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le metier de psychotherapeute

Pourquoi les oiseaux chantent ?

par Marie-José Sibille

publié dans La psychothérapie - de quoi ça parle , Le métier de Psychothérapeute , Le quotidien c'est pas banal !

Pourquoi les oiseaux chantent ?

Billet d'humeur frileuse

Ce matin comme chaque matin autour de l'équinoxe de Printemps, les oiseaux chantent à tue-tête autour de chez moi, tous différents, tous harmonisés, les graves et les aigus, les longs et les courts, c'est impressionnant. Pourtant le temps ne s'y prête pas. Même si la météo officielle indique une température de 13°, ressentie à 7, un 3 mai avec de "rares averses" sur ma région, il faut croire que dans l'irréductible village où je vis le message n'est pas passé. Il pleut sans cesse, une pluie glaciale qui me fait me sentir comme une éponge imbibée d'eau fourrée au congélateur. Je n'ai jamais vu autant de limaces de ma vie, peut-être une des raisons du chant des oiseaux, et même les limaces se noient ... Bref, un environnement peu propice à l'explosion de joie vivante à peine contenue par ces petites bêtes.

Pourtant les oiseaux chantent. Pourquoi ? Peut-être parce que l'alignement de la terre et du soleil que l'on nomme équinoxe de Printemps leur en donne l'ordre. Ils trouvent alors les ressources pour chanter coûte que coûte jusqu'à tomber parfois raides morts sous la griffe d'un chat, le plomb d'un chasseur malveillant, le pare-brise d'une voiture trop rapide, ou les coups de froid imprévus d'un climat d'humeur changeante.

Pourtant les enfants rient. Pourquoi ? Peut-être parce que l'énergie vitale ayant permis leur arrivée au monde leur en donne l'ordre. Ils trouvent alors les ressources pour rire coûte que coûte en jouant avec un caillou, en dessinant sur les gravas d'un mur en ruine, jusqu'à tomber parfois raides morts sous la griffe d'un prédateur, le plomb d'une bombe ou d'une mine, la carrosserie d'un tank aveugle, ou les coups de froid imprévus de parents à l'humeur changeante.

Comprendre pourquoi les oiseaux continuent à chanter ou pourquoi les enfants continuent à rire est une chose. Le comment s'appelle la résilience et m'intéresse particulièrement en tant que thérapeute. Car certains enfants arrêtent de rire, se figent et deviennent tristes, pas de ces larmes vivantes qui alternent avec les rires suite à un caillou dans le genou ou la bousculade d'un ami, suite à une couche mouillée ou un ventre qui réclame un biberon ou un câlin. Non. Des larmes glacées qui coulent peu et finissent comme des stalactites au fond du regard de l'enfant. Un bébé, un enfant, un adolescent figé dans cette tristesse froide jusqu'à parfois en mourir est une hérésie que l'humanité produit par cycles depuis bien longtemps. Chez l'adulte le dégel de ces larmes anciennes par le contact avec l'enfant intérieur peut provoquer des transformations de vie radicales, aussi radicales que le passage de l'hiver au printemps. C'est le rôle essentiel du métier de thérapeute de permettre ce dégel. Les neurosciences nous disent beaucoup de choses sur ce dégel post-traumatique. De même que les savoirs autour de l'attachement et des dynamiques familiales. De même que la compréhension des émotions et de l'empathie, berceau du lien thérapeutique efficient.

Mais les savoirs ne s'excluent pas l'un l'autre. La poésie, l'introspection, l'observation de la nature et l'éthologie sont tout aussi pertinentes.

Alors regardons de près comment font ces oiseaux pour continuer à chanter, comment font les enfants qui continuent à rire. 

 

Faire de son lieu de vie un refuge pour la biodiversité, possible même sur un balcon !

Faire de son lieu de vie un refuge pour la biodiversité, possible même sur un balcon !

