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cette societe - c'est la notre !

L’étymologie, un petit bonheur du quotidien

par Claire Sibille

publié dans Cette société - c'est la notre ! , Le quotidien c'est pas banal !

L’étymologie, un petit bonheur du quotidien

Vœux pour 2022

 

Scène prise sur le vif. Dans la voiture. Ma fille conduit. Je lui fais part de ma joie.

  • C’est super on va pendre la crémaillère dans ton nouvel appart à Bordeaux.
  • Oui, on a fait une crémaillère chez une amie la semaine dernière, c’était chouette. Mais pourquoi tu dis pendre la crémaillère ?
  • C’est la bonne expression. Tu sais ce que c’est une crémaillère ?
  • Non.

Alors je lui explique. La crémaillère, c’est la chaîne que la maîtresse de maison pendait au-dessus du foyer pour pouvoir y accrocher les chaudrons et autres ustensiles de cuisine. Et elle la pendait pour la première fois dans une nouvelle maison, une fois que le maître de maison avait allumé le premier feu dans l’âtre, en invitant voisins et amis pour signifier que maintenant, elle pouvait accueillir et faire à manger chez elle. Je vois le visage de ma fille s’illuminer. La jouissance de comprendre un mot qu’elle employait jusque-là sans se poser de question.

  • Ah bon ! C’est ça que ça veut dire ? C’est cool.

J’ai vécu des centaines de fois cette expérience, dans les dialogues en famille ou dans mes articles. Mon père m’a transmis toute jeune le virus des dictionnaires et de l’étymologie, et j’y trouve chaque fois un petit bonheur, de ceux qui rendent la vie plus lumineuse. D’ailleurs, le terme lumière a d’abord fait référence aux étoiles qui nous guident dans le ciel !

Récemment une connaissance me disait que face à la politique actuelle, il essayait en toutes choses de rester modéré. Ce mot m’a heurtée, car je ressens viscéralement qu’aujourd’hui, face aux défis de notre temps, on peut être tout sauf modéré. Ou plus exactement, que la modération est une des attitudes qui a ses propres conséquences, loin d'être anodines. Mais je n’avais pas d’argument immédiat à lui opposer, juste une opinion divergente, ce qui ne peut que fragiliser le dialogue.

De retour chez moi je me précipite donc sur une de mes bibles, le dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey. Et j’y trouve que modérer signifie : diminuer l’intensité. Pour une hypersensible comme moi, diminuer l’intensité voudrait dire éviter de se confronter aux extrêmes. Et donc, telle une jument de labour, avancer avec des œillères. Alors non, aucune modération possible pour moi aujourd’hui, où le monde regorge d’extrêmes. Le mot extrême signifie au départ : le plus en dehors, étranger. Quant à étranger, il fait référence à étrange : qui n’est pas de ma famille, du même Pays que moi. N’est-il pas particulièrement adapté à une époque de lutte de tous contre tous, et contre la Nature ? Une époque étrange, où le risque voire déjà la réalité, est que nous devenions tous des étrangers les uns pour les autres. Y compris, et c’est peut-être une des pires conséquences de la situation actuelle, à l’intérieur des familles et des cercles d’amis.

Les injures, à commencer par celles des gens qui nous dirigent, pleuvent jour après jour d’un bord à l’autre de la société. Et il est bon de rappeler qu’injure a la même racine qu’injustice : violation du droit, tort, dommage. Ce mot n’a acquis que plus récemment le sens de parole blessante. Ils sont nombreux ceux qui assument d’être devenus étranges par rapport aux injonctions et aux insultes (étymologiquement : sauter sur !) quotidiennes.

Comment faire alors ?

Il y a toujours eu deux manières de réagir face à une société très perturbée, quand on ne se reconnaît pas dans le discours non pas dominant, mais des dominants, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

La première est de s’éloigner du monde et de créer des oasis où construire un univers qui nous correspond plus. Pour cela il est recommandé, et souvent fait par les personnes qui font ce choix, de se couper au maximum de toutes les informations, médias et autres injonctions gouvernementales qui pourraient faire exploser cette bulle par leur violence. L’autre choix est au contraire de plonger tout entier dans le dysfonctionnement sociétal, de mettre les mains dans la mauvaise pâte. D’un côté les ermites et les reclus, de l’autre L’Abbé Pierre et Mère Térésa. D’un côté la méditation et le jardinage, de l’autre l’engagement militant. Aucun choix n’est meilleur qu’un autre, et certains peuvent passer de l’un à l’autre en fonction des étapes de leur vie et de leur ressenti. Je crois même qu’ils sont possibles à vivre en même temps, même si souvent opposés dans les discours.

L’étymologie est un des antidotes à la perte de sens et à l’accélération frénétique de l’absurdité de notre société. Cette absurdité est remarquablement dénoncée dans le film « Don’t look up » (Ne regarde pas vers le haut, vers le ciel) qui fait un tabac sur Netflix en ce moment.

Alors au contraire, il est temps de regarder à nouveau vers le ciel, non pas pour fuir la réalité terrestre ou pour guetter une comète assassine, mais pour y trouver une étoile, une lumière, qui pourrait à nouveau nous rassembler. C’est un vœu naïf pour l’année à venir.

Et vous savez quoi ? Naïf signifie : reçu en naissant, naturel.

Je ne peux qu’assumer alors la naïveté de mon vœu !

A voir absolument !

