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Les femmes et les enfants d’abord ? Oui, mais pour le pire !

par Claire Sibille

publié dans Alterégales

Les femmes et les enfants d’abord ?

Oui, mais pour le pire !

Il n’y a pas mort d’homme dans les foyers français, ou peu… mais de femmes oui !

Les chiffres sont effrayants. A ce jour autour de 90 femmes ont perdu la vie en 2020 tuées par leur compagnon ou ex, chiffre officiel, sachant que certaines morts ne sont pas recensées, par exemple les suicides consécutifs aux violences répétées. En 2019, plus de 142 000 personnes, tous sexes confondus, ont été victimes de violences conjugales. Environ 88 % d’entre elles sont des femmes. Ces violences conjugales s’ajoutent aux viols, aux incestes, au harcèlement sur le lieu de travail, d’études ou dans la rue et j’en oublie sûrement !

Ces chiffres sont effrayants car ils devraient être proches de zéro dans un pays démocratique comme le nôtre, avec quelques exceptions d’accidents domestiques ou de brusques flambées de graves pathologies mentales. Or ce n’est pas le cas ! Des femmes meurent tuées sous les coups d’un homme qu’elles ont dénoncé plusieurs fois, dont tout le monde connaît la violence. D’autres vivent dans la terreur jusqu’à ce que littéralement, le stress les tue, cela arrive de mourir de peur.

En 2020 ces phénomènes sont aggravés par le confinement qui joue le rôle d’une contention imposée pour certains hommes violents, comme les sangles dans les hôpitaux psychiatriques ou les barreaux des prisons. Or les thérapies de contention ne marchent pas, on le sait depuis longtemps, sauf à protéger très temporairement l’environnement ou empêcher la personne elle-même de se détruire. La contention fait au contraire la plupart du temps exploser la rage. Le confinement a le même effet sur les hommes violents, violence aggravée par l’alcool qui apparemment fait partie en France des produits essentiels (avec les cigarettes et contrairement aux livres, désolée, je n’ai pas pu m’empêcher, c’est une violence qui m’est faite…). Enfermer dans une cage un agneau avec un loup, pas difficile d’imaginer ce qu’il va se passer. Cette métaphore animale n’est que partiellement adaptée, là c’est l’écolo qui reprend la plume, car le loup va manger l’agneau pour se nourrir alors que l’homme violent est juste dans l’incapacité de contenir sa rage impuissante et destructrice.

De plus ces violences directes sont relayées par les violences institutionnelles et sociétales, dans la protection, la justice et le soin. Ces traumatismes secondaires sont parfois encore plus insupportables pour les femmes que les agressions subies.

C'est ainsi que des femmes et même des enfants violé.es ont le courage de parler mais attendent des années que le criminel soit présenté à la justice, parfois avec le risque permanent de croiser leur agresseur dans la rue avec tous les risques que cela comporte pour leur santé physique et émotionnelle. D’autres ne sont pas entendues quand elles veulent porter plainte ou restent oubliées dans un tiroir.

J’accompagne régulièrement des femmes qui ont traîné pendant des décennies les conséquences en terme de stress post-traumatique de violences sexuelles subies dans l’enfance ou plus tard. Et de manière socialement perverse ce sont les victimes qui se font soigner et qui payent leur psychothérapie quand elles choisissent un circuit non médical. Ce sont les victimes qui portent le poids de la faute de l’agresseur, c’est vrai pour les enfants, garçons et filles, c’est vrai pour la plupart des femmes. Heureusement en ce qui concerne la psychothérapie les bénéfices en terme de croissance personnelle dépassent très largement le cadre du traumatisme. Mais l'un n'empêche pas l'autre.

Il n’y a pas d’autre solution pour faire changer les choses que la diffusion de ces informations jusqu’à ce qu’elles franchissent les couches épaisses de l’indifférence ou de l’impuissance labyrinthique des institutions. L’incompétence de certains commissariats, de certains bureaux de juges d’instruction et même de certains avocats sur ces sujets me laisse souvent rêveuse.

Comment est-ce possible ?

C’est ainsi.

Ce sont parfois même, trop souvent, à l’intérieur de ces métiers censés nous protéger que l’on trouve les pires violents, violeurs et harceleurs, que ce soit dans la justice, la médecine, la police, l’armée (article du monde sur le harcèlement des jeunes avocates, témoignage sur l’armée ci-joints)…

L’éducation en France ne laisse aucune place à l’intelligence de l’intime, du lien, des émotions. On considère que cela fait partie des compétences des familles… Nous retrouvons cette grave lacune dans les formations aux métiers du soin, où le savoir intellectuel et les compétences techniques sont omniprésentes au détriment de l’humain, y compris dans la psychothérapie officielle. Or apprendre l’empathie et le langage des émotions, mais aussi comprendre les souffrances que l’on porte et les conséquences des violences que nous avons subies est essentiel pour un adulte et encore plus important quand on a une famille ou un métier qui nous rend responsable peu ou prou de la vie d’autrui. C’est aussi voire bien plus important qu’apprendre que Christophe Colomb a découvert l’Amérique, surtout en cachant que c’était un tyran psychopathe.

Mais c’est inaudible en France, sauf dans quelques milieux alternatifs encore trop marginalisés. Alors en attendant, tout continue à l’identique ou presque. Car la parole, indispensable, ne suffit pas si elle n’est pas incarnée dans un changement émotionnel et corporel.

Réinventer au quotidien les relations homme-femme est un défi depuis des décennies mais ce défi devient encore plus vital aujourd’hui. Alors demandons-nous mes sœurs en quoi nous, femmes supposée libres, nous nourrissons au quotidien l’ancien ordre du monde. Par adhésion sincère, le tea-party existe bien, par intérêt carriériste et politique, par instinct de survie ou par confort, par résistance au changement… ou par impuissance.

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Journées de mobilisation :

Le 25 novembre, ce sera la journée de lutte contre les violences faites aux femmes et aujourd’hui l’association #NousToutes se mobilise et nous mobilise pour préparer cette journée: https://www.franceinter.fr/emissions/pas-son-genre/pas-son-genre-19-novembre-2020

Pour mes autres articles sur le féminisme et les violences faites aux femmes, catégorie du blog : Alterégales.

Quelques exemples :

Sur les violences dans l'armée, suite au livre coédité par le journal Causette, quelques témoignages: https://laguerreinvisible.wordpress.com/2014/04/22/nous-ne-nous-engageons-pas-pour-nous-faire-insulter-brimer-frapper-et-violer/

Sur les violences subies par les avocates, j'ai eu un choc tellement j'avais encore foi dans la justice...: #NousToutes

 

 

Un des messages importants transmis par l'association #NousToutes

Un des messages importants transmis par l'association #NousToutes

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