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J-3  COMME JEÛNE-3

par Marie-José Sibille

publié dans Le quotidien - c'est pas banal ...

J - 3 COMME JEÛNE - 3

 

Je pars faire un jeûne de sept jours et j’en tiendrais le journal quotidien, en commençant par les préliminaires. Le début, c’est d’abord de trouver le lieu et l’accompagnement, je ne me sens pas de me lancer seule pour une première de jeûne total. Ensuite il faut aller acheter du Sel d’Epsom à la pharmacie et subir une leçon de morale de la pharmacienne qui me demande si j’ai bien vu le docteur avant de me décider. J’ai sept ans et je dois prouver à la boulangère que Papa et Maman sont d’accord pour que je m’achète des bonbons. Terrible. C’est de ma faute, j’avais qu’à aller l’acheter à l’épicerie bio. Je lui dis que je suis une grande fille maintenant, elle ne le prend pas bien, mais me laisse quand même sortir sans appeler les autorités: je file l’air coupable avec mon sachet de 30 g de blanche planqué dans le sac avant qu’elle ne change d’avis. Il paraît que le Sel d’Epsom est un laxatif très puissant, je vous épargnerai les détails, et qu’il y a d’autres façons plus externes de préparer le corps à cette purification radicale que constitue la diète hydrique. Je vous dirais juste si c’est compatible ou non avec une vie de famille et une vie sociale, car je le prendrais la veille. Mais j’en doute.

Ma mère a commencé à faire des jeûnes dans les années 70, comme elle s’essayait à toutes les innovations de ces années créatives. Je me rappelle de plusieurs choses : d’abord qu’elle partait pour 21 jours, ensuite que son entourage y compris le plus proche la mettait en boîte avec ses lubies, et enfin qu’elle faisait ce jeûne annuel dans un cadre très strict sous l’autorité de naturopathes dogmatiques et intransigeants qui me feraient quant à moi fuir en courant.

Moi : je ne pars que sept jours, je suis très soutenue par mon environnement proche, et la seule autorité à laquelle j’obéirais sera la mienne, sans compter que je vais profiter d’un lieu superbe en bord de mer.

Bref ma mère était une héroïne. Mais il fallait bien ça à l’époque pour lancer cette démarche, j’imagine comment les générations d’après-guerre pouvaient réagir à un désir de jeûne volontaire. L’élan insufflé par toutes ces dynamiques, y compris le démarrage de l’écologie qui  date aussi de ces années-là, s’est vite brisé d’ailleurs, dès le début des années 80 avec leur consumérisme boulimique. La gueule de bois généralisée que nous expérimentons, et la planète aussi, fait que le jeûne est à nouveau tendance. Cela fait des années que je souhaitais essayer, la simplicité actuelle proposée par certaines organisations m’a permis de me décider.

Un dernier mot sur les motivations: pas maigrir, surtout pas, ce n’est pas la bonne méthode. La santé en fait partie,  mais l’allègement de vie est un moteur plus important. Dans la lignée de : je vide mes placards, je trie, je donne, je range, je mets de l’ordre dans mes notes … Je jeûne. L’envie de faire du vide, d’expérimenter le vide.

Manquer de vide, c’est le comble de la pathologie sociale actuelle, celle de nos pays occidentaux.

J’ai décidé d’en sortir. Depuis un moment déjà. C’est une étape de plus.

J-3  COMME JEÛNE-3

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Cette nuit, la lune est pleine, la lune est rouge

par Marie-José Sibille

publié dans Le quotidien - c'est pas banal ...

