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L’universalisme ? C’est moi ! Et pas ielle et iel ...

par Claire Sibille

publié dans Alterégales , Cette société - c'est la notre ! , Le quotidien c'est pas banal ! , On peut choisir sa famille

L’universalisme ? C’est moi ! Et pas Ielle et iel ...

Billet d’humeur sur «  iel, ielle » et les ministres de l’éducation (hommes et blancs)

 

Depuis un certain temps déjà, quand je me regarde dans la glace, je vois une femme blanche. Avant je voyais une femme, ou une fille. Je peux dater ce changement de quelques mois avant la sortie du film « Alibi » (2017). J’étais alors dans le métro parisien et en voyant les affiches je m’étais dite : ils sont trop blancs, même le chien est blanc, ça ne correspond ni à mon pays, ni à ma vie.

Bien avant d’avoir conscientisé ma race, je l’avais fait pour ma sexualité. Je suis clairement une femme hétérosexuelle monogame (je veux dire monogame quand je suis en couple, ce qui est mon cas depuis 31 ans). Dans toutes les couleurs de l’arc-en-ciel sexuel, plusieurs variantes m’ont attirée mais sans me proposer une alternative satisfaisante. Récemment je me suis bien reconnue dans l’écosexualité, cette expérience de communion intime y compris physique avec la nature. Mais je ne l’aurais jamais identifié comme une sexualité au sens restrictif du terme. Car faire l’amour avec le soleil, le vent, la mer ou l’arbre est une expérience non individualisée alors que la sexualité l’est, me semble-t-il.

L’affiche toute blanche m’avait mise en colère.

Mais c’est le pronom inclusif « iel » et ses déclinaisons, reconnu la semaine dernière par l’incontournable dictionnaire Robert qui a mis en colère, entre autres, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation. Il aurait pourtant bien d’autres chats à fouetter. Les adolescents qui se suicident pour cause de harcèlement scolaire ? Les troubles anxieux qui explosent chez les enfants à cause du masque ? L’écoanxiété des jeunes depuis le désastre de la COP 26 ? Mais non. Il y a des combats bien plus importants à mener. Alors, pourquoi tant de haine ? Le ministre a dit en parlant de « iel » : « c’est contraire à l’universalisme français ». Dans son cas comprenez que l’universalisme est blanc, masculin alpha, et de préférence d’un âge supérieur à 49 ans. Très certainement hétérosexuel, et, vu les scandales actuels on peut espérer hétérosexuel respectant l’âge de la majorité et le consentement.

Bref l’universalisme se réduit à son nombril et à ceux de sa caste.

L’homme m’a profondément agacée.

Dans la formidable vidéo que je vous joins et que j’invite tout le monde à regarder (elle.s, iel.s, il.s, iel.le.s et les autres), le prof, que j’aimerai bien avoir comme ministre de l’éducation, raconte sa propre prise de conscience de genre. Le genre, c’est cette perception bio-psycho-sociale de notre identité sexuelle. C’est-à-dire complexe. Comme d’habitude, les plus fanatiques ne prennent qu’un bout de l’équation, soit bio- soit social-, jamais psycho- sauf les psys qui cherchent à faire des thérapies de conversion. Dommage car un des premiers effets bénéfiques de la complexité c’est qu’elle rend libre.

Je pense que la race est aussi un fait bio-psycho-social. Mais elle est folle celle-là, diront certain.e.s. Et la couleur de la peau alors ? Ben oui. Mais je me sens beaucoup plus proche de bien des « étrangers » que du ministre de l’éducation qui a pourtant la même couleur de peau que moi.

