant plus visible. Un point d’équilibre, une porte, un passage ont été franchis.
C’est un bon moment pour réfléchir à la perte, en regardant tomber les fruits, en se demandant jusqu’où on va les suivre, dans quelle nuit, dans quel devenir, dans quelle alchimie possible ? Confitures, tartes juteuses, tagines succulents ? Ou dévorés par les insectes ?
C’est un bon moment pour réfléchir à la chute aussi, en regardant tomber les feuilles. Ou la pluie.
S’écraser, tomber dans le vide, rebondir, se relever, la chute est un grand thème. Depuis la première chute dans le ventre de la mère, jusqu’à la dernière qui me pousse hors du monde sensible.
Alors, à l’automne, me vient un vertige : m’accrocher aux branches ou laisser tomber ?
Comprendre la dormance:
La dormance est un terme qui regroupe toutes les formes de vie ralenties nous dit le dictionnaire. Cela réduit l'activité métabolique et aide ainsi l’organisme à conserver de l’énergie. Il s’agit d’une stratégie de minimisation des risques mise en place chez une vaste gamme de d’êtres vivants. La dormance tend à être étroitement associée aux conditions environnementales.
L’hiver le plus long ? Une graine de lotus sacré a germé au bout de 1300 ans de dormance (https://fr.wikipedia.org/wiki/Dormance).
Entrer en dormance pour éviter la faim, la soif et le froid de l’hiver. Entrer en dormance pour fuir la maladie, la vieillesse et la mort, ces trois sages qui ont aidé le Bouddha à connaître l’illumination. Souhaiter la dormance à ces autres nous qui vivent dans le mauvais hiver permanent de la guerre, de la famine, de la tyrannie. Entrer en dormance en espérant germer de nouveau dans un monde apaisé.