 CETTE NUIT, LA LUNE EST PLEINE, LA LUNE EST ROUGE

 

Les chiens hurlent toute la nuit. Dans les rares moments de calme,  le cri sauvage des chats-huants prend la relève. Je chante avec eux. Quand j’étais petite, mon père m’a appris leur langage : amour, chasse, jouissance de vivre. Magie aussi, si tant est que cela puisse vouloir dire "union avec ce qui est". Elle est pleine, rousse puis dorée, belle, tellement présente, si réelle. Mais elle n’éclipse pas pour autant la beauté de sa sœur Vénus qui apparaît à l’Est, avant l’aube, et me brise le cœur. J’ai envie de sortir mes tambours de chamane et de danser autour de l’arbre devant la maison. Je vois un cercle de sorcières, il y a longtemps maintenant, amies sous la lune, tissus délavés au matin, et nous, folles et vivantes, ayant bu un élixir d’amour.

L’influence de la lune est un sujet récurrent de conflit avec les ultra-rationalistes. Ceux-ci ne font apparemment plus partie des êtres vivants, êtres composés au minimum de 60% d’eau,  êtres qui suivent ainsi le cycle de la lune comme les marées et la sève des plantes, comme le ventre des femmes et les eaux de naissance. Mais aussi comme l’inconscient abyssal des fous et les tsunamis de pulsions violentes qui emplissent les commissariats les nuits où elle est pleine, comme celles où elle s’absente. Car la magie noire existe aussi, si tant est que cela puisse vouloir dire "débordement de soi par l’océan pulsionnel et sa violence".

J’ai longtemps bataillé à la fac et dans les écoles qui ont suivi avec ces personnes, la plupart du temps des hommes mais pas seulement, elles sont nombreuses les femmes ayant sacrifié leurs neurones du ventre à ceux supposés plus intelligents de la tête. Puis j’ai changé d’environnement. J’avais besoin d’une pensée complexe et pas d’une armoire à dossiers suspendus. Je les retrouve malgré tout régulièrement, déversant leur colère contre les médecines alternatives ou la psychothérapie indépendante, de la même manière qu’ils brûlaient avant les sorcières ou teignaient les prostituées en rouge. Parfois après avoir utilisé les deux. Ils étaient par exemple à l’honneur dans l’émission « Le téléphone sonne » du 9 septembre sur France Inter, avides de désigner la secte de l’autre et les quelques tristes victimes de quelques déplorables charlatans, en oubliant les milliers de morts suite aux maladies nosocomiales et aux délires pharmaceutiques comme le Médiator. "A deux poids, deux mesures" disait ma grand-mère déjà au fait des affaires du monde. Et d'ailleurs quelques médecins de poids intervenaient aussi, nous proposant leur « scepticisme bienveillant » et leur paternalisme débonnaire envers les médecines « complémentaires ». La radio me permettait de les imaginer comme des vieux bouddhas bedonnants et tellement repus qu’ils n’ont même plus besoin de stigmatiser la différence … Je me suis encore agacée en les écoutant. Pauvre de moi. J’ai du chemin à faire.

Alors plus tard je suis retournée voir la Lune. La Lune. Féminine, mais accueillante aux hommes qui la respectent et la comprennent. Aussi grande que le soleil quand elle est pleine, mais à l’influence nocturne facile à oublier quand le jour se lève. Dans d’autres civilisations la lune est masculine. Ce sont alors des Dieux de sagesse et de guérison qui la gouvernent, des Dieux thérapeutes et passeurs. L’éclipse, c'est l’union entre la lune et le soleil qui féconde la Terre. Les fruits de l'automne seront abondants.

Le lapin qui court autour du ventre de la Lune m’invite à le suivre dans un autre Pays, un pays comme celui d’Alice au Pays des Merveilles. Les tambours se sont mis à chanter plus fort. Les chats-huants ne s’arrêtent plus de crier. Mes chiens deviennent fous. A plus tard donc, je ne sais pas exactement quand je reviendrai. Car pour faire face à la peur et à la nuit, à la solitude et à la folie, pour rencontrer la mort à la toute fin, mieux vaut prendre le temps d’écouter les paroles de la lune.

 

Cette nuit, la lune est pleine, la lune est rouge
Cette nuit, la lune est pleine, la lune est rouge

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