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Toilettes sèches : comment changer le monde (et faire fuir les ados 😂 ) avec une poignée de sciure.

par Claire Sibille

publié dans Je suis psy mais je me soigne ! , Le quotidien c'est pas banal !

Résumé : Et si la guerre de l'eau ne passait plus par vous ? Et si vous preniez une décision simple et radicale qui va changer votre vie ? Et si, au moins à la campagne, ce n'était pas si compliqué que cela ? Et s'il fallait faire évoluer aussi les mentalités citadines ? Les toilettes sèches ont changé beaucoup de choses dans ma vie, y compris dans ma pratique de psychothérapeute. C'est ce que je vous raconte dans ces quelques lignes.

Mise à jour de l'article écrit en 2012.

Installer des toilettes sèches était encore révolutionnaire en 2012 quand je me suis lancée dans cette aventure avec mon compagnon. Maintenant beaucoup d'influenceurs écolos en parlent, je ne sais pas s'ils ont concrétisé dans leur appartement parisien ou bordelais ? Je compatis sans réserve car eux au moins ont pu passer au vélo là où rame encore à bord de la voiture obligatoire. Chacun ses contraintes incompressibles.

Que s'est-il donc passé dans notre vie en 2012 ?

Nous n’en pouvions tout simplement plus de mettre des litres d’eau potable pour « ça » alors que des petits enfants lapent l’eau des flaques en Afrique, chacun ses limites. Et la récupération d’eau de pluie n’était pas simple à installer dans ce (petit) coin-là.

Alors nous avons franchi le pas, après préparation psychologique approfondie. D’abord de mon compagnon qui anticipait les désagréments pratiques, mais s’est vite rallié à la cause, car l'idée venait de moi. Mais la mise en œuvre, c'est lui ! Ensuite nos enfants, en pleine préadolescence à cette époque. Un âge où ils ne sont pas encore vraiment en paix avec les excrétions de leur corps, ainsi qu’avec le regard des copains/copines invités à la maison.

Il a donc fallu transformer la honte en fierté, chemin classique de résilience des individus et des groupes : nous n’étions pas des paysans du moyen-âge ou des rebus de la société hors confort, nous n’étions pas des écolos archaïques et totalitaires voulant retourner dans les cavernes et lire à la bougie, mais des révolutionnaires et des résistants conscients des enjeux écologiques et de la survie de la planète. Ainsi donc, après m’avoir fait confirmer cent cinquante fois que je n’allais pas changer d’avis dans les trois mois, mon compagnon a résolument coupé le tuyau d’arrivée d’eau, enlevé le bloc sanitaire, et bâti d’adorables petites toilettes sèches en bois. Nous avons investi également dans un seau en inox et une petite pelle pour ramasser les copeaux de bois. Il y a eu des bons moments, comme d’aller à la scierie remplir des sacs et de voir cette abondance inutile et gratuite que nous allions pouvoir valoriser.

Et nous avons ainsi mis en place le changement, qui s’est révélé être une vraie transformation intérieure.

Première conséquence : toutes les mauvaises odeurs ont disparu. Absorbées par la sciure.

Deuxième conséquence : 125 euros d’économie d’eau potable en 2012. Je ne vous dis pas aujourd'hui, en 2023, où notre courbe de consommation d'eau est en dessous de toutes les moyennes nationales. Les toilettes sèches n'en sont pas la seule raison mais y contribuent largement.

Troisième conséquence : Plus de fosse septique à vidanger, et à entretenir avec des produits toxiques et coûteux pour qu’elle ne dégage pas d’odeurs. Avec la fosse septique, a aussi disparu ce sentiment inconfortable de dormir à côté d'un vide sanitaire rempli d’eau stagnante et « boueuse ». L’équivalent pour les citadins sont les égouts, et l’impression que j’imagine détestable, que j’essaie d’oublier quand je dors en ville, de polluer les océans avec des matières non transformées. Comment est-ce possible de vivre avec cette pensée ? Peut-être les citadins oublient-ils d’y penser ? Je les comprends, nous essayons aussi d'oublier pour des sujets tout aussi cruciaux, comme l'usage incontournable de la voiture. Mais ça ne marche pas trop dans notre cas.

