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Accompagner les familles adoptives : dix erreurs à éviter. Erreur numéro trois : Arrêter de penser en entendant le mot " adoption "

par Marie-José Sibille

publié dans La psychothérapie - de quoi ça parle

Accompagner les familles adoptives : dix erreurs à éviter.

Erreur numéro trois : Arrêter de penser en entendant le mot " adoption "

 

Pour beaucoup de personnes, dont nombre de professionnels de la thérapie, et ce quels que soient leurs diplômes ou leur style de formation, le mot « adoption » fait arrêt sur image, obstacle à la pensée. Quelle que soit la problématique traversée, dans l’enfance, à l’école, à l’adolescence, et même chez le jeune adulte dans sa construction sociale et affective, il suffit d’apprendre que la personne a été adoptée, et donc préalablement abandonnée, pour stopper le processus de réflexion et de recherche clinique.

L’élément historique devient symptôme unifiant et stigmatisant aux yeux de nombreux professionnels. C’est humain. Nous sommes là pour accueillir les symptômes et nous associons ces symptômes à la partie de l’histoire que nous connaissons. Or nous savons souvent très peu, tant sur le contexte de l’abandon que sur celui de la vie de l’enfant avant l’adoption. Et sur l’adoption elle-même en tant qu’événement fondateur de cette famille-là, nous devons faire également avec peu, l’histoire que la famille veut bien nous raconter, l’histoire qu’elle accepte de se raconter à elle-même dans ce cadre thérapeutique.

Comme pour toutes les familles.

L’effet de réel va venir de la souffrance exprimée, c’est notre seule voie d’accès : souffrance de l’enfant, souffrance de la famille. J’entends par souffrance, la douleur visible, montrée, mais aussi le travail, l’effort que fait une famille pour résoudre une problématique, le mot souffrance renvoyant à « ce qui est supporté » par la personne, ce qu’elle amène avec elle dans le lieu thérapeutique. Et ce quelle que soit la problématique, un trouble de l’apprentissage ou une insécurité d’attachement, les manifestations d’un stress adaptatif ou d’un stress post-traumatique, mais aussi des situations plus banales comme des conflits dans la fratrie, dans le couple ou dans la relation parent-enfant.

La souffrance va nous montrer le chemin à suivre.

Que faire de nos émotions alors, si nous ne pouvons pas les utiliser pour nous révolter contre l’abandon ou au contraire le banaliser, pour nous émerveiller de l’adoption ou au contraire la dévaloriser, pour dramatiser la situation en amplifiant le symptôme ou au contraire fuir par crainte des abréactions émotionnelles, en laissant la famille seule avec sa douleur ? Ne laissons pas nos émotions dehors sous prétexte d’une quelconque « neutralité bienveillante » impossible. Nos émotions sont là pour nourrir le lien thérapeutique. Elles servent de caisse de résonnance pour nous aider à comprendre, mais aussi, dans une psychothérapie centrée sur l’attachement, elles nourrissent l’empathie, la chaleur du lien, la capacité à prendre soin de la personne dans le cadre de la séance ou du contexte d’accompagnement. Elles sont indispensables, et l’idée de ne pas les utiliser doit vraiment faire partie des pensées thérapeutiques à enterrer avec le dernier millénaire.

Et que faire de nos pensées non élaborées alors, de nos jugements, de nos opinions, de nos présupposés sur l’abandon ou l’adoption ? Les laisser au porte-manteau. C’est ici que l’on peut envisager d’utiliser encore le terme de « neutralité bienveillante » à condition de le redéfinir comme n’excluant pas les émotions, voire même le contact physique. Cette neutralité consistera alors à ne pas préjuger d’une situation, exercice difficile quand la situation est socialement bien cataloguée comme les sont les faits d’abandon et d’adoption.

La pensée véritable, c’est la capacité de mise à distance de cette pensée convenue.

Même quand nous la trouvons chez des personnes supposées savoir. Même quand elle se manifeste à l’intérieur de nous.

En tant que brouillon de compréhension, ébauche de réflexion, ou encore arrêt de l’intelligence, cette pensée convenue, cette pensée apprise par contamination sociale, cette pensée-là n’a rien à faire dans le lien thérapeutique.

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Accompagner les familles adoptantes : dix erreurs à éviter. Erreur numéro deux: Confondre famille adoptante et famille d'accueil.

par Marie-José Sibille

publié dans La psychothérapie - de quoi ça parle

Accompagner les familles adoptantes : dix erreurs à éviter.

Erreur numéro deux: Confondre famille adoptante et famille d'accueil.

 

 

Accompagner les familles adoptantes : dix erreurs à éviter.

Erreur numéro deux : Confondre famille adoptante et famille d'accueil. Professionnaliser les parents adoptants.