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QUAND LE GROUPE DEVIENT TOXIQUE

par Marie-José Sibille

publié dans Le métier de Psychothérapeute

Il m'a semblé utile de publier un article que je remets à jour régulièrement sur les phénomènes de groupe dans les champs de la psychothérapie et de la formation car je suis à quelques semaines d'animer un nouveau stage .

(mises à jour importantes avril 18 et inscriptions encore possibles pour deux personnes : http://www.sibillemariejose.com/2017/12/stage-l-enfant-interieur-source-et-ressource.html). 

Une version antérieure de cet article a été publiée dans un excellent ouvrage collectif sur les phénomènes de bouc émissaire(http://www.ho-editions.com/productdisplay/boucs-émissaires), sous le titre "Quand le groupe fait mal". Je l'ai à nouveau remanié et retravaillé, malheureusement encore inspiré.e par des situations plus ou moins pénibles rencontrées ici et là, mais aussi dans l'optique prioritaire de préparer les participant.es à mes propres groupes, qu'ils soient de psychothérapie, de formation ou d'intégration clinique (supervision et régulation). Ainsi ceux et celles qui ont lu le livre peuvent relire cet article sans problème.

C'est un long article destiné en priorité aux professionnel.les de la relation d'aide mais aussi à tous les participant.es des groupes, avec l'idée de faire évoluer les relations vers des approches beaucoup plus bienveillantes des uns envers les autres. UN AUTRE MONDE EST POSSIBLE. C'est aussi pour cela que je partage après l'article la chaîne You Tube "Et tout le monde s'en fout", une petite merveille de créativité et de résilience sociale que je soutiens à fond. Je vous mets l'épisode sur la bienveillance, 4mn30s de temps qui ne seront pas perdus. A voir et revoir, ça va très vite, ...

Si je me permets d'aborder ce sujet c'est que comme tous les autres, avant d'avoir pensé et ressentis ces phénomènes, je les ai vécus. Je n'ai pas encore âge de publier mon autobiographie (prévue pour l'année de mes 99 ans), mais je tiens à le dire, CETTE HISTOIRE EST INSPIREE DE FAITS REELS ... 

Je ne suis pas moins ravie de continuer le travail de groupe que je vis vraiment comme un incontournable du développement (durable !) de la personne, et je vous donne RV très bientôt dans un de ceux, très différents d'ailleurs, que j'anime cette année.

QUAND LE GROUPE DEVIENT TOXIQUE

 

Le mot groupe vient de l’italien « grupo » qui signifie « nœud ». Sac de nœuds, nœud de vipères ?

En tant que psychothérapeutes, nous sommes sensibles à la violence secrète qui règne dans les familles, au harcèlement moral dans l’entreprise ou l’école, à l’endoctrinement des mouvements politiques ou religieux ainsi qu’à la violence institutionnelle.

Qu’en est-il dans les groupes que nous animons ? 

Des formateurs ou des psychothérapeutes réputé.es refusent de faire face aux conflits et aux phénomènes de boucs émissaires dans leurs groupes, quand ils n’usent et abusent pas de leur pouvoir à différents niveaux dont celui de la sexualité.  Leur argument défensif est toujours pervers, c’est-à-dire inversé : la violence exprimée est due au « transfert », c’est à dire, selon l’usage abusif et simplificateur de ce terme, à ce que des participants mal dégrossis de leurs problématiques infantiles amènent dans la relation. Pour les abus ils ont été séduits, ou convaincus d’accepter s’il s’agit de dons. Ainsi la même personne reconnue comme victime de sa famille ou de son entreprise devient dans ces groupes une personne aveuglée par le transfert. Les mêmes situations que nous identifions comme de l’abus de pouvoir, de l’emprise, ou de l’escroquerie dans d’autres milieux, nous les nommons ici transfert négatif ou consentement éclairé. Il y aura toujours des situations où ce sera le cas, et où le psychothérapeute est en prise avec un.e patient.e dont il n’a pas su anticiper la problématique. Mais ce n’est pas le cas le plus fréquent.