Quatrième conséquence : le bonheur que je retire de notre tas de compost numéro un. Je vais le voir tous les jours tellement ça me fait du bien, même si il n’a pas besoin de moi. Pour ceux qui ne sont pas trop au fait de cette pratique, sachez que le contenu quotidien du seau est déversé (il y a des systèmes plus pratiques mais nous on en est encore à cette maintenance-là) dans un bac de compostage, ou, mélangé à quelques déchets du jardin, de la paille usagée, du papier journal et du carton, il se transforme petit à petit. Cela prend deux ans pour qu’il soit « mûr ». Au bout de quatre mois, notre premier compost est déjà un bonheur à regarder, à touiller, à sentir vivre. Il a un aspect de belle terre noire, et ce sera de mieux en mieux. Des tas de petits animaux l’ont colonisé : vers de terre, cloportes, fourmis, iules, scolopendres, … des petites merveilles du bon dieu et de la nature qui mastiquent, digèrent, courent avec leurs petites pattes, transforment, partagent, … je les aime ! Et puis il y a les champignons : les premiers ont été un choc, je ne m’y attendais pas. Des sortes de lépiotes, des grappes de petits champignons caoutchouteux et noirs pleins de vie. Toujours aucune odeur si ce n’est celle de plus en plus prononcée de terreau. Et la chaleur ! Impressionnant. Notre compost fume. Je sais qu’en son cœur il fait 70 degrés. Je le remue tendrement avec mon remueur de compost.

Je me sens être une bonne remueuse de compost. Je me sens à ma place.

Et, conséquence indirecte bienvenue, la psychothérapie intégrative que je pratique en a bénéficié. Plus de traumas honteux qu’il faut oublier et cacher, plus de mauvaises humeurs, d’émotions négatives, de déchets relationnels : tout dans le bac à compost ! On remue, ça chauffe, et ça produit deux ans plus tard une belle terre noire qui nourrit les arbres et les plantes, certains disent même les légumes, mais nous n'en sommes pas encore là. Avant, en bonne névrosée banale et psychanalytique, je pensais qu’une partie de moi était « mauvaise », un « déchet », qu’il fallait « évacuer ». Cette partie honteuse était en plus une pollution pour la nature, et un poids pour la collectivité et le service public. Maintenant je suis une individualité complexe mais intégrée qui réutilise ses déchets dans un cycle de vie et de mort très efficace. Ce processus non seulement ne coûte rien à personne, mais il apporte en plus de l’engrais à la nature et de la nourriture aux petites bêtes.

Je ne vous le cache pas, mon sentiment est proche de l’exaltation.

Ça doit être proche de la résilience cette idée-là, mais les toilettes sèches, c’est plus facile à comprendre !

 

Il y a mille manières de construire ses toilettes sèches, et aujourd'hui, mille sites qui en proposent... J'ai une préférence pour le bois, mais vous en trouvez qui ressemblent comme deux gouttes d'eau 😂 à des toilettes dites "normales".

Il y a mille manières de construire ses toilettes sèches, et aujourd'hui, mille sites qui en proposent... J'ai une préférence pour le bois, mais vous en trouvez qui ressemblent comme deux gouttes d'eau 😂 à des toilettes dites "normales".

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Commenter cet article
A
J’aime beaucoup l’implication thérapeutique. Plus de honte, que de la récup !<br /> Mais quand on habite en ville, je ne vois pas trop ce qu’on peut faire…
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C
Oui je suis d’accord. C’est pour ça que j’ai comparé au vélo où la ville a de l’avance.
B
J'ai beaucoup ri à la première lecture, en 2012 ou à peu près, et aujourd’hui je me délecte toujours de cette vérité crue tellement positive
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C
Merci fidèle lectrice ! Bonne journée.
M
ai partagé cette ode aux toilettes sèches sur ma page FB <br /> trop bien -
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C
Merci, n'hésitez pas à me "taguer" ! Bonne journée.