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Le sourire du Chat

par Marie-José SIBILLE

publié dans Le quotidien - c'est pas banal ...

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Ce matin, juste avant l’aube, avez-vous vu la lune sourire ?

Avez-vous croisé le chat d’Alice vous souhaitant une journée pleine de merveilles ?

Si vous l’avez raté, préparez-vous à le croiser demain, ou après-demain peut-être.

Mais pas plus tard.

Le chat apparaît et disparaît quand il veut. Un jour il est là. L’autre il n’y est plus.

Saisir son sourire avant qu’il ne disparaisse, et voilà que notre imagination s’envole pour la journée, pour un mois, pour la vie.

 

La lune est la partie sombre de notre cerveau, la partie obscure, la partie féconde. Celle qui se niche dans le ventre, qui se dit dans les rêves, qui s’exprime dans le talent. Sans lune, pas de Pierrot, pas de poète, pas de chercheurs géniaux, pas d’homme d’état visionnaire.

Mais sans soleil, pas de femme qui assume un pouvoir, pas de grande penseuse, pas de Marie Curie, pas de Françoise Dolto, pas de Mère Térésa.

Le soleil a rendez-vous avec la lune.

Ils ne se rencontrent dans l’acte d’amour que fugacement, une fois tous les 28 jours, ils n’ont pas besoin de plus ! C’est ce moment que l’on appelle la Nouvelle Lune. Nous ne voyons rien alors dans le ciel. C’est normal. C’est leur secret. Les enfants que nous sommes n’ont pas accès à la chambre conjugale. Et c’est très bien comme cela.

Pendant le reste du cycle, regardez-les s’aimer, discuter, se confronter, s’inspirer mutuellement, batailler, se déchirer, se séparer même parfois, pour mieux se retrouver.

 

Tristes les humains que l’on dit rationnels, tristes ceux qui ont perdu cette clé, la clé du jardin d’Alice ; tristes et seuls ceux qui n’ont plus accès au sourire du chat, ceux qui ne voient plus la lune le matin avant l’aube, ou ceux qui n’y voient qu’un gros caillou mort depuis longtemps.

 

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La petite fille qui pleurait dans un coin

par Marie-José SIBILLE

publié dans Le quotidien - c'est pas banal ...

Elle m’a touchée cette petite fille au visage chiffonné, agrippée aux barreaux de l’école. Il a suffi que je me penche vers elle en lui demandant ce qui n’allait pas pour qu’elle fonde en larmes.

Elle voulait son papa.

Au moment où j’allais l’amener à la maîtresse, il est arrivé. Il m’avait vue avec sa fille, et s’était demandé ce qui n’allait pas.

De nombreux adultes passaient devant cette petite fille. Ils m’ont dit ne pas l’avoir vue.

Prendre ce temps de voir l’autre densifie la relation, nous fait entrer dans la profondeur. Une relation devient alors un univers à découvrir chaque jour, un nouveau continent à explorer. C’est le contraire de l’habitude : tout ce que je ne sais pas encore de toi, tout ce que je peux encore découvrir dans ton visage, dans ton sourire ; tous ces défis nouveaux que tu te donnes, toutes ces nouvelles réalités que tu connais aujourd’hui, alors que tu les ignorais hier.

Ce changement que tu vis à chaque instant et dont je ne prends pas toujours la mesure.

Vu sous cet angle, nous avons moins besoin de « quantité ». Un répertoire d’adresses chargé n’est plus forcément un signe d’intelligence relationnelle, mais de besoin de pouvoir, un signe d’adaptabilité sociale, ou tout simplement de bêtise, cette bêtise qui nous guette quand nous confondons richesse et accumulation.

Dans cette profondeur relationnelle, l’intime prend toute sa mesure, qui est infinie.

Je ne parle pas ici de la sécurité indispensable, en particulier à l’enfant, de certaines relations de base.

Je parle de la recréation permanente d’une relation.

Nos enfants changent tellement vite qu’ils peuvent parfois nous maintenir éveillés à cette qualité relationnelle, pendant le temps qu’ils passent avec nous.

Mais avant ? Mais après ?

Cet homme ou cette femme à côté de qui nous avons un jour choisi de vieillir, faut-il vraiment le changer pour un ou une autre, car nous n’aurons pas eu le courage de la remise en cause fondamentale ? Parfois oui bien sûr ; certains liens sont faits pour mourir un jour, en tous cas sous une certaine forme. Mais cela vaut le coup de bien se poser la question.

Et ces amis qui nous soutiennent depuis si longtemps, ces collègues avec qui nous avons appris la joie de travailler en équipe ?

Et le sourire d’enfant émerveillé qui illumine soudain le visage de ce vieillard grognon que vous croisez tous les jours à la boulangerie ; et cette femme épuisée par vingt-cinq ans de soumission à son patron et à son mari, précédés de vingt-cinq autres années de soumission à son père, qui change de look et crée sa micro entreprise en envoyant tout balader ; et qui réussit ; et ce cadre sup exploité jusqu’à la moelle par une entreprise tentaculaire et totalitaire qui s’installe comme apiculteur et commence à écrire des poèmes ; et ce couple qui tombe amoureux à 70 ans passés.  Il n’y a pas que l’ado rebelle et boutonneuse pour se transformer un jour en fleur épanouie ; il n’y a pas qu’à trente ans que l’on peut créer sa vie.

S’entraîner à voir chaque jour quelque chose de nouveau chez l’autre si proche, c’est aussi s’autoriser à soi-même ce renouvellement quotidien.

Tout va très vite. Et à la fois chaque seconde contient une infinité de possibles.

Cette petite fille au visage chiffonné, je pouvais voir le microtraumatisme se former dans son cerveau, dans son cœur, dans son corps : papa n’est plus là, alors que j’ai si peur.

Mais déjà l’accès aux larmes, puis le retour de l’être aimé ont à nouveau modifié, en un instant, toute la configuration intérieure de cette enfant.

La mutabilité de l’enfance est quelque part en chacun de nous.

A nous de la trouver, de voir ses larmes et son sentiment d’abandon ; de lui redonner le goût de jouer et de grandir, de vivre et d’apprendre, d’aimer et de créer.

Depuis quand n’avons-nous pas été  voir le petit garçon assis dans un coin du préau, la petite fille accrochée aux grilles de l’école ?

 

 

 

 

 

 

 

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