En ce qui concerne les groupes, ce sera le rôle du diable, du traître, de celui qui part, que de parler des ombres. C’est-à-dire le rôle du bouc émissaire, « émissaire » signifiant « chargé d’une mission secrète », non évidente, non visible. Jeté du groupe ou le quittant de son plein gré mais dans la tension, il emporte avec lui tous les conflits non résolus, les questions relationnelles restées sans réponse acceptable, pour maintenir la cohésion mais aussi l’immobilisme du groupe. Pour aggraver la situation, le bouc émissaire partira le plus souvent avec le sentiment de sa propre faute et de son indignité, même s’il manifeste de la colère et de la révolte. 

Il prendra avec lui la culpabilité, cette plaie de l’innocence. 

Car pour que sa mission réussisse, il faut que le reste du groupe pense vraiment qu’il est « le mauvais », celui qui a péché, celui que l’on doit exclure.

Il existe dans les milieux qui sont les nôtres une tyrannie du bon groupe, une illusion du « bon lien » particulièrement tenaces. Il est difficile, parfois interdit, d’en nommer les effets destructeurs. Combien de fois ai-je entendu la phrase « mais nous sommes bienveillants, ou empathiques, ou chaleureux par définition puisque psychothérapeutes ».  Est-ce de la part de ces collègues un abus lié au déni, un oubli de son propre parcours de thérapie et de formation, une défaillance de supervision et de thérapie personnelle ? Ou juste une façon naturelle de se protéger justement … dans un groupe ? Je ne sais. Mais que deviennent dans ces discours les pulsions agressives du psychothérapeute ou du formateur ?  Ses points aveugles ? Ses parties dissociées ? Dans un autre style plus évitant, j’ai entendu des formateurs renommés interdire la gestion des conflits dans leurs groupes, disant que la seule chose importante est l’enseignement transmis ? Comment cela peut-il être efficient ? 

Parler de la non-violence à couteaux tirés est un biais très classique de notre société rationaliste, celle où « en théorie » tout va bien … On trouve ce clivage très fréquemment dans notre champ d’action. Or les groupes que nous animons, de formation comme de thérapie, sont aussi un espace de régression. Où la bienveillance et l’empathie sont loin d’être le fonctionnement de base malgré la théorie et souvent les bonnes intentions. 

Cette régression peut être temporelle, nous revivons alors des états, des souffrances, des traumatismes du passé qui se réactualisent. Elle peut être aussi structurelle, nous nous retrouvons par exemple sur les bancs de l’école pour apprendre à « penser comme », et franchir tous les barreaux d’une échelle mise en place par d’autres. 

L’environnement groupal interagit avec la personne en rejouant les parties les plus obscures de son histoire, avec l’intention consciente ou non d’être résolus, « résiliés » dans le double sens inspirant du mot.  Si le groupe rejoue les blessures de la personne sans transformation, il n’y aura pas évolution mais retraumatisation.

Les phénomènes brutaux et archaïques pouvant surgir dans la dynamique de groupe exigent une grande maturité de la part de l’animateur ou du formateur. Sinon le groupe fait mal, sans même la justification a posteriori de la résilience ou de l’apprentissage.

La violence la plus fréquente que nous trouvons dans les groupes qui nous concernent est la violence des mots. Elle est terrible. Il y a les mots qui fâchent. Il y a les mots qui enferment - par exemple dans une interprétation, ou dans un récit « sur l’autre ». Et il y a ceux qui veulent tuer en niant à l’autre le droit de s’exprimer. Ils viennent souvent de membres du groupe entre eux, parfois de l’animateur, parfois de l’ensemble du groupe contre une personne isolée, quand le « Nous », qui se voudrait plus différencié que le « On », nie tout autant le « Je » et le « Tu ».  Si ces violences ne sont pas traitées dans l’instant, dans l’ici et maintenant de la relation, sans faire immédiatement référence au transfert ou au passé, elles peuvent provoquer chez la personne de véritables symptômes post-traumatiques. 