Si j’ai réussi à prendre conscience de ma race sur les plans bio, psycho et social, c’est grâce à la famille multicolore que j’ai co-construite, certes. Mais ce n’est pas le début de l’histoire. Le début de l’histoire date de mes parents, tous les deux fille et fils d’horribles colonialistes. Ils ont été arrachés à leur lointaine terre natale aux alentours de 10 ans, pour des raisons politiques très légitimes mais totalement incompréhensibles à cet âge. Je me suis demandée pourquoi mes parents qui ont passé le reste de leur vie en exil en France tout en rêvant de la quitter, avaient toujours eu des relations familières et égalitaires avec les noirs, arabes et autres asiatiques qu’ils fréquentaient régulièrement ici et à l’étranger et dont certains étaient leurs amis les plus proches. Pourquoi n’avaient-ils pas développé la posture dominante du colonialiste blanc de base que j’observais par ailleurs ? Posture que l’on retrouve d’ailleurs à l’identique chez le noir, l’asiatique ou l’extra-terrestre dominant. La réponse, récente, m’a éblouie. C’est tout simplement parce qu’ils ont partagé leur enfance avec eux et non l’âge adulte ni même l’adolescence. Et cette enfance a été suffisamment ouverte pour qu’ils ne créent pas une hiérarchie intérieure figée. Mes grands-parents, tout en étant imprégnés de la culture coloniale, étaient plutôt ouverts et communicants. Par exemple mon grand-père paternel, médecin, puisait avec respect dans les pratiques médicales qu’il rencontrait en orient ou en Afrique. Et ma grand-mère maternelle institutrice accueillait tout le monde dans ses classes marocaines, y compris ma mère. En fait, quand je les voyais plonger leurs mains dans le plat commun de couscous avec la famille arabe qui nous accueillait, ou discuter en toute familiarité réciproque avec l’ancêtre qui tenait le resto vietnamien où nous allions régulièrement, ils n’avaient pas 40 ans mais 7 ou 8. Et leurs interlocuteurs le sentaient bien. Ce qui m’a le plus marqué, c’est comment mes parents riaient dès qu’ils se retrouvaient avec des « étrangers ». Pas riaient de. Mais riaient avec. Quand ils se sont retrouvés parachutés en France, dans des écoles au fin fond de la campagne de la fin des années 40, ils se faisaient appeler « chinois vert » pour mon père et « petite arabe » ou « sauvageonne » pour ma mère blonde aux yeux bleus. Alors la race : bio-psycho-sociale ? Oui. Je pourrais écrire un livre sur toutes les conséquences de cette complexité.

Pour revenir à mon « iel » de départ, j’aimerai donc non seulement qu’il reste dans le Robert, mais encore qu’il recouvre bien d’autres particularités en dehors du genre. La race en est une. L’espèce aussi peut-être ? Iel et ses déclinaisons désigneraient alors aussi bien l’être humain de toutes les couleurs et genres, mais aussi l’animal, voir les arbres et les plantes qui prennent de plus en plus de place dans notre conscience.

Nous aurions à disposition un vrai pronom inclusif et universel.

 

Je ne fais pas la pub du film, j'espère que c'est clair !

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Quand Maman « poule », papa régresse…

par Claire Sibille

publié dans Adopter sa famille , Alterégales , On peut choisir sa famille

Quand Maman « poule », papa régresse…
Dédié à (presque) toutes les sortes de Pères pour leur fête

 

Et oui, je vais commencer par vous parler encore de mes poules, tant l’observation éthologique et la vie commune avec ces animaux illustre, avec l’humour de la Nature que l’humanité a trop souvent perdu, des situations que je retrouve chez les êtres humains. Ou pas, car tout existe dans la nature, y compris des phénomènes introuvables chez nous. Par exemple des femelles se dupliquent par parthénogénèse, se passant ainsi totalement de mâles, c’est le cas chez les coccinelles, sans même passer par la PMA !

Pour celles et ceux qui me suivent, vous n’avez pas pu rater la naissance de « Popi », improbable rejeton de notre énorme coq, « Black Panther », et de notre mini-poule de Pékin, « Effie ». Je vous passe les détails de l’accouplement et vous joins la photo très difficile à prendre de la famille. « Où est Popi ? » vous amusera peut-être quelques secondes.

Quand, au bout de 21 jours de jeûne sec Effie a donné naissance à Popi, nous l’avons d’abord précieusement gardé avec sa mère à l’intérieur de la maison tant on avait peur d’un accident – surtout moi – tel que jalousie des autres poules, ou la prédation d’une buse ou d’un corbeau. Au bout d’une semaine, sous haute surveillance, nous avons mis Effie et Popi dans le poulailler. Tout de suite une autre poule, Mellie (pour Emilie Dickinson, un peu long à prononcer), s’est posée en rivale de la mère. Comme elle est trois fois plus grosse, je craignais le pire. Mais non. Toutes plumes ébouriffées dehors Effie lui est tombée dessus et l’a même poursuivie sur plusieurs mètres, une vraie furie. C’était TROP drôle. C’est dans ces moments-là que je regrette de ne pas avoir une caméra en permanence fixée sur le front. Effie m’a complétement rassurée dans sa capacité à imposer son pouvoir de mère sur les poules « sans », on pourra débattre de ce sujet à la prochaine fête des mères.