 

Les titres de certains livres, les remarques entendues en formation ou en supervision, les articles parlant de « parents professionnels », font parfois de manière explicite l'amalgame entre les familles adoptantes en souffrance, celles qui sont connues des thérapeutes, et les lieux-ressources de l'enfance en danger que sont les familles d'accueil. En disant cela, je ne minimise pas l'implication relationnelle de beaucoup de parents d'accueil envers l'enfant qu'ils reçoivent. D'ailleurs certains d'entre eux font des procédures d'adoption de l'enfant accueilli qui devient alors leur enfant, et les faits divers nous rappellent régulièrement les enjeux affectifs de ce type de profession.

Mais.

Pour la plupart de familles d'accueil, la différence entre leurs enfants et les enfants qu'ils reçoivent est claire et sans ambiguïté. Comme est claire, ou devrait être claire, la posture du thérapeute qui reçoit des familles en difficulté. L'argent fait limite, de même que dans le cas des familles d’accueil font limite l'implication de l'institution et celle de la justice. C'est pour cela d'ailleurs que dans certaines situations, situations où le parent d'accueil sent bien qu'il se passe "autre chose" avec l'enfant accueilli, il démarre une procédure d'adoption, souvent à l'occasion d'une séparation annoncée, avec tous les drames qui en découlent parfois.

Les parents qui adoptent ne sont pas des professionnels.

Ce sont des parents.

Et ils ont parfois plus que d'autres des difficultés à se sentir légitimes, surtout la mère "qui a pris la place de l'autre", ou encore les couples en situation de stérilité par ailleurs. Une des tâches essentielles des professionnels qui accueillent les familles en souffrance ou en difficulté est de renforcer la légitimité parentale, de valider non seulement leurs compétences mais d’abord et surtout leur place, garante de leur autorité et de leur pouvoir éducatif.

Je comprends le problème.

Même en tant que mère adoptante j'ai pu parfois ressentir la tentation, dans ma place de thérapeute, de "professionnaliser" les parents adoptants, et ce dans deux situations totalement opposées.

La première situation est celle de certains parents que je ressentais, ponctuellement et depuis ma sensibilité subjective, comme trop distanciés de la souffrance de leur enfant. Ressentir cela dans d’autres formes familiales, familles recomposées souvent, mais aussi tout bêtement familles «biologiques», m’a permis d’interrompre ce processus de pensée et ses conséquences dans la relation thérapeutique. Face à la souffrance de leur enfant, certains parents, adoptants ou non, mettent de la distance. Ils développent par impuissance une forme d’attachement adaptatif que l’on nomme « évitant », destiné à se protéger de leurs propres émotions difficiles. Et aussi dans certains cas, destiné à protéger leur enfant de leurs propres émotions. Comme un pare-feu. L’attitude complémentaire, celle de la collusion émotionnelle avec la douleur de l’enfant, que l’on pourrait alors comparer à un incendie qui s’étend de l’arbre à la forêt, cette attitude n’est pas plus aidante.

Ou les deux postures peuvent être suffisamment sécurisantes pour l’enfant à des moments différents, si elles peuvent être proposées en alternance, ou incarnées de manière plus banale par chacun des parents, l’évitement étant plus fréquent chez le père et la collusion chez la mère, les rôles et les apprentissages parentaux étant encore très liés au genre.

Même les parents bienveillants et « positifs » ne sont pas obligés d’être des parents parfaits.

Dans une autre situation, à l’opposé, certains parents adoptants d’enfants souffrant de stress post-traumatique s’impliquent fortement dans la résolution de ses problèmes sans qu’il y ait pour autant collusion. On les ressent présents, concernés, et … efficaces. La tentation devient grande alors de les « professionnaliser » ! Or ce n’est pas leur place. Les rendre partenaires de la résilience de leur enfant, y compris en leur donnant toutes les pistes de réflexion, ainsi que des outils de résilience et de développement de l’intelligence affective, qu’ils ont d’ailleurs souvent déjà trouvé eux-mêmes dans les livres et autres médias, ou dans des formations à la parentalité, les considérer comme des pairs en ne se vivant pas en « position haute », toutes ces attitudes relationnelles positives de la part du thérapeute ne signifient en aucun cas professionnaliser les parents.

Les situations où les parents adoptants sont eux-mêmes thérapeutes est encore un autre sujet …

Dans une journée sur la parentalité où j’intervenais l’année dernière[i], il a été conclus que l'usage des qualités de la parentalité positive, ces qualités que les anglosaxons ont popularisé sous le terme de « care » ou de « caregiving », sont les mêmes que celles utilisées dans les nombreux métiers de la relation d’aide et d’accompagnement de la personne et des familles. Il est donc naturel que notre cerveau connecte les mêmes neurones face à des comportements perçus comme similaires.

Alors, professionnels comme parents accueillis, soyons vigilants.

Car la légitimité de la filiation, légitimité qui implique bien plus d’aspects que la légalité de l’adoption plénière qui n’en est qu’une partie indispensable, est le plus beau cadeau que peuvent se faire mutuellement les enfants et les parents qui s’adoptent.

 

[i] Journée organisée par Espace Thérapies Systèmes, centre de formation et de thérapie familiale dont vous trouverez les coordonnées ci-dessous. Conclusion de la journée par Olivier Trioullier.

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