C’est alors le « Nous » qui noue, qui nuit, qui noie.

Bourreaux, victimes, dans ce type de situations, ce qui « frappe » c’est l’absence du tiers, le tiers exclu : l'absence du tiers animant le groupe, ou du tiers venant du groupe. 

Le tiers, c’est le témoin indispensable qui empêche les dérives.

Le tiers s'inclut dans le groupe grâce à l’apprentissage difficile d’une communication sans violences et une écoute sans jugement. 

Mais il se développe aussi par l’autorisation de la parole interne sur le fonctionnement du groupe. 

Le type de groupe que nous animons combine des effets réparateurs autant que des côtés potentiellement destructeurs. Ces groupes sont, de fait, des systèmes initiatiques à différents niveaux. Je définirai succinctement ici l’initiation comme étant un changement profond et irréversible de la conscience devant passer par des phases de régression et d’autres de progression, voire de transgression. Toute initiation contient une forme de souffrance. Les initiations naturelles que sont la puberté, la maternité ou le vieillissement, sans même parler de la naissance et de la mort, nous le montrent. Cette souffrance est utile car à petites doses elle va permettre le saut qualitatif de la conscience. Mais la souffrance n’est justement pas la violence. Les formateurs, les psychothérapeutes, les anciens, ceux qui sont déjà passés par là, sont supposés soutenir celui qui traverse l’épreuve avec empathie.

Sinon le bizutage remplace l’accueil de l’autre, la violence dogmatique et l’élitisme cloisonné remplacent la formation, la retraumatisation remplace la psychothérapie.

Le développement de ce témoin intérieur au groupe, de ce tiers inclus, est encore très rare, ou source de nombreux conflits et incompréhensions.

Pourtant c’est à cette condition, c’est à ce niveau de maturité relationnelle, que les groupes que nous animons et auxquels nous participons pourront continuer à être de véritables lieux de régénération et de transformation du lien social. Et là je ne parle pas simplement au bénéfice de l’individu, mais aussi des instances collectives auxquelles il participe, de sa vie de citoyen.

C’est grâce à ce type de travail que dans le passé la supervision, la régulation d’équipes et l’analyse de pratiques ont fait leur apparition dans les institutions parfois même les plus fermées comme l’Éducation Nationale ou les services sociaux. C’est grâce à cette culture de la psychothérapie que les groupes de parole se sont développés un peu partout. Quelles transformations cette culture pourrait alors continuer d’amener dans la société si nous effectuons cette remise en question ?

Les groupes de psychothérapie en particulier sont féconds car ils nous relient aux sources du lien social. Ils nous parlent moins de la famille que de la Tribu, avec ses forces archaïques et ressourçantes reliant la profondeur du corps vivant et vibrant d’émotions au symbolique contenant le langage. Le groupe est alors cette tribu cannibale, meurtrière et incestueuse où nous transgressons allègrement tous les tabous. Mais cela doit rester virtuel, comme dans un jeu vidéo ! Ce type de groupe est souvent comparé à une matrice. Il en a la puissance vitale. Il est aussi un amplificateur des sensations, des émotions, des pensées, un tam-tam géant qui fait entrer en résonance non pas des percussions mais des têtes, des cœurs et des corps. Il doit pouvoir être aussi ce lieu de pensée collective et de développement d’une communication sans violence et sans guerre, ce lieu de transmission d’une mémoire qui permet la transformation.

A m’entendre parler ainsi de tam-tams et de tribus, vous devez penser que mes ancêtres vivaient dans quelque lointaine Afrique.

Vous avez tout à fait raison.

Les vôtres aussi d’ailleurs.

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