Pour en revenir au père il s’est révélé très vite doux comme un agneau avec la mère et l’enfant alors qu’il est plutôt de nature vindicative. Ce n’est que mon avis, les jeunes pensent qu’il est plutôt cool et le prennent dans les bras pour lui faire des câlins. Premier symptôme de baby-problème, il a arrêté de chanter pendant deux jours ! Reposée par de plus longues nuits mais interrogative, je suis allée voir ce qu’il se passait. Et là j’ai vu mon énorme coq qui s’était fait minuscule pour se nicher dans le tout petit poulailler réservé à la mère et l’enfant. Il débordait de tous les côtés… Bref, il était en pleine régression, il voulait qu’on s’occupe de lui comme de Popi, vivant des jours heureux sur le dos de sa mère bien planqué sous les plumes. Honnêtement, je n’en revenais pas ! Je vais me renseigner car c’est peut-être aussi un phénomène de « couvade » bien connu chez certains hommes ? Je suis ouverte à toutes vos expériences.

La nature nous livre de fabuleux exemples de paternité, et chaque père humain peut choisir le sien :

  • Le crapaud accoucheur, ou sage-femme, très « nouveau père », porte les œufs pondus par la femelle sous la peau de son dos jusqu’à leur éclosion, à noter que la femelle est quatre fois plus grosse que lui ! Le Ouaouaron, ou grenouille-taureau, est aussi un père modèle. Une fois que les œufs, jusqu’à 6000, sont fécondés, les pères les protègent en les mangeant. Quand ils sont prêts à venir au monde, l'Ouaouaron mâle "vomit" ses enfants transformés en petits têtards. On est en pleine mythologie grecque. A part que Chronos, lui, dévore ses enfants déjà nés. Un autre exemple de père désastreux celui-là, mais que l’on trouve aussi, y compris chez les humains.
  • Les oiseaux se partagent souvent équitablement toutes les tâches ménagères et nourricières. Mais dans le cas des Jacanas australiens, les pères se retrouvent tous seuls à construire les nids, couver les œufs et prendre soin des poussins pendant que les jacanas femelles s’accouplent avec autant de mâles qu’elle le peuvent. Ils restent même auprès du nid longtemps après que les femelles les aient laissés pour migrer. Ils sont même si loyaux qu’ils prennent parfois soin des œufs fécondés par d’autres mâles. Ça fait rêver… Les manchots mâles aussi sont prêts à attendre des mois en jeûnant, tout en couvant l’œuf pondu par la femelle pendant l’hiver jusqu’à son éclosion.
  • La punaise d'eau géante mâle porte sur son dos jusqu’à 150 œufs depuis leur fécondation jusqu'à éclosion comme vous le verrez sur la photo.
  • Les hippocampes font encore plus fort : ce sont les mâles qui assument la grossesse ! La femelle pond les œufs déjà fécondés dans une sorte de poche que les mâles possèdent pour protéger les petits. Ils peuvent ainsi transporter jusqu'à 2.000 œufs avec eux pendant 10 jours.
  • Le loup gris, en plus d'être l'un des animaux les plus fidèles, est également un père exemplaire. Non seulement il s'occupe de nourrir sa partenaire après qu'elle ait mis bas, mais il prend soin des petits et de leur entraînement en thème de survie et de chasse.
  • Le poisson-chat mange aussi ses petits pour les protéger et les garde dans sa bouche jusqu'à ce qu'ils atteignent 5 cm de long. Pendant ce temps, le père survit lui aussi sans manger. Que d’exemples de jeûnes utiles et profitables dans le monde animal !
  • Le Tamarin lion doré est un petit singe qui prend son rôle de père à plein temps, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 dès l’âge de deux semaines. Il le remet à sa mère seulement pour le moment de l’allaitement avant de le reprendre sur son dos, jusqu’à l’âge de six à sept semaines. Lorsque le petit tamarin prend de la nourriture solide à 4 semaines, c’est le papa qui s’occupe de lui préparer à manger en épluchant les fruits, les écrasant pour les nourrir à la main après. Vous voyez les conséquences pour le congé de paternité ?
  • Je terminerai cet inventaire non exhaustif par un père sacrificiel héroïque, le mâle araignée néphile, obligé de s’émasculer après la procréation, sinon il risque d’être mangé par la femelle avant que la fécondation ne soit arrivée à terme. Il doit donc commettre ce sacrifice pour assurer sa descendance. Certes, une seule descendance…

Si nous allons voir du côté des humains, les pères réagissent de manière très différentes à l’arrivée du bébé, surtout le premier.Évacuons tout de suite les géniteurs semeurs de spermatozoïdes et se moquant pas mal de leur devenir, et choisissons ceux qui franchissent le cap de mériter le nom de père, avant même celui de Papa.