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L’étymologie, un petit bonheur du quotidien

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La communication bienveillante, ce n’est pas « naturel » !

par Claire Sibille

publié dans Cette société - c'est la notre ! , Le quotidien c'est pas banal ! , On peut choisir sa famille

La communication bienveillante, en famille comme entre amis, ce n’est pas « naturel » !

 

En ce moment les réseaux et les échanges normaux fourmillent de conseils pour ne pas pourrir le réveillon en famille avec les sujets qui fâchent (tous), si vous avez décidé de le faire malgré les injonctions à rester chez vous, le plus seul.e possible.

La communication est une ascèse, elle n’est pas naturelle.

Chez les animaux elle est ritualisée, non seulement par l’instinct mais aussi par l’apprentissage.

Chez l’homme elle s’acquiert petit à petit, d’abord dans les échanges avec les figures d’attachement, en général les parents, puis dans les expériences sociales, en couple, en famille. C’est vraiment une erreur de croire que l’on communique « naturellement », comme on va aux toilettes ou qu’on éternue. Or une grande partie d’entre nous le fait ainsi, sans réflexion préalable.

Nombre de civilisations et sociétés ont instauré des rituels pour mieux communiquer.

Chez nous pendant longtemps, l’éducation nous a appris la politesse, le respect et la soumission à l’autorité comme bases de la vie en société. Les rapports de dominance, qu’ils soient entre parents et enfants, chefs et subalternes, hommes et femmes, humains et animaux, régissaient notre vie quotidienne. Nous avons donc appris à nous taire, et à attendre d’être adulte voir âgé, pour avoir le droit de l’ouvrir enfin et se venger sur la génération suivante de tout ce que l’on a subi et réprimé en soi. Cette éducation a fait son temps en théorie, mais pas grand-chose ne l’a remplacée sauf dans des milieux très privilégiés (je ne parle pas d’argent mais d’humanité), comme cela a toujours été le cas. Les réseaux sociaux et les modèles politiques qui nous sont en général proposés font figure de norme de communication, et reprennent le pire de ce qu’Alice Miller appelait « Pédagogie noire ». La famille reste donc le lieu privilégié du défoulement face aux pressions sociales que nous devons supporter. Les humeurs, les injonctions, les coups de gueule, tout nous sera pardonné dans ce lieu chaleureux et sécure. Le « savoir-vivre », le « savoir communiquer », ou le « savoir être ensemble », ne se posent que rarement comme une nécessité.

Et si le grand-père ou la cousine continuent malgré « l’esprit de Noël » à critiquer votre tenue, votre vie sentimentale ou le boulot que vous avez accepté, sans parler de votre écolo-véganisme ou de votre décision de vous faire ou non vacciner, ils n’ont la plupart du temps même pas l’impression de vous agresser. Ils s’expriment, tout simplement. Ils voient tous les jours dans les médias des modèles avérés de manipulation, culpabilisation, chantage affectif, ridiculisation, humiliation, jugement, déni… Pourquoi se conduiraient-ils autrement ?

Et si vous réagissez, vous risquez d’entendre « ah ce que tu es susceptible toi alors ! », ou encore « je ne te pensais pas si fragile ».

Oui, la communication bienveillante nécessite un vrai recul, non seulement par rapport à soi, mais par rapport à la majorité des modèles sociaux et éducatifs qui nous sont proposés.

Dans les groupes et les formations que j’anime, je propose de se rappeler une règle de communication simple, la règle des « 3 NI » : ni interprétation, ni jugement, ni conseil. L’interprétation est une intrusion dans la vie de l’autre. Le jugement une exclusion, une rupture du lien. Le conseil un abus de pouvoir, même nourri des meilleures intentions.

S’entraîner à communiquer sans utiliser ces trois biais n’est pas une mince affaire. C’est pour ça que la meilleure réaction face au besoin d’expression d’une personne est souvent… de se taire ! Et de lui montrer votre écoute inconditionnelle et votre empathie par un contact chaleureux.

Et si votre interlocuteur exprime une opinion qui vous révolte ? Se rappeler que l’opinion même la plus révoltante s’appuie sur un besoin, en général une peur, qui n’a pas été prise en compte.

Aujourd’hui il n’y a pas de plus grande liberté possible que d’arriver à affronter et à vaincre ses peurs, même les plus angoissantes : la peur de la maladie, de l’effondrement de la société, de la guerre, de l’invasion, de la pauvreté, de l’exclusion et la pire, la peur de la mort. Elles sont nombreuses et utilisées à qui mieux mieux par les gens supposés nous gouverner mais qui en fait nous « dirigent », c’est-à-dire, étymologiquement, nous « mettent en ligne ».

Si face à une agression verbale vous arrivez à contacter la peur de la personne qui s’exprime, peut-être arriverez-vous à parer le coup grâce à l’empathie. Peut-être arriverez-vous même à reformuler ses paroles pour être sûr d'avoir bien compris, et aussi peut-être pour lui donner une chance de revenir dessus.

Et si c’est vous l’agresseur ? Se rappeler que ce n’est pas parce que quelqu’un ne dit rien qu’il n’a rien à dire. Et peut-être faire le premier pas si vous avez conscience d’avoir lâché la pression sans considération pour l’autre.

Le pouvoir magique de la phrase : « Je te prie de m’excuser si je t’ai blessé.e et je te propose d’en parler », est infini.

S'entendre avec nos différences

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