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Ma rentrée littéraire…

par Claire Sibille

publié dans Des livres profonds ... comme une psychothérapie ! , Fiction

Ma rentrée littéraire…

Billet d’humeur

 

J’ai chaque année un moment de recul lors de la rentrée littéraire, en particulier celle de septembre. Et j’hésite toujours deux fois plus à acheter un livre à ce moment-là, alors que je ne peux pas dire que c’est la part de mon budget où je me réfrène le plus ! J’achète nettement plus de livres que d’habits par exemple…

Est-ce de la jalousie ? Je me suis posée la question. Mon roman est sorti en février, hors de tout incendie commercial, dans un mois peu propice aux manifestations publiques. Et le Verseau, signe du mois de février, a peu à voir avec le lion du mois d’Août. Il doit se protéger du froid et mise sur la solidarité et le bouche-à-oreille, là où le lion superbe et généreux s’étale au soleil sur la plage.

Mais non, je ne suis pas jalouse. En dehors du fait que j’adore faire la promotion des auteurs que j’aime, et que je le fais sans aucune réserve, j’ai exactement le même réflexe avant Noël, parfois même je n’arrive plus à faire les courses à ce moment-là tellement je suis par l’avance écœurée. J’ai le même retrait devant les étagères bourrées de chocolat de Pâques, ou devant la frénésie des soldes. Je ne pensais juste pas que les livres seraient touchés. Mais oui. Les années précédentes, prises dans mes parutions non concernées par ce moment, soit parce que c’était de l’autoédition, soit parce que mon éditeur s’en fichait, je suis juste passée à côté. Juste le temps de sentir l’invasion, et de me replier. Maintenant que je suis officiellement romancière, je me dois professionnellement d’y faire attention. Mais je ressens toujours le même recul, qui, si je dois le traduire en émotion, s’apparente au dégoût.

Je choisis mes livres au gré du vent, des rencontres, de ma fidélité aux auteurs que j’aime. Je suis pourtant une lectrice qui serait qualifiée par certains de boulimique. Je peux bien plus facilement me passer de mon portable que d’un livre dans lequel je suis plongée, c’est tout dire aujourd’hui. Et je ne sais pas trop comment j'ai constitué ma liste d'auteurs préférés, qui bouge régulièrement, mais ce n'est pas au moment de la rentrée littéraire ! À commencer par Pensées pour moi-même de Marc-Aurèle et le Seigneur des Anneaux...

Parfois, quand il s’agit d’auteurs que j’aime, j’achète leur livre quand il sort, peu importe le mois. Parfois j’attends les sorties en poche ou les propose à ma bibliothèque quand le budget se serre. Parfois, même dans les moments commerciaux, il y a des exceptions, des livres noyés dans la masse dont une ou deux personnes parlent bien, sur un post ou un blog, et j’ai envie de découvrir alors ce livre. Ou encore des livres à l’actualité incontournable pour des raisons socio-politiques, que ce soit des essais ou des romans, quel que soit le mois de l’année où ils sortent.

Mais le plus souvent je lis des livres qui ont survécu à l’année de leur « rentrée ». Ils ont été déjà lus, commentés, critiqués. J’aime l’idée de contribuer à leur donner un second souffle.

C’est le cas de celui que je vous propose aujourd’hui, Fuki-no-tô, de Aki Shimazaki. Un livre que j’ai dégusté comme une tasse de liquide ambré fumant dans un salon de thé, un livre où je me suis perdue dans une forêt de bambous pour me retrouver à la fin, plutôt mieux. Une prose poétique, une vraie musicalité, une histoire simple et très bien racontée. Quelques signes des temps autour de l’écologie et du féminisme, comme de petites fleurs de thé déposées sur la tasse. Des personnages attachants. Un bon moment. Mais il vous faudra le dénicher dans votre bibliothèque ou le commander à votre libraire car il date… de 2017 !

Non. Ce que je n’aime décidément pas dans la rentrée littéraire, comme dans Noël ou les Soldes, c’est la pression terrible de la société de consommation et du « prêt-à-penser ». Il faut avoir lu le dernier Virginie Despentes, et si vous n’aimez pas vous êtes facho et sexiste (dommage pour moi qui suis féministe de gauche…). J’ai cette impression pénible d’un milieu assez fermé quand j’écoute les émissions sur le sujet, un milieu où il est de bon ton de penser que…

Comme certaines expositions d’art moderne. Vous ai-je déjà raconté cette anecdote comique où je visitais une exposition de ce genre avec mon compagnon (Bilbao ? Paris ? Je ne me souviens plus) ? Parmi la multitude d’œuvres à l’attrait assez hermétique pour nous, dont, je m’en souviens encore, un entassement de serviettes hygiéniques tâchées de sang, nous sommes tombés sur… la bouche d’incendie. Et nous l’avons prise, originale qu’elle était, pour une des œuvres exposées… Ne voyant pas de description nous avons vite réalisé notre méprise. Je ne vous raconte pas le fou-rire, il a amorti largement le prix payé pour l’exposition.

Cela ne veut pas dire être figé dans le passé. Il existe de bouleversantes expositions d'art moderne et je ne suis pas une grande adepte des "classiques" de la littérature en tant que tels. Là aussi il y a du tri à faire, et surtout arrêter d'en parler comme incontournables sans jamais les avoir lus... Mais je n’ai plus envie de perdre de temps avec les bouches d’incendie. Même si je reconnais l'utilité générale de mettre le livre en valeur dans un monde voué à l'écran. Cela pourrait être la seule qualité que je trouve à ce moment, sauf à créer le contraire. Comme certains Noëls en famille... Je vais donc attendre que la frénésie se tasse. Je passerai très certainement à côté d’un chef d’œuvre.

Mais pas de tous.

 

Claire Sibille

Écrivaine, Psychothérapeute

Dernier livre paru : Inventaires, Février 2022. https://www.babelio.com/livres/Sibille-Inventaires/1396048

 

Fuki-no-tô, de Aki Shimazaki.

Fuki-no-tô, de Aki Shimazaki.

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B
ça me donne envie de découvrir cet auteur
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C
N'hésite pas et si tu peux commence par le début... ce que je vais faire maintenant !
C
Merci de ton éclairage. Je suis moi-même une inconditionnelle d'Aki Shimazaki . Depuis le 1er , je me suis procuré tous ses livres au fur et à mesure de leurs parutions. Je me régale de leur lecture Je les traite comme de beaux objets ou des bijoux. Je songe d'ailleurs à m'inspirer de ces écrits pour créer un atelier d'écriture du récit familial spécifique. A suivre...
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C
C'est une super idée ! Tiens-moi au courant... Moi je vais découvrir les autres livres de cette écrivaine.