Quelques phénomènes sont plus ou moins étudiés  connus, liste non exhaustive et ouverte à tous vos témoignages contradictoires :

  • La « couvade », où le père développe des symptômes de la grossesse en parallèle avec sa femme, prise de poids, changement hormonal, pousse des seins…Vous en trouverez tous les détails passionnants dans cet article : https://www.doctissimo.fr/grossesse/hommes-et-grossesse/couvade. A noter que ce syndrome ne concerne pas que les pères biologiques, et que je ne suis pas forcément d’accord avec l’analyse psychologique de l’article qui l’associe à une immaturité du père. J’y vois plutôt une forme extrême et corporelle d’empathie, très en lien avec les dynamiques d’attachement.
  • Le « baby-clash » et ses conséquences parfois désastreuses pour le couple, parle de la crise qui intervient à la naissance ou à l’arrivée d’un enfant.  La femme étant (beaucoup) moins disponible, en particulier sexuellement, l’homme peut déclencher une rivalité avec le bébé qui peut aller jusqu’à la violence envers la mère et l’enfant. La venue du bébé peut aussi réveiller chez certains pères des souvenirs difficiles enfouis, là encore pouvant développer de la violence, par exemple le phénomène du « bébé secoué » avec ses conséquences dramatiques. Ce type de violence se retrouve aussi chez les mères et les assistantes maternelles ayant développé une forme de « phobie » hyperacousique envers les pleurs des bébés.
  • Le phénomène le plus sympathique est celui des « nouveaux pères », ceux que vous voyez dans les rues et aux parcs avec leur bébé porté sur le ventre dans un grand foulard ou au volant de leur poussette, ceux qui se lèvent la nuit et laissent leur femme dormir, ceux qui sont imbattables en laits maternisés, bouillies et autres compotes. Plusieurs remarques s’imposent :
  • Certaines mères ne le supportent pas et développent jalousie et besoin de contrôle.
  • Ces « nouveaux pères » existent depuis longtemps, même s’ils ne sont médiatisés que maintenant. Des études ont ainsi été faites chez les paysans du Moyen-âge qui développaient cette attitude, alors même que de nombreuses mères de la bourgeoisie, sans parler de la noblesse, confiaient leurs enfants dès la naissance à des nourrices et ne s’en occupaient pas. Je me rappelle quant à moi des bouillies préparées par mon père et de son implication dans les soins dits « maternels » pendant ma prime enfance.
  • J’ai constaté aussi cet équilibre des rôles de manière très « naturelle » dans les familles adoptantes que j’accompagne et dans ma propre famille. Comme si l’adoption mettait d’entrée de jeu le père et la mère sur un même plan, la grossesse n’entrant pas en jeu. Cela n’empêche pas l’enfant, quant à lui, de bien désigner les rôles…
  • Enfin, un phénomène dont on parle assez peu mais que je rencontre de plus en plus souvent est celui de ces pères seuls en charge de leurs enfants car la mère les leur a laissés après une séparation. Et pas seulement à l’adolescence quand la mère a du mal à gérer les conflits avec de grands gaillards qui la dépassent de 30 cm, mais aussi avec des enfants beaucoup plus jeunes. Ces pères ressemblent aux Jacanas australiens, et ceux que j’ai rencontrés assurent le travail de manière remarquable. Dans ce cas les problèmes surviennent souvent quand une nouvelle compagne, avec ou sans enfants, pointe le bout de son nez dans la tribu.

Ainsi pour essayer de conclure ce long article, vous voyez à quel point la « manif pour tous » se fourre le doigt dans l’œil !

L’univers et la nature sont tellement riches, tellement incapables de se contenter de nos petites cases dogmatiques et rigides, que les définitions moralisatrices de ce que doit être le père, la mère, l’enfant et la famille en deviennent risibles.

Où est Popi ? Et ses parents.

Où est Popi ? Et ses parents.

Drapeaux à construire en famille et à afficher en fonction de la météo...

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Le Papa punaise d'eau et ses bébés. https://www.planeteanimal.com

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